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Retrospective Brian De Palma

Itinéraire pour une intégrale

Si Brian De Palma appartient à la même génération de réalisateur que Lucas, Spielberg, Coppola et Scorsese, il n’a connu ni les succès commerciaux des deux premiers ni la reconnaissance critique des deux derniers. Pourtant, depuis le milieu des années soixante, il a construit une oeuvre importante et plus personnelle que ce que l’on a pu penser pendant longtemps. Souvent méprisé pour ses inspirations hitchcokiennes ouvertement revendiquées, il est bien plus qu’un simple plagieur. En trente ans de carrière, il s’est tout simplement imposé comme un des réalisateurs majeurs de sa génération à redécouvrir d’urgence avant la sortie prochaine de son nouveau film Femme Fatale. Voici donc un itinéraire pour la retrospective.


Les chefs d’oeuvre

Blow Out (1981) :

Considéré par la majorité des fans du cinéaste comme son meilleur film et par Tarantino comme un des trois plus grands films de l’histoire du cinéma avec Rio Bravo et Taxi Driver, Blow out est sans aucun doute une des réussites majeures de De Palma.Il parvient ici à une intégration du son et des images particulièrement poussée. Thriller sur un ingénieur du son (John Travolta) temoin d’un meurtre politique qu’il va tenter d’élucider à tout prix, le film mêle parfaitement suspense, discours critique sur l’Amérique et émotion. Le final est un des plus beaux et des plus forts jamais réalisé magnifié par la musique romantique de Pino Donaggio et la superbe photographie de Vilmos Zsigmond.

L’impasse (1993) :

Dix ans après Scarface, De Palma retrouve Al Pacino pour un nouveau film sur un gangster. Carlito Brigante sorti de prison pour vice de forme va tenter de remettre de l’ordre dans sa vie et repartir sur des bases saines. Contrairement à Scarface, De Palma nous offre ici un portrait intimiste d’un homme qui va tenter de se racheter. Il signe peut-être la plus belle des mise en scène de sa carrière. De la scène d’ouverture au final, il n’y a rien à jeter. Un film noir en état de grâce. A noter aussi la très bonne interprétation de Sean Penn en avocat véreux. Considéré par les Cahiers du Cinéma comme le plus grand film des années 90.

Les films-cultes

Le Fantôme du Paradis (1974) :

Mélange de comédie, de musique et de fantastique, De Palma combine le Fantôme de l’opéra, Faust et le Portrait de Dorian Gray dans une oeuvre baroque, kitsch et très stylisée. Plein d’énergie, le film, culte à sa sortie (il a remporté le prix du festival d’Avoriaz) n’a vieilli en 28 ans et reste un des sommets de l’oeuvre du cinéaste. Les numéros musicaux sont réussis et les interprétations de William Finley mais surtout de Paul Williams en mégalomaniaque producteur de la firme "death records" Swan sont extraordinaires. Le film a lancé sa carrière en Europe. A noter une des meilleures scènes de douche de sa filmographie. Visionnaire.

Carrie (1976) :

Adaptation assez fidèle du roman de Stephen King, Carrie est une grande réussite du fantastique marquée par l’imagerie catholique et le sang omniprésent. Comme pour Blow out le drame est magnifié par la beauté de la mise en scène de De Palma notamment dans la scène du bal, la musique romantique de Pino Donaggio et la photographie bleue et rouge de Mario Tosi. Sissy Spacek est extraordinaire dans le rôle titre. Grand prix du festival d’Avoriaz en 1976.

Scarface (1983) :

Les aventures du célèbre Tony Montana venu de Cuba aux Etats-Unis pour s’emparer du monde. Un opéra baroque et violent très loin du classicisme du parrain. Remake du film d’Howard Hawks transposé à Miami au début des années 80, Scarface est une dénonciation sans concession du capitalisme et du rêve américain. Al Pacino est extraordinaire. Cultissime.

