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Entretien avec Armando Manni et Edyta Olszowska

Respectivement réalisateur et actrice principale du film "Elvis et Marilyn"

Il s’agit de deux personnes que nous aurions pu croiser dans la rue sans nous retourner. Un homme de cinquante ans et une jeune femme presque ronde dont on ne soupçonne même pas l’accent. C’est pourtant cet accent qui traduit le mieux la sincérité des émotions qu’ils communiquent, au travers d’un discours d’une étonnante fraîcheur qui, plus que tout autre indice, dresse le portrait passionnant de ce réalisateur atypique et de cette actrice à la beauté troublante. S’il parle trop et si ses explications semblent longues, c’est que cet homme a véritablement quelque chose à dire et à nous faire partager. Si elle semble hésiter, si l’on sent que cette langue que nous parlons n’est pas la sienne, son témoignage n’en demeure pas moins d’une puissance éclatante, son innocence un véritable voile de douceur.


Armando Manni, vous êtes à la fois le réalisateur et le scénariste du film Elvis et Marilyn. Comment vous est venu l’idée du film pour la première fois ?

Armando : Ah, c’est une question très difficile. En vérité, j’étais en Roumanie dans les années 91-92 pour faire les repèrages d’un autre film qui n’a jamais été réalisé. Alors, j’avais commencé à réfléchir à cette expérience du voyage. Tu dois te rappeler que le mur de Berlin s’est écroulé fin 89. Et les choses ne changeaient pas si vite. Tu pourrais penser que les choses allaient changer très vite, mais ça n’est pas vrai. En 1991, les choses étaient restées presque les mêmes. C’était intéressant. Et le fait est que les gens ont véritablement décidé de se changer eux-mêmes, de changer leur vie, d’annuler le passé et de se donner une vie nouvelle. Et pour cela, ils étaient prêts à faire énormément d’efforts, prêts à faire n’importe quoi et, pourquoi pas, essayer d’être quelqu’un d’autre. C’était l’idée du film. Pour cette raison, j’ai choisi les sosies, de qui ? D’Elvis et Marilyn, ces mythes occidentaux, le mythe du passé, mais en même temps, le mythe de notre propre société, de notre société contemporaine, d’une société de l’apparence.

Mais c’est aussi votre premier film. Votre passé de photographe a-t-il influencé votre manière de tourner le film ?

Armando : Pour les couleurs, oui. Absolument, puisque je n’ai jamais fait de photos réalistes et que je ne suis pas interessé par un cinéma réaliste, un cinéma sociologique. Je m’intéresse davantage au cinéma expressionniste. En ce sens, j’ai beaucoup travaillé sur la scénographie, sur la direction artistique et sur la photographie. Plus particulièrement sur la scénographie car nous avons tout reconstruit. Les Bulgares étaient ébahis parce que, chaque jour, ils nous demandaient : "Pourquoi venez-vous tourner ici si vous reconstruisez tout ?". La réponse, c’est que nous avons tout reconstruit parce que les pays de l’Est sont, dans le film, le lieu de l’âme. Pas celle des vrais pays de l’Est, car c’est une métaphore, mais la nôtre. C’est un film qui nous concerne, nous, et quand je dis "nous", je fais référence au fait qu’après l’écroulement du mur de Berlin, l’Europe de l’Est a cessé d’exister. La séparation intellectuelle s’est évanouie. Et si l’idée de l’Europe de l’Est cesse d’exister, alors celle de l’Europe Occidentale aussi.

Nous sommes donc en face de quelque chose de complètement nouveau. Un territoire immense, très riche au centre, très pauvre à la périphérie. Et comme à Paris, chaque samedi soir, les gens pauvres de la périphérie sortent dans le centre pour admirer les lumières et le luxe des magasins. Aujourd’hui, la population des pays pauvres essaye d’atteindre ce même centre pour y trouver cette nouvelle vie. Si nous parlons du film, nous parlons de deux personnes qui essayent d’avoir une nouvelle vie pour y trouver le bonheur. Rien de plus. Je pense que c’est aussi ce que vous essayez de faire. Vous essayer de construire votre vie en poursuivant vos rêves pour y trouver un peu de bonheur, un petit peu, pas toujours mais un peu.

Ce n’est donc pas une histoire à propos des pays de l’Est mais une histoire à propos de nous. L’histoire de gens qui ont un rêve et qui, en le poursuivant, comprennent qui ils sont. A la fin du film, les personnages comprennent que le rêve qu’ils poursuivent n’est qu’une chimère. Ils comprennent qui ils sont, et c’est ainsi qu’ils ont une chance d’être heureux à l’avenir.

Un happy end ?

Armando : Oui, je pense que c’est un happy end, pas au sens américain, mais au sens européen du terme. Je pense que nous devons essayer de faire autre chose que les Américains, mais en même temps, avec de la passion et sans ennui. Pour les tripes, pas pour l’esprit. Car l’âme est dans l’estomac. Si nous arrivons à produire quelque chose pour l’estomac, nous arriverons à créer quelque chose de spécial.

Mais pensez-vous que les tripes que vous évoquez pour le film soient le reflet d’une réalité de l’Europe de l’Est telle qu’elle est est aujourd’hui ? D’une violence des conditions de vie actuelles ?

