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Floc’h et Rivière : construction d’une oeuvre

En 1975, deux jeunes auteurs forment le projet de raconter en bande dessinée un récit fantastique dont la structure narrative se caractérise par une mise en abîme. Trente ans plus tard, en moins d’une dizaine d’ouvrages, ces deux auteurs ont réussi à construire une oeuvre dont nous avons l’impression de connaître les héros aussi bien que s’ils avaient réellement vécu. Comment est-on passé du one shot borgésien originel à une série que l’on pourrait qualifier d’hyper-réaliste ?


(JPEG)Cette oeuvre s’est en effet construite progressivement, au moins aux yeux du lecteur, du point du vue duquel nous nous placerons en général, mais aussi, dans une large mesure, pour les auteurs eux-mêmes. Ceux-ci n’ayant en effet pas prémédité de donner naissance à une telle série lorsqu’ils ont conçu le premier tome, il est intéressant de voir comment ils y sont parvenus en devant tenir compte d’une base qui n’avait pas été du tout pensée pour cela. Il s’agit en outre véritablement d’une oeuvre à quatre mains : les albums réalisés en commun par « Floc’hetrivière » forment un ensemble complet et cohérent, indépendant du reste de l’oeuvre de chacun de ces deux auteurs : Jean-Claude Floc’h, dit Floc’h tout court - à ne pas confondre avec son frère Jean-Louis Floch, également dessinateur de bande dessinée - et François Rivière. Mais, de façon presque paradoxale, cette oeuvre commune constitue peut-être la part la plus personnelle de l’oeuvre de chacun d’eux, le succès initial leur ayant donné un crédit qu’ils ont su faire durer, et leurs autres travaux leur permettant d’être libérés ici de toute contrainte « alimentaire ».

Le Rendez-vous de Sevenoaks (1976)

Un OVNI ! un coup de tonnerre dans le ciel calme de la bande dessinée francophone ! Sous l’influence du Nouveau Roman (la « légende de Sevenoaks » veut d’ailleurs que ce récit eût dû être à l’origine un roman, mais François Rivière a démenti cette déclaration faite justement pour entretenir la dite légende), ce premier album de Floc’h et Rivière rompt avec la linéarité traditionnelle du récit dessiné. Il introduit ainsi un type de fiction nouveau en bande dessinée, seuls quelques albums de Tardi pouvant alors lui être comparés. Du point de vue du dessin, Floc’h s’inscrit dans le style Ligne Claire [1] qui se caractérise par la recherche d’une lisibilité maximale de la narration, impliquant le graphisme (aplats de couleur unie délimités par un trait continu épuré, absence de hachures et d’ombres), les plans, les dialogues, le lettrage, le découpage, mais aussi le scénario qui doit lui aussi manifester la même clarté de lecture. Inspirée par les grands auteurs de l’Ecole de Bruxelles (journal Tintin), comme Hergé, Jacobs, Martin ou De Moor, dont François Rivière s’est fait le théoricien [2], voire de l’Ecole de Charleroi (journal Spirou), comme Tillieux, la Ligne Claire connaît en effet un revival en ce milieu des années 70, initié notamment par Jacques Tardi.

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Floc’h par lui-même

Le Rendez-vous de Sevenoaks participe donc de cette volonté de moderniser et relancer ce style Ligne Claire, sa contribution consistant notamment à insister sur l’importance du scénario. Mais il ne sera pas suivi sur ce point, les autres auteurs en restant à des intrigues conventionnelles et ne retenant finalement de la Ligne Claire qu’un style graphique. Nous reviendrons plus loin sur la situation de l’oeuvre de Floc’h et Rivière dans l’histoire de la bande dessinée francophone.

Le récit débute en 1949 lorsque le journaliste et écrivain George Croft découvre un ouvrage écrit en 1926 par un certain Basil Sedbuk et contenant des nouvelles mot pour mot identiques à celles que lui-même vient de publier. Ainsi se met en place une histoire d’épouvante grand-guignolesque, contenant quelques scènes inoubliables, dont la plus connue est sans doute l’image du critique Abigail Porlock dont la tête coupée a été remplacée par le trophée d’un cerf. Sans dévoiler la structure de ce récit à ceux qui n’auraient pas encore eu l’heur de le découvrir, nous dirons qu’elle s’apparente à un ruban de Möbius, surface géométrique en trois dimensions n’ayant qu’une seule face, ce qui fait que le marcheur qui y avancerait dessus se retrouverait au bout d’un moment sous le lieu d’où il est parti, comme on peut le voir faire par les célèbres fourmis d’Escher sur l’illustration ci-dessous. Ces passages d’un niveau de fiction à un autre seront une constante de l’oeuvre à venir, et nous en sommes avertis par Olivia Sturgess elle-même lorsqu’elle dit : « Il en va de certaines existences comme de ces décors de théâtre construits en trompe-l’oeil... On les croirait soumis à la fatalité commune, alors que... »

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Mais force est de constater qu’il n’était rien moins qu’évident de construire une série à partir de ce « Nouveau Roman en bandes dessinées » : le « héros » principal, George Croft, est non seulement mort, mais de plus inutilisable désormais de façon crédible, cet album constituant ainsi une entreprise de déconstruction totale de l’univers de la fiction, avant même que celle-ci ait pu véritablement se mettre en place, un peu comme si Hergé avait commencé Tintin par Les Bijoux de la Castafiore [3]. La narration de Rivière remet en effet en cause le réel aussi fortement que le réalisme du dessin de Floc’h simule ce même réel, le second étant en fait la condition pour que le lecteur adhère à la première.

Francis Albany et Olivia Sturgess n’apparaissent dans ce récit que comme des personnages secondaires, même si leur rôle est finalement essentiel pour la compréhension, plus que pour le dénouement d’ailleurs, de l’intrigue. Le critique littéraire et la romancière sont assez fortement campés et quelques jalons ont été posés ça et là, sur lesquels il sera possible de s’appuyer pour leur construire une vie, signe que, même s’ils s’en défendent, les auteurs n’excluaient peut-être pas dès cette époque de réutiliser ces figures plus tard. Mais le fait est que s’ils n’avaient fait qu’apparaître dans ce seul chef d’oeuvre, les personnages d’Albany et Sturgess n’auraient guère marqué l’histoire de la bande dessinée.

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Fabriques (1977) et Le Dernier Crime de Celia Gordon (1979)

François Rivière a toujours considéré Francis (notez la similitude des prénoms) Albany comme la projection de ses « inclinations littéraires et anglophiles ». Il n’est donc pas étonnant de le voir le réutiliser presqu’immédiatement dans deux romans qui ressortissent ouvertement du Nouveau Roman. Francis Albany y est toujours critique littéraire, tandis que son amie auteur de romans policiers, qui se nomme ici Celia Gordon, a suffisamment de points communs avec Olivia Sturgess pour pouvoir en être considérée comme l’avatar.