Les Grandes réussites

Obsession (1976) :

Réalisé la même année que Carrie, Obsession est son oeuvre la plus classique. Hommage à Hitchcock et variation sur Vertigo, le film est de la bouche même du réalisateur "d’un romantisme tragique". L’histoire est celle d’un homme d’affaire qui perd sa femme et sa fille lors d’un kidnapping qui tourne mal et qui quinze années après va tomber amoureux d’une autre femme qui ressemble étrangement à celle qu’il a perdue. Le film vaut surtout pour sa très belle mise en scène et de magnifiques compositions signées Bernard Herrmann l’année de sa disparition.

Pulsions (1980) :

Travestissement, doubles, fantasmes, le film est un pur concentré de l’univers De Palmien. Thriller efficace magnifiquement mise en scène, le film a connu un certain succès à sa sortie. Certaines scènes comme la poursuite du musée font parties des plus réussies de sa filmographie. Un sens du découpage et du suspense inégalé.

Body Double (1984) :

Dernier thriller ouvertement hitchcockien de sa carrière, Body Double marque la fin d’un cycle. De Palma s’y autoparodie avec délectation et offre une réflexion passionnante sur le cinéma et l’artifice qui prolonge plus que copie celle entamée par Hitchcock dans son fenêtre sur cour. De Palma met à jour les perversions masculines et met à mal le romantisme de ses films précédents. Une nouvelle mise en scène magnifique avec notamment de longs plans séquences de filatures. Une réussite.

Outrages (1989) :

Film sans concession sur le comportement des soldats américains pendant la guerre du Vietnam, Outrages évite tous les risques de voyeurisme et de naïveté que pouvait poser son sujet (un jeune soldat est témoin du viol d’une civile vietnamienne par le reste de sa troupe) pour se concentrer sur la question d’un individu placé devant un choix moral. Magnifique utilisation du format cinémascope et très belles performances de Michael J. Fox et Sean Penn. A découvrir.

Mission Impossible (1996)

Blockbuster de l’ été 1996, Mission impossible est de très loin le film de la carrière du cinéaste qui a connu le plus gros succès public. C’est aussi un de ses meilleurs. Multipliant les scènes de bravoures dont le fameux casse au sein de la C.I.A à Langley, hommage à Jules Dassin, Mission Impossible enregistre la fin de la guerre froide et des frontières. Les agents secrets ne sont plus que des fantômes totalement perdus dans un monde où ils n’ont plus leur place. Le corps De Palmien y trouve une nouvelle légèreté jusqu’à voler d’hélicoptères en train. Tom Cruise va devoir apprendre à maîtriser ses émotions et prendre le contrôle de la mise en scène des opérations. Tout simplement un des meilleurs films de De Palma.

Mission to Mars (2000) :

Très critiqué au moment de sa sortie, Mission to Mars poursuit brillamment la réflexion engagé par le réalisateur au moment de Mission Impossible. Les corps sont dégagés de toute contrainte, libérés par l’apesanteur. Les distances s’amenuisent grâce aux technologies. Tous les personnages principaux vont pourtant être confrontés à la perte d’un être cher avant de chercher à combler ce manque. C’est à une aventure avant tout humaine et il est vrai un peu naïve à laquelle De Palma nous convie. Il parvient à nous toucher avec des décors minimalistes. Une oeuvre à réévaluer.

A voir ou à revoir

Soeurs de sang (1973) :

Soeurs de sang est un film très important de l’oeuvre du cinéaste car elle marque une rupture. De Palma a pour la première fois recours à la grammaire et à des thématiques hitchcockiennes qui font aujourd’hui sa marque de fabrique. Le film qui raconte l’histoire de soeurs siamoises et d’une journaliste témoin d’un meurtre marque la première collaboration entre le cinéaste et Bernard Herrmann. Le film développe une imagerie marquée par le voyeurisme et le trauma. Au final, on a affaire à une oeuvre réussie même si De Palma n’est pas encore à l’apogée de son talent. A noter, une utilisation particulièrement réussie du split screen.

