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The second civil war, de Joe Dante

Le film de Joe Dante, commandé par la chaîne américaine HBO, est un pamphlet drôle sans être jubilatoire qui s’en prend aux médias et à la politique comme à des genres aussi hétéroclites que le film de guerre ou le soap opera.


Devant l’arrivée imminente d’orphelins pakistanais, le gouverneur d’un état des Etats-Unis décide de fermer ses frontières. Le président, entouré de conseillers en image, décide de poser un ultimatum de 67 heures et demi (pour ne pas être en concurrence avec un soap opera très populaire). Des mutineries, le ralliement d’autres états et un quiproquo qui fait croire à la sécession du gouverneur et c’est la seconde guerre civile. Mais celle-ci n’aura pas autant d’audience que le soap opera en question. Joe Dante, élève de Corman, qui a travaillé avec Spielberg, le producteur de plusieurs de ses films dont Gremlins (1984) ou plus récemment Small Soldiers (1998), fait partie de ces cinéastes parfois iconoclastes qui choquent les Américains. Si le film a reçu un accueil très froid des critiques outre-atlantique, de nombreux cinéphiles, notamment italiens et français, apprécient son travail. La chaîne HBO elle-même ne s’est pas montrée très satisfaite d’un film qui critiquait si ouvertement les médias. Tout le film en effet se fait à partir de la chaîne NN dont on suit les journalistes non seulement dans les locaux mais aussi sur le terrain. La farce est présente partout, surtout au début, lorsque l’on est mis en présence à la fois d’un rédacteur en chef en quête de sensationnel et d’audimat et d’un vieux routard du journalisme plein de bons principes. Les clichés s’accumulent pour en souligner le caractère complètement éculé.

De même, les politiques, le président (qui rappelle celui de Mars Attacks, de Tim Burton, sorti presque en même temps) comme le gouverneur, sont des pantins, l’un manipulé par un conseiller en communication et par l’épée de Damoclès que sont les élections à venir, l’autre seulement préoccupé, au milieu de ce chaos total, par la journaliste de NN qui l’a plaqué. Ecrire ces lignes, c’est se prendre au jeu de Dante, qui nous amène à parler d’une histoire qui est foncièrement loufoque. C’est là tout son art. Les images télé deviennent les images du film, les genres se mêlent, on passe du film de guerre petit budget à des scènes mélo et tout est loufoquerie.

Sans jamais prendre parti, Joe Dante montre l’éclatement de la civilisation américaine, et c’est cela qui a sans doute le plus choqué les spectateurs des Etats-Unis : le melting pot se désagrège, la mosaïque vole en éclat et c’est le chaos, le vide total et sans recours, ni politique, ni encore moins médiatique. Le seul journaliste qui aurait pu avoir le rôle du héros, comme dans le western que l’on voit dans le film, part, solitaire, retrouvé sa femme malade. Le film se termine sur la voix de ce journaliste qui débite un discours mélodramatique, les Etats-Unis seront l’oeuvre d’art créé par le sang séché de ses guerres intestines, et l’image du drapeau américain flottant avec romantisme.

Ce film hybride est emblématique d’un cinéma américain dont les tenants, comme Joe Dante ou Tim Burton (pas toujours), ne se privent pas de critiquer la civilisation américaine, dans un style à la fois décalé et hétérogène. Un film à voir sans aucun doute.

par Elsée
Article mis en ligne le 21 février 2005 (réédition)
Publication originale 29 mars 2002

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