Ces deux romans sont sans lien aucun avec la série dessinée, mais ils donnent quelques précisions sur l’idée que François Rivière se fait, à ce moment-là du moins, de ses personnages. Pour ne citer qu’un seul exemple, le goût de Francis Albany pour les jeunes garçons y apparaît de façon tout à fait explicite, alors que rien ne transparaît vraiment quant à sa sexualité dans les récits dessinés, si ce n’est peut-être le fait qu’à l’occasion d’un bal masqué, il se déguise en Gustav Aschenbach, héros de La Mort à Venise de Thomas Mann. Même si Floc’h et Rivière ont introduit dans la bande dessinée beaucoup d’éléments issus du roman, tant du point de vue de la forme - l’influence du Nouveau Roman déjà mentionnée, et notamment l’usage de la mise en abîme - que du fond - par exemple, des personnages plus complexes que les personnages habituels de bande dessinée qui ne sont souvent que la transposition d’archétypes de la littérature populaire [4], et en effet les personnages de Francis Albany et Olivia Sturgess ne sont même pas des anti-héros, comme la bande dessinée en connaît justement depuis les années 70 et qui restent somme toute des héros, mais même de véritables a-héros, totalement non-actifs ou presque -, cet exemple de l’homosexualité évoquée dans les romans seuls montre qu’ils n’ont pas pu ou voulu s’affranchir totalement d’une certaine idée que « la BD, c’est pour les enfants » et que l’on ne peut donc tout y dire, en tout cas tout y dessiner. L’homosexualité d’Olivia Sturgess, qui se laisse deviner très tôt, ne serait-ce que par son look androgyne à la Louise Brooks, icône lesbienne s’il en est, et qui est de plus en plus évidente au fil de la série, ne sera évoquée de manière vraiment explicite que dans le tout dernier album, paru en 2005, à une époque où l’homosexualité ne pose plus guère de problèmes au grand public.

Le Dossier Harding (1979)

(JPEG)Avant Le Rendez-vous de Sevenoaks, ni l’un, ni l’autre des deux auteurs n’envisageaient de faire de la bande dessinée son métier. Mais le succès rencontré les conduit naturellement à continuer dans ce moyen d’expression. Ne pouvant cependant aller plus loin dans la voie borgésienne empruntée dans le premier album, Floc’h et Rivière se sont essayés, pour leur deuxième collaboration, à réaliser un récit à l’intrigue parfaitement linéaire. Ils reconnaissent eux-mêmes y avoir échoué, d’où sans doute le fait que cet album est peut-être effectivement le plus « plat » de la saga, même si cette impression est aussi due au fait qu’il arrive après le chef d’oeuvre que constitue Le Rendez-vous de Sevenoaks. Le meurtre de l’éditeur d’Olivia Sturgess est certes prétexte à une plongée dans le monde de l’édition, l’enjeu étant le contrôle de la maison Harding. Mais nous avons finalement affaire ici à une enquête policière somme toute assez classique (Francis Albany y mène vraiment l’enquête et se fait même assommer !), truffée de références littéraires variées et plus ou moins évidentes, notamment à Agatha Christie, qui apparaît en personne ! L’intrigue en est prétexte à un jeu sur les apparences et les travestissements allant jusqu’à l’inversion des sexes. L’absence de tout procédé narratif paradoxal qui caractérise ce récit par rapports aux autres des mêmes auteurs, a pu le faire apparaître durant 25 ans comme le pivot de la série, le point fixe auquel se raccrocheraient les autres épisodes aux structures complexes. Le récit se situant tout entier dans le monde du livre et de l’édition, on y apprend en effet beaucoup de choses sur la vie et l’existence quotidienne des deux héros. Mais quelques indices nous montrent a posteriori qu’il ne fallait peut-être pas accorder trop de crédit à tout ce qui nous est ainsi si libéralement présenté. A un personnage qui lui dit : « Une telle mascarade a tellement l’air de sortir de... », Olivia Sturgess ne répond-elle pas : « ...d’un de mes livres par exemple ? » ?

En même temps que s’approfondit ainsi l’univers Albany et Sturgess, les clins d’oeil et références littéraires ou bédéphiliques omniprésents dans l’album précédent s’estompent, même si certaines ambiances sont encore tout imprégnées de nostalgie hergéo-jacobsienne, pouvant aller du plus anecdotique (l’allusion à Tournesol taillant ses rosiers dans les Bijoux de la Castafiore) au plus pertinent (l’atmosphère angoissante de la nuit dans la maison du professeur Bergamotte, dans Les Sept boules de cristal, parfaitement recréée dans le cadre de Burton Lodge, propriété de la famille Harding où rode la Dame en Noir). En outre, le sens de ces références multiples s’affine : elles ont pour rôle d’amener le lecteur à se sentir en pays de connaissance pour mieux le dépayser lorsque le récit basculera dans une forme paradoxale, un des ressorts de la série consistant à restituer les classiques - Rivière se voit comme « maillon d’une chaîne » - tout en les dépassant par une forme résolument moderniste. Mais, même si elle ne lui suffit pas toujours pour faire de bonnes histoires, cette utilisation de références ne tourne jamais chez Rivière au simple pastiche, comme c’est trop souvent le cas chez d’autres adeptes de la Ligne Claire, au premier plan desquels Chaland par exemple, dessinateur talentueux mais qui s’est complu dans des pastiches de classiques qui ont vieilli en même temps que leurs références s’éloignaient.

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C’est progressivement à partir de ce deuxième épisode et en fait même malgré les auteurs que se forme l’idée d’une série connue sous les noms d’Albany ou Albany et Sturgess. Si cette dernière dénomination semble s’être imposée progressivement dans l’usage des lecteurs, l’appellation officielle un temps de Collection Albany est due à l’éditeur. Citons à ce propos un extrait de l’interview de Floc’h et Rivière parue dans le n° 68 des Cahiers de la bande dessinée de mars-avril 1986 [5] :

« Les Cahiers : Dans le catalogue Dargaud, il est fait mention d’une « Collection Albany »...

Floc’h : Nous n’avons aucune responsabilité dans cette appellation. Je me souviens que quelqu’un chez Dargaud nous avait appelés en catastrophe pour savoir quel nom il fallait donner à la série. Ils n’avaient jamais été confrontés à ce problème auparavant ! Ils ont finalement décidé de leur propre chef de nous mettre l’étiquette « Collection Albany », ce qui nous a fait hurler de rire quand nous avons reçu le catalogue Dargaud. »

On voit donc, à travers cet anecdote, que le projet artistique de Floc’h et Rivière correspond avant tout à des références venues de la littérature où un auteur publie des romans ayant éventuellement des personnages en commun, mais sans que cela soit nécessairement conçu comme faisant partie d’une série. Mais on voit aussi qu’ils ne peuvent échapper aux traditions du medium bande dessinée qu’ils ont choisi et qui, resté plus proche des origines de la littérature populaire, fonctionne encore largement sur des concepts de séries construites autour de personnages récurrents. On voit enfin ainsi que le processus de création littéraire ne dépend pas uniquement de l’auteur - des auteurs en l’occurrence -, mais qu’il doit aussi composer avec les contraintes de l’éditeur et les usages des lecteurs.

Blitz (1981)

Floc’h et Rivière nous offrent là une nouvelle série qui se veut, comme l’indique son sous-titre, a chronicle of the war time.