Furie (1978) :

En revenant à une histoire d’enfant dotés de pouvoirs télékinésiques, De Palma continue d’explorer le genre fantastique. Furie est une réflexion intéressante sur le pouvoir et bénéficie d’un casting très solide(Kirk Douglas et John Cassavetes). Un thriller très noir et une mise en scène comme toujours efficace.

Les Incorruptibles (1987) :

L’affrontement d’Eliott Ness (kevin Costner) et d’Al Capone (Robert De Niro)dans le chicago des années trente. Un De Palma très en forme (avec notamment la très célèbre reprise de la scène des escaliers du potemkine d’Eisenstein dans la gare de chicago)malgré une histoire simple et très explicite. Récit d’une initiation difficile au monde de la mafia. Premier succès public pour le cinéaste. Sean Connery et Andy Garcia complètent le casting.

Le bûcher des vanités (1990) :

Sans aucun doute l’eéchec artistique majeur du cinéaste de ses vingt dernières années. Si la critique sociale de l’Amérique libérale des années 1980 est intéressante, le cinéaste n’a pas poussée celle-ci assez loin pour réellement toucher le spectateur. On est très loin du Docteur Folamour de Kubrick que le cinéaste cherchait à retrouver. Le cinéaste est ici trop moraliste et trop proche de la réalité. Le film manque un peu de folie qui aurait pu contrebalancer la méchanceté du propos. A noter pourtant un casting alléchant puisqu’on y retrouve Tom Hanks, Bruce Willis et Melanie Griffith.

L’esprit de Caïn (1992) :

Après l’échec financier et critique du Bucher des Vanités, De Palma revient au thriller grotesque, le genre qui a fait sa gloire à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Il s’offre avec l’esprit de Caïn, un jeu très brillant avec le spectateur multipliant les ruptures dans la narration ou de points de vue. Il réalise un des premiers grands récits schizophréniques un peu avant le Twin Peaks de david Lynch. Ca tombe bien, c’est le sujet du film. La performance de Lithgow est impréssionnante. Un final très réussi. Une oeuvre méconnue à découvrir.

Snake Eyes (1997) :

De Palma entre ses deux "missions" nous offre une leçon de mise en scène passionnante en restreignant l’intrigue à un lieu unique : un casino. Le premier plan-séquence est magnifique. Combats truqués, policiers corrompus, assassinats politiques, le cinéaste n’a pas renoncé à la dimension politique de son oeuvre. Un petit rubis avec un très grand Nicolas Cage.

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Wotan’s Wake (1962)/responsive eye (1965) :

Deux moyens métrages réalisés par un très jeune cinéaste. Les deux ont un rapport à l’art. The responsive eye est un documentaire sur le vernissage d’une exposition d’un musée new Yorkais sur les effets d’optique. L’excentricité des personnes interrogées prête parfois à rire mais sinon la commande reste très sérieuse et assez éloignée des préoccupations tant thématiques que formelles du cinéaste. Wotan’s Wake, un peu plus intéressant raconte l’histoire d’un sculpteur/vampire Wotan qui voit un jour une de ses statues se transformer en jeune femme. Pastiche de nombreux films classiques allant d’eisenstein au septième sceau de Bergman en passant par King Kong. Le tout est très marqué visuellement par l’expressionnisme. Un film d’étudiant assez drôle (notamment tout le dénouement jusqu à l’explosion atomique finale).Un double programme à réserver aux plus fans et aux plus curieux.

The wedding Party (1963-1966) :

Un jeune homme rejoint la maison de sa fiancée avec deux de ses amis (william finley et de Niro dans un de ses premiers rôles) pour se marier. Ces derniers tentent d’abord de le décourager avant que lui-même soit pris de doute. Petit mode d’emploi d’une cérémonie de mariage, le film est une comédie moyennement réussie qui se rapproche un peu d’un burlesque muet avec notamment de nombreuses courses poursuite. Le film est une succession de gags plus ou moins réussis. Le premier long-métrage du cinéaste.