Grand admirateur du Hergé des Bijoux de la Castafiore, Floc’h aime le statique, les huis-clos. Rivière, quant à lui, a toujours été attiré par Agatha Christie et ses « histoires en lieu clos ». Ils nous offrent donc ici un récit présenté comme une pièce de « théâtre dessiné » : tout se passe dans un lieu unique, toutes les cases ou presque ont les mêmes dimensions, même si elles ne sont pas toutes en plan général (ce théâtre s’autorise le recadrage, comme le cinéma)... Floc’h ne peut en effet éviter ou s’empêcher de montrer aux lecteurs de bande dessinée que nous sommes des détails (dont certains essentiels pour l’intrigue) qui seraient invisibles pour les spectateurs de cette pièce. Nous bénéficions également des pensées intérieures des personnages, procédé plus propre à la bande dessinée qu’aux spectacles. Ainsi, si cette pièce était jouée telle quelle dans un vrai théâtre, elle risquerait d’être peu compréhensible par moments.

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Plus que d’une pièce en deux actes, il s’agit d’ailleurs en fait de deux pièces en un acte chacune, les lieux et les personnages étant les mêmes, mais les intrigues étant totalement déconnectées. En fait, seule la première est véritablement intéressante, la seconde étant un vaudeville destiné à atteindre un nombre de pages corrects pour un album. Cette faiblesse de construction est peut-être liée aux conditions de travail des auteurs sur cette oeuvre de commande pour le journal Le Matin, que Floc’h qualifie de « feuilleton sans scénario préétabli dont la chute s’est imposée d’elle-même ». Un élargissement du champ dans les dernières pages nous montre que l’histoire que nous venons de suivre au premier degré est en fait, au niveau de la fiction elle-même, une véritable pièce de théâtre, due à un certain Oliver Alban, pseudonyme adopté par Olivia et Albany pour signer cette oeuvre écrite à quatre mains, comme l’est l’ensemble de l’oeuvre commune de « Floc’hetrivière ». Cet album Blitz apparaît donc lié lui aussi à la série Albany et Sturgess.

C’est avec cet album que le style graphique de Floc’h atteint sa maturité, en liaison avec son passage de la plume au pinceau. Deux de ses caractéristiques maintenant bien établies sont l’épaisseur constante du trait, contrairement à la plupart des dessinateurs qui hiérarchisent les différents plans en épaississant les contours des motifs d’avant-plan, et le fait que les objets et personnages soient disposés les uns à côté des autres sans se toucher ni se recouvrir en aucune façon, comme s’il était essentiel que chacun reste clairement identifiable. Ces techniques contribuent à faire ressortir les motifs à la surface du dessin en une attitude parallèle à celle de Rivière laissant, voire faisant, apparaître dans ses scénarios les matériaux empruntés dont ils sont constitués.

A la Recherche de Sir Malcolm (1983)

Si le principe de la série Blitz est de mettre différentes formes d’art en abîme dans la bande dessinée, les récits de la Collection Albany continuent quant à eux à parcourir les grands types classiques de la littérature populaire. Mais ceux-ci ne sont en fait que le prétexte à l’invention de nouvelles structures narratives pour un récit devenu une véritable forme plastique. Tout à cette recherche formelle, les auteurs s’affranchissent donc de plus en plus du carcan d’une intrigue trop classique. Par rapport à l’économie habituelle des intrigues de romans à énigmes où la solution est expliquée rigoureusement et où, symétriquement, tous les éléments donnés dans le récit jouent un rôle dans cette solution, Rivière laisse de plus en plus libre court aux penchants qui se font déjà jour dans ses autres scénarios et romans : d’une part il néglige de nous donner certains des éléments ayant mené à la résolution de l’énigme, d’autre part, il prend un malin plaisir à proposer au lecteur - mais pas à l’enquêteur - de fausses pistes. Cette difficulté pour le lecteur à anticiper la solution remet donc en cause l’équilibre traditionnel de la rivalité lecteur-enquêteur. Et on sait que François Rivière, membre fondateur avec François Le Lionnais de l’OULIPOPO (Ouvroir de Littérature Policière Potentielle) en 1973, avait caressé le projet d’écrire un roman policier prenant systématiquement le contre-pied des fameuses règles de Van Dine et Knox. Il n’est donc pas étonnant de le voir prendre ainsi un malin plaisir à violer régulièrement dans ses scénarios de bande dessinée certaines de ces règles, et tout particulièrement celles qui énoncent que lecteur et détective doivent être à égalité pour résoudre le problème, mais aussi que le lecteur doit pouvoir être aussi sagace que l’auteur, ou encore que le détective doit communiquer au lecteur tous les indices trouvés, etc. Le dynamisme de l’intrigue ne sous-tendant plus dès lors la lecture, il est nécessaire de le remplacer par une intensité conceptuelle qui fait de plus en plus seule l’intérêt des tomes successifs de la série, dont la lecture de plus en plus intellectualisée devient un vrai plaisir d’esthète auquel la qualité du dessin de Floc’h n’est bien sûr pas étrangère. Et c’est dans le souci de relâcher de temps en temps cette tension conceptuelle qu’apparaît de plus en plus avec ce récit une dimension humoristique qui transparaissait déjà dans Blitz.

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Après le récit fantastique et le roman policier, nous abordons donc maintenant le roman d’espionnage, diplomates et agents allemands, britanniques et américains s’affrontant sur le Titanic lors du seul et unique voyage de celui-ci en 1912. Continuant leur jeu avec la structure et les règles du récit, les auteurs donnent à celui-ci la forme d’une rêverie d’un Albany somnolent qui dure le temps de la lecture, se débarrassant en conséquence du carcan de l’intrigue et laissant au lecteur le soin de déterminer ce qui est authentique et ce qui est seulement rêvé. Cette logique du rêve, dont nous avons vu qu’elle était déjà à l’oeuvre dans la construction des récits précédents, se suffit désormais à elle-même, puisqu’Albany, satisfait de la solution qu’il a rêvée à l’énigme, ne se soucie même plus de la corroborer par les faits. Après avoir été des personnages secondaires dans Le Rendez-vous de Sevenoaks, (JPEG)puis avoir tenu un rôle un peu plus important dans l’intrigue du Dossier Harding, nos deux héros, que nous voyons ici enfants, se retrouvent donc maintenant spectateurs d’une aventure qu’ils n’ont même pas vraiment vécue. Sans aller aussi loin que chez des auteurs comme Lewis Carroll ou, en bande dessinée, Fred (Philémon), cette confiance en l’intuition venue au rêve n’est pas pour autant une simple facilité scénaristique, mais participe de la démarche narrative de Floc’h et Rivière, pour qui la sensation que nous avons du réel est plus importante que la rigueur de celui-ci.

Notons que, si les albums étaient jusque là crédités : « dessin : Floc’h, texte : Rivière », à partir de cette Recherche de Sir Malcolm, il sera indiqué sur tous que texte et dessins sont faits « par Floc’h et Rivière ». Est ainsi acté le fait que cette oeuvre est véritablement élaborée par deux auteurs prenant en charge de concert le scénario et le dessin, hors des partages habituels en bande dessinée.

Le Scandale Vera Lindsay

Annoncé au dos de l’album A la Recherche de Sir Malcolm, ce nouvel opus était initialement attendu pour 1988 et Les Cahiers de la bande dessinée nous présentait même en 1986 [6] la première planche d’un récit situé en 1963. Mais déjà Floc’h commençait à tergiverser, envisageant, dans la même revue, de réaliser d’abord « un recueil de plusieurs histoires abordant des thèmes différents ». Les deux auteurs avaient en fait déjà conçu à ce moment « le projet de raconter, par prélèvements successifs, toute la vie de Francis Albany et d’Olivia Sturgess », les montrant « à différents âges » et disaient en savoir « mille fois plus sur eux que ce qui transparaît dans [leurs] albums ». On ne sait si c’est l’ampleur de la tâche qu’ils se sont ainsi assignée qui les a découragés ou si, plus prosaïquement, ils ont été absorbés par leurs autres multiples travaux ou se sont laissés aller à leur nonchalance naturelle. Toujours est-il que Le Scandale Vera Lindsay, annoncé régulièrement jusqu’en 2000, n’arrivera jamais à terme. Après avoir donné quatre albums en sept ans, la collaboration de Floc’h et Rivière va s’interrompre pour huit longues années.

A Propos de Francis (1992)

(JPEG)Au moment où l’on commençait à ne plus attendre la suite des aventures d’Olivia et Francis, voilà que nous les retrouvons, contre toute attente, non pas dans une bande dessinée, mais dans un texte illustré. Il s’agit d’un éloge funèbre, une longue lettre biographique d’Olivia à Francis à l’occasion de la mort de celui-ci, illustrée par Floc’h qui laisse ainsi libre cours à son talent d’illustrateur, peut-être plus grand que ses qualités de dessinateur de bande dessinée. Le style Ligne Claire en général, et celui de Floc’h en particulier, est en effet éminemment adapté à la publicité et il s’est rapidement vu sollicité par celle-ci. Petit à petit, il s’y est consacré de plus en plus, ce qui explique en partie la baisse de rythme de sa production bédéistique. Ce genre de travail, outre le fait d’être pécunièrement plus gratifiant que la publication d’albums élitistes, a rencontré et encouragé chez lui, s’il ne l’a provoquée, une évolution de fond vers un dessin minimaliste et fonctionnel, soumettant totalement la forme au message (Floc’h n’a-t-il pas déclaré que, pour lui, « la performance graphique n’est rien ») et utilisant, de son propre aveu, des techniques telles que le cut up et l’épiscope, en un souci d’économie et d’efficacité parallèle à l’abandon de toute recherche graphique, une fois son style parvenu à maturité. A titre d’exemple, on examinera les quatrième et sixième cases de la planche présentée plus bas, extraite d’Olivia Sturgess 1914-2004.

Nous avons là un véritable récit-cadre évoquant l’ensemble des récits déjà parus pour les intégrer dans le cours de la vie des deux héros, dont un grand nombre de faits et de détails sont portés à notre connaissance. Le fait le plus notable consiste à leur faire côtoyer des faits et personnages tout ce qu’il y a de plus réels (des artistes, écrivains et peintres principalement) pour créer une illusion de réalité, comme s’ils avaient vraiment vécu durant le XXe siècle, en une mise en abîme de l’oeuvre dans la réalité historique. Nous croisons, entre bien d’autres, William Somerset Maugham, Ian Fleming, Agatha Christie, André Maurois, le futur Prix Nobel Harold Pinter, Andy Warhol... Contribuent également à cet effet de réel les illustrations de Floc’h qui, dans cette biographie, se présentent comme des photographies, affiches, couvertures de livres, extraits de lettres manuscrites (in english, of course), portraits peints (comme la savoureuse sérigraphie de Francis réalisée par Andy Warhol sur le modèle de celle qu’il a consacrée à Marylin Monroe), etc.(JPEG) Francis et Olivia nous sont également présentés comme les auteurs de tel ou tel récit enchâssé dans l’oeuvre. C’est naturellement surtout Francis qui se retrouve ici doté d’une bibliographie complète qui va même jusqu’à nous présenter les couvertures des livres qu’il a écrits, consacrés bien sûr aux auteurs qu’il a connus ou appréciés, notamment par le biais du talk show radiophonique qu’il a longtemps animé sur les ondes de la BBC. Olivia n’est pas totalement en reste non plus. C’est tout d’abord le problème logique de l’insertion du Rendez-vous de Sevenoaks dans la série qui trouve une solution satisfaisante. On apprend en effet que cette oeuvre fantastique impossible à intégrer dans quelque réalité que ce soit est en fait un roman écrit par Olivia Sturgess à partir de faits qu’elle a elle-même vécus, ce qui explique qu’elle s’y soit elle-même mise en scène. On a donc là une mise en abîme de la vie de l’héroïne dans sa propre oeuvre. Afin de ne pas nous laisser sur notre faim, des éléments nous sont également fournis concernant Le Scandale Vera Lindsay et notamment le rôle de cette femme dans la vie d’Olivia. Bref tout est mis en oeuvre pour que l’on ne puisse plus distinguer la limite exacte entre réalité et fiction, ainsi qu’entre les différents niveaux de fiction, au point que les commentateurs en arrivent souvent naturellement à parler d’Albany et Sturgess comme s’il s’agissait de personnages ayant réellement traversé le XXe siècle.

Une Trilogie anglaise (1993)

Comme son nom l’indique, cette trilogie réunit les trois premiers albums (Le Rendez-vous de Sevenoaks, Le Dossier Harding, A la Recherche de Sir Malcolm) précédés (et non suivis, comme il eût été plus logique) par A Propos de Francis, qui n’avait été publié seul l’année précédente que dans une édition de luxe à tirage très limité.

Meurtre en miniature (1994)

Meurtre en miniature est une sorte de fil rouge parcourant l’ensemble de la série Albany et Sturgess. Dans Le Rendez-vous de Sevenoaks, qui se déroule en 1949, c’est un roman assez épais, signé d’Olivia Sturgess, que lit Francis Albany. Dans A la Recherche de Sir Malcolm, donc en 1952, le même roman est posé en évidence sur le bureau de Francis. Dans A Propos de Francis, il est censé avoir été publié en 1954. Mais l’album de ce titre que nous pouvons effectivement lire est un petit ouvrage pour enfants rédigé, aux dires d’Olivia, en 1992 seulement. Il semble bien y avoir là une incohérence dans la construction de l’oeuvre de Floc’h et Rivière, à moins que la version pour enfants ne soit qu’un abrégé du roman paru près de quarante plus tôt, la question de la date précise de celui-ci n’étant qu’un détail ayant échappé à l’attention de François Rivière.

(JPEG)Formellement, nous avons donc affaire ici, non pas à une bande dessinée, mais à un livre pour enfants de quelques pages seulement, avec un chapitre de texte sur la page de gauche et une illustration couvrant celle de droite (forme donc un peu désuète tout de même par rapport à ce qui se fait de nos jours pour les enfants, mais ceci cadre somme toute avec l’ensemble de la série), confirmant ainsi l’évolution du travail de Floc’h vers l’illustration. Quant au fond, il s’agit de l’histoire de deux petites filles, Elizabeth et Margaret, princesses de leur état, qui vivent dans un château en Angleterre et y enquêtent pour savoir à quel meurtre correspondent les coups de feu qu’elles ont entendus. Il y a évidemment là un côté Cluedo : il faut trouver qui a été assassiné, dans quelle pièce, par qui... Comme toujours, on ne sait que progressivement ce qui est digne de créance dans le récit qui nous est présenté et ce qui constitue un récit de second niveau enchâssé dans le premier niveau, tels des récits gigognes. Les deux petites filles sont en fait en train de faire vivre dans le cadre d’une maison de poupées « une histoire écrite pour [elles] » et écrite également au sens propre du terme puisqu’elle est calligraphiée de la main même d’Olivia Sturgess dans un livre miniature qui prend place dans la bibliothèque de la maison de poupées, réalisant donc la mise en abîme physique de l’oeuvre en elle-même.