Murder a la mod (1967) :

Une oeuvre matricielle de ses thrillers à venir et une des grandes réussites de sa première période. L’histoire de l’assassinat d’une jeune femme reconstitué du point de vue des trois protagonistes principaux. De Palma commence à pasticher hitchcock comme le cinéma burlesque. Il y dénonce déjà l’essence mensongère du cinéma. Suspense et comédie pour un film qui bénéficie d’un scénario particulièrement bien écrit. A découvrir d’urgence.

Greetings (1968)

3 jeunes gens à la fin des années soixante. Le premier est un voyeur, lanceur de peep art, essayant de capter l’intimité des gens, le second obsédé par l’assassinat de Kennedy est prêt à tout pour résoudre le mystère. Quant au troisième il se lance dans une série de "computer date". De Palma s’attaque à l’Amérique des années soixante. Il dénonce la guerre du Vietnam et décrit la libéralisation sexuelle du pays. Le film est une succession de scènes toutes plus drôles les unes que les autres qui témoignent de son expérience personnelle à l’époque. Politiquement juste et délirant.

Hi Mom ! (1969) :

Variation sur un des trois personnages de greetings. On suit les aventures de Jon Rubin (Robert de Niro) le voyeur amateur qui va tenter ici de développer son idée de peep art avant de s’engager auprès d’un groupe de jeunes noirs radicaux près à tout pour changer le sort de la communauté noire. Premier grand rôle d’un De Niro exceptionnel qui n’est pas sans rappeler sa performance de Taxi Driver. Politiquement toujours aussi féroce et toujours aussi drôle. Une réussite.

Dionysus in 69’ (1969) :

Captation d’une libre adaptation des "bacchantes" d’Euripide par une troupe d’avant-garde new-yorkaise. De Palma signe ici un pur exercice de style puisque la quasi-totalité de la pièce est filmée en split-screen grâce à l’usage de deux caméras. Dionysus est une adaptation théâtrale assez intéressante mélangeant le classicisme de la pièce, et un ton moderne. Les relations acteurs/public, acteurs/personnages sont complètement brouillées pour une plus grande interactivité. Un document pour le moins étonnant.

Get to Know your Rabbit (1970) :

Premier film réalisé par De Palma pour un studio. Get To know your Rabbit est une comédie sur un jeune employé qui fatigué d’être exploité va choisir de se lancer dans une carrière de magicien avant d’être une nouvelle fois récupérer par le système. Le film est une comédie partiellement réussie de l’avis même du réalisateur. Il y poursuit néanmoins de façon intéressante sa réflexion sur le capitalisme et annonce déjà son goût pour la marginalité. Orson Welles y tien un petit rôle de magicien.

Home movies (1979) :

Farce réalisée avec un groupe d’étudiants en cinéma de son université le Sarah Lawrence College, Home movies est un des ses films les plus ouvertement biographiques puisqu’il revient ici sur sa propre adolescence et ses relations familiales plutôt tumultueuses. Si l’ensemble n’est pas parfaitement maîtrisé, le film reste une comédie très drôle. Le début est simplement hilarant.

Wise Guys (1986) :

De Palma revient au genre de la comédie. Il conte ici l’histoire de petits mafiosi qui cherchent à se confronter à leurs nobles modèles cinématographiques. Danny De Vito y tient un des deux rôles principaux. Si De Palma n’est définitivement pas un grand auteur de comédie, l’ensemble se laisse plutôt regarder grâce à une réflexion intéressante sur l’impact des images et leur confrontation à la réalité.

A noter pour finir la projection de deux documentaires sur l’oeuvre du cinéaste.


Depuis on peut noter la sortie de Femme Fatale, brillante variation autour du thème du film noir. Deux critiques divergentes sont disponibles sur le site. L’une est critique, l’autre louangeuse.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 15 septembre 2004

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