Underground (1996)

Primitivement intitulé Fausse Alerte lors de sa prépublication dans le magazine Vécu, ce récit recevra un titre anglophone pour sa sortie en album. Ceci sans doute afin de s’intégrer aux autres titres alors prévus pour la série Blitz. Mais on ne peut non plus manquer de voir là un nouveau signe de l’anglophilie partagée par Floc’h et Rivière.

Pour reprendre ce qui en sera dit dans Olivia Sturgess 1914-2004, il s’agit « d’un récit en deux tableaux offrant un mouvement tournant des rôles ». Mais le parallélisme entre les deux tableaux va plus loin, puisque la structure même de ces deux sous-récits est la même que ce soit au niveau du fond - mêmes types de personnages, mêmes fonctions, mêmes rebondissements et même final - que de la forme - même décor, même découpage, mêmes plans. (JPEG)On a là un exercice de style consistant à raconter deux histoires différentes (pas tant que ça d’ailleurs) sur les mêmes images et avec des dialogues très voisins. Là encore, cette originalité dans la structure cherche à compenser une absence de profondeur psychologique reconnue par les auteurs.

Comme dans le tome 1 de Blitz, on nous révèle à la fin que nous venons en fait d’assister au tournage d’un film. C’est donc ici du « cinéma dessiné » qui nous est présenté, mais les cadrages étant communs, il n’apparaît pas de différence flagrante par rapport à la même histoire contée en vrai cinéma (à part, comme dans Blitz, les pensées intérieures des personnages) ou en bande dessinée normale. Et si l’on ne nous disait pas à la fin qu’il s’agissait d’un film, nous ne le devinerions pas nécessairement, alors que, dans Blitz, le lecteur attentif se doute tout de même de quelque chose. A la différence de Blitz, pièce de théâtre attribuée à Oliver Alban, pseudonyme d’Olivia Sturgess et Francis Albany, ce film, intitulé West End, East End, n’apparaît pas explicitement relié à la série Albany et Sturgess. Seul son thème (le film est lui aussi sous-titré a chronicle of the war time) justifie apparemment son intégration à la série Blitz.

Blitz (nouvelle édition, 1997)

La première édition de Blitz avait un format à l’italienne, celui plus précisément d’un carré de 33 cm de côté, ce qui semblait correspondre à une démarche artistique de la part des auteurs et tout particulièrement de la part du dessinateur Floc’h qui déclarait superbement en 1986 [7] : « Je souffre de l’uniformité qui caractérise la présentation des bandes dessinées. J’entends des gens déplorer que Blitz dépasse de leur bibliothèque. Nous ne travaillons pas pour ces gens-là, mais pour des gens qui, au contraire, se flattent de posséder un livre différent des autres. »

(JPEG)Assagissement dû au temps ou pression de l’éditeur ? Toujours est-il que ce titre fut réédité en 1997 au format standard, ce qui nécessita un ré-agencement complet des cases pour passer de planches carrées à trois bandes à des planches rectangulaires à quatre bandes, aussi hautes mais plus étroites, d’où une réduction regrettable de la taille des vignettes. La qualité du dessin de Floc’h y perd indéniablement. La suppression de ce qui s’apparentait dans l’édition originale aux indications d’auteur d’une pièce de théâtre contribue aussi à ravaler cette oeuvre au rang d’un album de bande dessinée classique, ce qui n’en relève pas l’intérêt. Le nombre de planches de l’album se trouvant de ce fait réduit, on arrive aux 44 pages usuelles en ajoutant en début un recueil d’illustrations sur la vie à Londres pendant le blitz de 1940 qui n’apporte pas non plus grand chose à l’album. Notons que l’on avait déjà eu droit en 1988 à une édition dans la collection Le Livre de Poche, nécessitant également le redécoupage de certaines vignettes et confirmant le statut de Blitz comme lieu privilégié des expériences formelles de Floc’h.

Black out, Fair play, Backstage, Eden

L’album Underground présente sur son quatrième plat ces quatre titres comme « à paraître ». Encore une fois, après la sortie de trois ou quatre albums en quatre ou cinq ans, la saga s’arrête pour huit ans sur une annonce de récits qui ne verront jamais le jour, du moins jusqu’à aujourd’hui. Les deux auteurs se seront-ils regardés dans une glace quand ils feront dire d’Olivia, dans Olivia Sturgess 1914-2004, que le fait « qu’elle n’ait rien écrit pendant ces dernières années est le gâchis d’un immense talent » ? Le lecteur pourrait être tenté de le penser, mais la qualité et l’originalité d’une production artistique sont sans doute à ce prix. Le reproche ne s’adresse pas tant ici à Rivière qui a toujours de très nombreuses activités, qu’il s’agisse de ses séries en bande dessinée ou de ses romans et essais, qu’à Floc’h dont le bilan quantitatif est finalement un peu décevant par rapport aux promesses du début des années 80.

Olivia Sturgess 1914-2004 (2005)

Avec cette biographie d’Olivia Sturgess, parue en juin 2005 quelques mois après la mort de cette grande dame, c’est un documentaire télévisé qui nous est présenté en bande dessinée : toutes les cases ont rigoureusement les mêmes dimensions, c’est à dire celles d’un écran de télévision. Plus précisément, la planche est divisée en trois bandes de deux cases chacune (la même composition que celle de Tintin au pays des Soviets !), deux de ces bandes étant parfois réunies pour former une seule image de taille quadruple, respectant donc toujours les mêmes proportions. Même si elle se justifie ainsi dans le contexte, on ne peut pas ne pas voir dans cette composition totalement uniformisée des bandes et des planches l’aboutissement d’une évolution au long cours suivie par Floc’h depuis le Rendez-vous de Sevenoaks (voir l’évolution des quatre planches présentées en illustration, extraites respectivement du Rendez-vous de Sevenoaks, du Dossier Harding, d’A la Recherche de Sir Malcolm et d’Olivia Sturgess 1914-2004). Ce premier album manifestait en effet une vraie inventivité dans la forme des cases et leur agencement. Cette recherche s’assagit fortement dans la plupart des albums suivants (Le Dossier Harding, A la Recherche de Sir Malcolm, Underground, ainsi que d’autres albums dessinés par Floc’h, par exemple Jamais deux sans trois (1991) sur un scénario de Fromental) où elle se réduisait à une composition classique de type rhétorique, pour reprendre la classification de Benoît Peeters [8], c’est à dire dans laquelle la forme et la taille des cases, ainsi que la composition des bandes et des planches, sont entièrement soumises aux besoins du récit. Mais déjà Blitz, avec sa matrice 3x3, deux cases d’une bande, plus rarement les trois, étant fusionnées pour donner une vignette de dimension multiple de la case de base, ressortissaient d’une conception productrice, i.e. dans laquelle la composition préexiste au découpage du récit et influence donc le déroulement de celui-ci au lieu d’en être le simple relais. Cette façon de construire la planche en enserrant le récit dans un cadre prédéfini (3x3 pour Blitz, 3x2 pour Olivia Sturgess 1914-2004) rejoint le goût de Floc’h pour les carrelages, les colonnes et, généralement, tout ce qui correspond à un quadrillage de l’espace, dénotant ainsi une conception modulaire de l’espace qu’il faut bien sûr mettre en rapport avec sa façon déjà évoquée de faire toujours bien ressortir les motifs de ses vignettes. Le récitatif, abondant comme il sied à un documentaire, court d’une vignette à la suivante avec des phrases à cheval sur deux vignettes, essayant d’induire un enchaînement dynamique d’images qui ne seraient sinon qu’une suite de captures d’écran de télévision. Mais le fait est que toutes ces contraintes fortes aboutissent à donner au dessin un aspect figé qui est de toute façon, nous l’avons vu, caractéristique de l’évolution du style de Floc’h, qui est maintenant plus illustrateur que véritablement dessinateur de bande dessinée.

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La biographie ainsi présentée brasse l’ensemble de la vie et de l’oeuvre d’Olivia, ainsi que de Francis - on y voit le dessin de scènes évoquées dans A Propos de Francis -, pour les constituer en un ensemble complet et cohérent. Ce volume non seulement clôt, mais aussi enclot effectivement l’ensemble des oeuvres de Floc’h et Rivière. On savait déjà, depuis A Propos de Francis, que Le Rendez-vous de Sevenoaks et Meurtre en miniature étaient des oeuvre d’Olivia. Il en est de même maintenant du Dossier Harding, qui correspond à un roman d’Olivia intitulé The Burton Lodge tragedy. Blitz était dû depuis toujours au couple Albany-Sturgess. On sait dorénavant qu’Olivia est l’auteur du scénario du film West End, East End vu dans Underground. Reste seul exclu A la Recherche de Sir Malcolm et pour cause, puisqu’il correspond à une rêverie du seul Francis Albany. Floc’h et Rivière ont même pris soin de régler les questions ouvertes des ouvrages annoncés et jamais parus : Le Scandale Vera Lindsay, sur lequel nous étions déjà quelque peu éclairés depuis A Propos de Francis, ainsi que les tomes jamais parus de la série Blitz : Black out est un comics écrit par Francis et Olivia sous le pseudonyme d’Oliver Alban déjà utilisé pour Blitz ; Fair play, Backstage et Eden sont des nouvelles dues à Olivia. Cette bibliographie exhaustive empêche quasiment qu’il soit rajouté un jour à l’oeuvre de nouveaux titres, sauf à réaliser effectivement ceux qui ne sont ainsi que vaguement décrits, voire juste évoqués. C’est en cela que le système de mise en abîme généralisée des différents récits les uns dans les autres, voire d’un récit dans lui-même, que constitue l’oeuvre de Floc’h et Rivière apparaît maintenant comme clos, au sens quasiment mathématique du terme, tout développement ultérieur ne pouvant venir de façon vraisemblable que d’éléments qui y sont déjà contenus. (JPEG)Ceux-ci ne manquent cependant pas, puisque, de même que pour Albany dans A Propos de Francis, une bibliographie complète d’Olivia nous est donnée, contenant de nombreux titres, avec pour chacun une courte présentation, jusqu’au scénario d’un épisode de la série The Avengers (en français, Chapeau melon et bottes de cuir). A cette bibliographie d’Olivia Sturgess s’ajoute même une bibliographie sur Olivia Sturgess comprenant une biographie, ainsi qu’une analyse critique de son oeuvre qui contient une tentative de psychanalyse de sa vie et de ses romans dont nous est donnée un aperçu, les points de vue du biographe et du psychanalyste ne concordant d’ailleurs pas totalement. Ces bibliographies fictives peuvent être mises en relation avec le déguisement de Francis Albany en Gustav Aschenbach, le héros de La Mort à Venise de Thomas Mann, personnage d’écrivain doté lui aussi de toute une oeuvre fictive dont nous connaissons les titres et les contenus. Francis Albany est en fait grimé en Dirk Bogarde jouant le rôle d’Aschenbach dans le film de Visconti, association récurrente puisque dans le film Woman in Black tiré du Dossier Harding, c’est le même Dirk Bogarde, alors jeune premier, qui joue le rôle de Francis.

A travers ce documentaire nous est également livrée une véritable critique - la question étant de savoir jusqu’à quel point elle est sincère - des ouvrages de la série attribués à Olivia : Rendez-vous in Sevenoaks : « un roman gothique d’un autre âge » ; Blitz : « un divertissement de temps de guerre » ; Black out : « pour occuper les longues attentes dues aux alertes » ; Backstage, Fair play, Eden : « pour gagner sa vie » ; West End, East End : « cette oeuvre tenait plus du devoir que de la création pure » ; The Burton Lodge tragedy : « roman classique d’apparence, mais en réalité atypique » ; Murder in miniature : « une fantaisie ». On notera que cette critique fictive prend un malin plaisir à prendre le contre-pied de celles communément faites des albums de la série Albany et Sturgess, le récit qui s’en tire le mieux au vu de ces citations étant celui qui est généralement considéré comme le plus faible de la saga.

(JPEG)Le réseau de références que l’oeuvre de Floc’h et Rivière tisse sur elle-même depuis son origine atteint donc ici une densité et une complexité maximales, aboutissant à un côté « to the happy few » qui fait de cet ouvrage un vrai régal pour qui connaît bien l’ensemble de l’oeuvre, mais risque de le faire apparaître non seulement incompréhensible, mais même sans guère d’intérêt pour les autres, l’univers de la série étant impénétrable pour qui le découvrirait par cet album. On constate donc ce paradoxe qu’en voulant élargir le concept de série qu’ils ont, de toute façon, toujours nié, les deux auteurs ont construit un corpus refermé sur lui-même, comme ces spirales dessinées sur la surface d’une sphère à partir d’un pôle et qui, à force de s’élargir, se retrouvent finalement converger vers le pôle opposé et s’y écraser sur elles-mêmes.

Collection Albany-Sturgess (2005)

L’album Olivia Sturgess 1914-2004 est accompagné d’un supplément de 24 pages qui constitue le catalogue imaginaire d’une exposition consacrée à Francis et Olivia. Comme dans les illustrations qui accompagnaient A Propos de Francis, Floc’h nous y régale de documents variés sur leur vie : photographies d’art dues aux plus grand spécialistes du genre et associant les deux amis à des séries contenant les plus célèbres modèles (de la « jumpology » de Halsman à des décalages d’oeuvres de Yousuf Karsh ou Cecil Beaton), portraits peints par les plus grands artistes (David Hockney, Nicolas Bentley), buste sculpté par Clemence Dane, photographies souvenirs prises aux côtés de nombreux auteurs et acteurs, carte de golf dédicacée par Ian Fleming et Noel Coward, livres en éditions originales dédicacés par leurs auteurs, sans oublier de nombreux objets personnels, de leurs machines à écrire à leurs chapeaux.

Black out (200X)

La couverture de cet album intitulé Black out et autres histoires du Blitz est visible sur les rééditions de Blitz et Underground sorties en décembre 2005. On peut donc espérer le voir sortir d’ici quelques mois, bien qu’avec nos deux auteurs, on ne puisse jamais être absolument sûr de rien, on l’a vu. Black out est présenté dans Olivia Sturgess 1914-2004 comme devant être un comics à l’anglaise avec les deux héros de Blitz, Tony et Vanessa, coécrit par Olivia et Francis, illustré par leur amie Craigie et publié en 1942 dans le magazine The Dandy Comic sous le pseudonyme d’Oliver Alban, déjà utilisé pour Blitz. Il est à noter que la nouvelle maquette de la série Blitz, commune aux dernières rééditions de Blitz et Underground et à cet album à venir, utilise un chapeau « Francis Albany et Olivia Sturgess présentent » qui achève de l’intégrer dans la série Albany et Sturgess.

La place d’une oeuvre : la Ligne Claire

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Jacques Tardi

Nous avons vu que Flo’ch s’inscrivait dans une branche de la Ligne Claire issue, via Tardi, de Jacobs, tant du point de vue de l’esthétique que de la recherche de vraisemblance. Au sein de ce courant, il nous faut nous attarder sur Alain Goffin qui, non content d’avoir un trait très proche de celui du Floc’h du Rendez-vous de Sevenoaks, a également dessiné des scénarios de Rivière (Les Aventures de Thierry Laudacieux : Le Réseau Madou (1982), La Mine de l’étoile (1984)). Il joue quasiment à cette époque le rôle de doublure de Floc’h : outre le jeu riviérien sur la structure de l’énigme policière commun avec la série Albany et Sturgess, on retrouve dans ces deux albums un même travail sur l’image dans l’image, que Goffin continuera d’ailleurs avec Plagiat (1989), où il explore, grâce à un scénario de Peeters, le milieu de la peinture. La bande dessinée se prend cette fois elle-même comme sujet, n’étant peut-être pas jugée digne par Rivière, du moins à ce moment là, de voir se pencher sur elle ces intellectuels élitistes que sont tout de même Francis Albany et Olivia Sturgess. Mais la mise en abîme commence ici à tourner quelque peu en rond et Goffin n’est finalement qu’un écho affadi de Floc’h, marquant l’épuisement d’une certaine filière Ligne Claire, sensible aussi chez Tardi après les premiers Adèle Blanc-Sec.

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Alain Goffin

Une autre branche de la Ligne Claire, née aux Pays Bas avec Swarte, prend sa source chez Hergé et mène à des auteurs comme le Ted Benoît de Ray Banana ou Yves Chaland. Ces deux branches ne sont pas étanches l’une à l’autre, puisqu’un dessinateur comme Benoît évoluera vers un style hyper-réaliste au point de se voir confier dans les années 90 la reprise de Blake et Mortimer, de préférence à Floc’h, un moment pressenti [9]). Benoît symbolise ainsi l’évolution dominante de la Ligne Claire vers le maniérisme et l’académisme, voire le mimétisme (par rapport à Tardi plus qu’aux ancêtres belges eux-mêmes d’ailleurs) et le passéisme, évidents dans les oeuvres des dessinateurs du courant néo-classique auquel aboutit, dans les années 80, la filière « tardienne » de la Ligne Claire : Hé, Wininger, Dumas, Savard (Dick Hérisson), Zanon (Harry Dickson)... dont seul émerge Ceppi (Stéphane Clément). A cette rare exceptions près, le relais de Tardi a en fait été mieux assuré par des auteurs pratiquant une esthétique différente, tels que Ferrandez ou Berthet (Le Privé d’Hollywood sur des scénarios de Bocquet et Rivière). En effet, ayant épuisé très tôt l’essentiel de son potentiel novateur, ce courant se retrouve en phase avec la tendance au « retour à l’aventure », tant du point de vue esthétique qu’artistique, ces auteurs ayant totalement renoncé à jouer avec la narration. Aussi, relayé un temps par des revues comme (A suivre), va-t-il être prolongé jusqu’à aujourd’hui avec plus ou moins de bonheur par des dessinateurs travaillant pour des scénaristes demandeurs, pour des raisons diverses, de ce style de dessin, qu’il s’agisse d’un ancien comme Jacques Martin continuant le style qui a toujours été le sien en déléguant la réalisation de ses séries (Alix, Lefranc...) à des dessinateurs comme Carin, Chaillet et autres, d’un scénariste plus jeune, mais travaillant dans la veine d’une aventure très classique, comme Jean-Yves Brouard (Quentin Foloiseau avec Hiettre, Allan Mac Bride avec Dumas), ou encore d’un auteur capable d’être original comme François Rivière, mais dont la production abondante cède parfois à l’atavisme de scénarios conventionnels sur des dessins qui le sont tout autant (Maître Berger avec Dumas, Victor Sackville avec Carin et la collaboration de Borile au scénario). La limite dans cette direction est atteinte avec Marniquet. Si les qualités esthétiques et de « lisibilité » indéniables du style Ligne Claire sont responsables de ces avatars « utilitaire », elles expliquent aussi que ce style ne soit jamais totalement abandonné et qu’à chaque génération de jeunes dessinateurs s’y exercent. Parmi les dessinateurs actuels, citons, en vrac et sans souci d’exhaustivité, Bonhomme, Dupuy et Berbérian, Lapone, Le Gall... Certains de ces auteurs seraient d’ailleurs plutôt apparentés au second courant de la Ligne Claire, issu d’Hergé et des auteurs de l’Ecole de Charleroi. Mais celui-ci a en fait historiquement tourné encore plus court que le précédent. Benoît, nous l’avons vu, a été gagné par l’académisme. Jean-Louis Floch, tout aussi prometteur que son frère à l’origine, s’est révélé encore plus décevant.

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Yves Chaland

Enfin Chaland, figure emblématique du versant Spirou de la Ligne Claire, n’a pas su, au cours de sa brève carrière (il est décédé en 1990 à l’âge de 33 ans), dépasser le stade de la simulation des grands classiques pour faire autre chose que de la parodie et du pastiche, pas plus que Rodier, célèbre pour avoir achevé une version pirate de Tintin et l’alph-art.

Et Floc’h dans tout ça ? Si à l’origine son succès a été dû, en grande partie, à la nostalgie jacobsienne de nombreux lecteurs (« mes albums étaient appréciés pour d’autres raisons que celles que j’y mettais », avoue-t-il), il s’est assez rapidement désolidarisé de ce que devenait le courant Ligne Claire majoritaire (il reconnaît d’ailleurs s’intéresser assez peu à ce qui se fait en bande dessinée). Comme on l’a vu, il a choisi, plutôt que la virtuosité graphique, de privilégier, avec la collaboration de Rivière, le récit et la forme de celui-ci. C’est donc là que se situent leurs apports principaux, à la Ligne Claire en particulier et à la bande dessinée en général : l’utilisation d’anti-héros, voire d’a-héros, non ou peu actifs, le fait que la forme, du récit ou du dessin, soit productrice du fond au point d’en renverser les positions habituelles - Rivière n’est-il pas allé jusqu’à déclarer que, pour lui, « dans la bande dessinée, c’est le dessin qui constitue le fond, et que le récit n’est que la forme » -, s’approchant ainsi, dans certains albums, de l’art conceptuel, enfin l’intellectualisation à outrance de la lecture - de même qu’on ne lit plus les romans de la même façon depuis le Nouveau Roman, après Floc’h et Rivière, on ne peut plus s’abandonner innocemment à la lecture d’une bande dessinée. N’ayant pas suivi l’évolution de la Ligne Claire qu’ils avaient pourtant contribué à relancer, Floc’h et Rivière se sont placés progressivement en-dehors de la mode. Ceci explique que, s’ils n’ont pas toujours attiré l’attention du grand-public, leurs albums ont finalement peu vieilli et sont restés parfaitement lisibles. De même qu’ils ont réussi, à partir du one shot fantastique que constituait Le Rendez-vous de Sevenoaks, à construire une saga réaliste complète et cohérente, ils ont également réussi à dépasser le succès notable en son temps de ce premier album pour créer des oeuvres qui resteront comme des classiques de la bande dessinée francophone du dernier quart du XXe siècle et du début du XXIe.

Le sens d’une oeuvre

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Rivière et Floc’h

Hormis les biographies-cadres de Francis Albany (A Propos de Francis) et Olivia Sturgess (Olivia Sturgess 1914-2004), tous les autres récits apparaissent comme des fictions, au sein de l’oeuvre elle-même. On pourrait même s’attacher à compter les niveaux de fiction relatifs des différents récits : les biographies-cadres étant au premier niveau, la partie « éveillée » d’A la Recherche de Sir Malcolm serait au second niveau, la partie rêvée en étant au troisième niveau, et ainsi de suite. Mais tout ne se laisserait pas situer si simplement, par exemple Le Rendez-vous de Sevenoaks, qui se referme sur lui-même d’une façon très borgésienne. Symétriquement, l’acharnement mis à faire apparaître Francis et Olivia comme des personnages ayant réellement vécu au XXe siècle, notamment en leur faisant côtoyer nombre de personnages et de faits réels, tend à brouiller la limite entre la réalité et le premier niveau de la fiction. Comme chez Edgar P. Jacobs, auquel elle fait inévitablement penser - et l’on sait que François Rivière est un des meilleurs connaisseurs de la vie et de l’oeuvre du père de Blake et Mortimer -, cette recherche forcenée d’hyper-réalisme entraîne inévitablement chez les fans la recherche symétrique des erreurs auxquelles elle donne lieu : outre la question déjà évoquée de la date de rédaction de Meurtre en Miniature, citons entre autres la date de naissance d’Olivia (1915 serait plus cohérent avec le contenu du dernier album que le 1914 donné dans son titre), certains éléments sur sa famille ou sur l’affaire Vera Lindsay qui apparaissent de façons contradictoires dans A Propos de Francis et Olivia Sturgess 1914-2004, le fait que Francis Albany apparaisse dans un roman censé être écrit par Olivia en 1935, alors que leur rencontre date de 1938... Ces menues erreurs ne sont que la rançon d’une tentative quasi fétichiste d’emprisonnement du réel dans les limites de l’oeuvre d’art, au point qu’il n’existe plus de réalité autre que celle qui nous est présentée ici, la fiction « floc’hetriviérienne » se déconnectant ainsi de toute référence autre qu’elle-même et se constituant, comme on l’a vu, en un système logique maintenant totalement clos. Si l’on reprend la classification proposée par Baudrillard [10] des différents niveaux dans le rapport que l’image entretient avec le réel :

« I - elle est le reflet d’une réalité profonde,

II - elle masque et dénature une réalité profonde,

III - elle masque l’absence de réalité profonde,

IV - elle est sans rapport à quelque réalité que ce soit : elle est son propre simulacre pur » ;

force est de constater que, du point de vue du récit, Floc’h et Rivière se placent d’emblée au niveau IV et s’y complaisent par la suite. Du point de vue du dessin, c’est plus progressivemenr que Floc’h en arrive au même point, après avoir élaboré son style propre à partir de débuts encore empreints d’un certain classicisme.

Au-delà du jeu que constitue leur système de mise en abîme systématique, c’est donc sans doute là qu’il faut voir le sens profond de l’oeuvre de Floc’h et Rivière : brouiller la différence entre réalité et fiction, ainsi qu’entre les différents niveaux de fiction, pour nous faire apparaître que, finalement, ces différences n’ont pas grande importance et que la seule réalité digne d’intérêt est celle que nous décidons de considérer comme vraie. Ou, si l’on préfère, que la seule réalité digne d’être prise en compte est celle qui est recréée par notre imaginaire, fût-elle structurée par une logique de l’ordre du rêve. Olivia, dans A Propos de Francis, ne nous a-t-elle pas mis en garde au sujet de « ce que les autres appellent la vie et dont je sais, plus qu’aucune autre, qu’il ne s’agit que de la traversée des apparences ». C’est sans doute pourquoi nous nous attachons tant à ces anti-héros que sont Francis Albany et Olivia Sturgess, quand bien même, les histoires qu’ils ont vécues étant en fait imaginaires au niveau même de la fiction, par rapport à d’autres héros de bande dessinée, ils n’ont finalement rien accompli de très remarquable dans leur vie, hormis lire ou écrire des livres.

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par Laurent V.
Article mis en ligne le 4 janvier 2006

[1] Cf. Lecigne, op. cit.

[2] François Rivière, L’Ecole d’Hergé, Glénat, 1976.

[3] « Sorte de Tintin en trompe-l’oeil, mécanisme dissipant le mythe à coup de faux suspense et d’intrigue bidon » (dixit Lecigne, op. cit.), où Tintin ne va plus à l’aventure, puisque c’est celle-ci qui vient à lui, la touche habituelle d’exotisme étant elle aussi apportée par les gitans.

[4] Jean-Bruno Renard, Clefs pour la bande dessinée, Seghers, 1978.

[5] "Dossier Floc’h et Rivière", in Les Cahiers de la bande dessinée n° 68, mars-avril 1986.

[6] ibid.

[7] Ibid.

[8] Benoît Peeters, Case, planche, récit. Comment lire une bande dessinée, Casterman, 1991 (rééd. 1998).

[9] Cf. Jean-Luc Cambier et Eric Verhoest, Blake et Mortimer. Histoire d’un retour, Editions Blake et Mortimer, 1996.

[10] Jean Baudrillard, Simulacres et simulations, Galilée, Paris, 1981, cf. aussi Lecigne, op. cit., pour l’application à diverses séries de bande dessinée

Les albums des séries Albany et Blitz sont réédités régulièrement et donc facilement disponibles en librairie ou chez l’éditeur. Sont plus difficiles à trouver l’édition originale de Blitz (à l’italienne), ainsi que Meurtre en miniature. On peut cependant en trouver sur les sites de vente en ligne ou de ventes aux enchères, en neuf ou en occasion, à des prix abordables, ces albums n’étant pas des plus courus.

On pourra se reporter aux références citées en notes, notamment l’ouvrage de Bruno Lecigne et le dossier des Cahiers de la bande dessinée, en regrettant que rien de comparable ne soit paru depuis, à notre connaissance du moins.