Edyta : Aujourd’hui ? Non, aujourd’hui, il y a des progrès. Je peux vous dire que mon pays, la Pologne, ressemble de plus en plus au vôtre. Je me rappelle par contre de l’époque, en 1981, quand il y avait la guerre, quand tout était détruit, quand il n’y avait plus rien dans les magasins. Tout était gris et froid. Les gens avaient de l’argent mais ne pouvaient rien acheter. Le gris, oui. Tous ces gens devant les magasins pour du pain, pour de la viande. J’étais une enfant à l’époque, j’avais dix ans, mais je la sens. Je sais ce qu’est cette couleur grise de l’Est. Mais il faut se rappeler que c’était il y a vingt ans. Pendant le tournage du film, j’ai traversé une frontière, la ligne de démarcation entre la magie et la réalité. Car j’ai revu des soldats, j’ai ressenti le froid, j’ai revu la misère, c’était très proche de moi. C’était une réalité pour moi, pas une fiction. Cela pourrait être à nouveau, j’ai vu de mes propres yeux ce genre de situation. Mon enfance n’était pas une enfance de couleurs, comme en Italie, en France ou aux Etats-Unis. C’était absolument gris, absolument froid. [Tendant ses mains vers nous] Nous faisions nos bonbons, nous les faisions à la maison car il n’y en avait pas dans les magasins. Oui, c’était quelque chose de vivant pour moi.

Armando : C’est un très beau point de vue. Ce que tu dis est vrai. Le problème, c’est cette différence entre la vérité et la réalité. Je pense que la télévision travaille sur la réalité et que le cinéma s’occupe de la vérité. Ce sont des choses complètement différentes et ce serait dangereux de les assimiler. Aujourd’hui, les télévisions s’occupent très bien de la réalité mais ne peuvent rien pour la vérité. Seul le cinéma peut s’attaquer à la vérité. En reconstruisant nos pays de l’Est, nous construisions une métaphore, une vérité. Edyta était très étonnée par ce que nous faisions parce que l’expérience qu’elle a des pays de l’Est n’est qu’une expérience, une expérience très personnelle.

Nous avons voulu parler à un public très large. Elvis et Marilyn a été diffusé sur tous les continents, de la Chine à l’Amérique Latine. Le problème est de savoir ce que vous voulez faire partager à ces gens. Il faut leur donner quelque chose dans lequel ils peuvent se projeter. Et si vous construisez une métaphore, quelque chose qui fait partie de notre âme, vous parviendrez à établir un point de communication, même avec quelqu’un qui est très éloigné de vous. En ce sens, nous parlons de vérité. C’est ce dont parle le cinéma. Et c’est pourquoi je suis d’accord avec Edyta. Il se dégage du film un sentiment d’oppression, la sensation d’un monde en stagnation, principalement dans les scènes en Europe de l’Est.

Etait-ce le reflet des dures conditions de tournage ?

Armando : Oui, c’était dur, absolument. Mais le plus dur venait de Dieu, pas des circonstances techniques. Nous avons tourné au printemps mais cela faisait 150 ans qu’il n’avait pas fait aussi froid en Bulgarie. A Pâques, on pouvait se croire en décembre. Nous avons fait une fête avec plus d’un mètre de neige. Nous avons même tourné des scènes à moins 10°, moins 12°. La scène du camion a été tournée à moins 12°. Et vous pouvez imaginer à quel point il est dur pour un acteur de ne pas pouvoir contrôler son corps, car les corps tremblaient de froid.

Donc Dieu a été la principale difficulté du film et il n’y avait aucune chance de passer un accord commercial avec lui, alors nous avons été ses victimes. Il y a aussi eu des problèmes d’approvisionnement en essence et en nourriture. Mais tourner un film, c’est aussi accepter les difficultés et les adapter à la réalité du film. En ce sens, nous avons utilisé le froid pour le communiquer au cinéma. Mais je pense que les grosses productions américaines connaissent d’autres problèmes, par exemple les caprices d’actrices. C’est la vie.

Et le grand nombre de langues utilisées pendant le tournage a-t-il représenté une autre source de difficultés ?

Armando : Non. Ce fut un véritable privilège. Je me rappelle, un jour, où nous étions sur le plateau, il y avait dix langues représentées [Edyta acquiesce en souriant]. Mais tout le monde se concentrait sur un même point. Et la concentration était si forte qu’il n’y eut aucun problème de communication. Une Polonaise jouait en roumain et en italien, à côté d’un Bulgare qui jouait en serbe, les deux étant dirigés par un réalisateur italien parlant avec un Russe.

Edyta : Un autre était croate mais jouait en bulgare et en italien. Notre langage était l’anglais et personne d’autre ne parlait polonais. Je ne pouvais même plus penser en polonais ! [Rires]

Mais était-ce un problème pour vous, en tant qu’actrice, d’incarner un personnage qui ne parle pas votre langue ?

Edyta : Non, c’était un problème secondaire. Car mon vrai problème concernait les deux Iléana, celle de Roumanie et celle qui jouait à être Marilyn Monroe. Cela me demandait beaucoup de concentration. En ce qui concerne les langues, j’avais des professeurs sur le tournage, et tout le monde dans l’équipe m’aidait. C’était assez dur, mais pas autant que le rôle.

Mais vous ne parliez pas roumain avant ce film ?

Edyta : Non, c’était ma première fois !

Armando : J’ai d’ailleurs obligé l’équipe italienne à ne pas lui parler en italien. Ils devaient communiquer en anglais. Parce que je voulais préserver la pureté de leurs mots, de leur accent. Le problème des gens de l’Est, plus particulièrement des Polonais, c’est qu’ils apprennent très vite les langues étrangères. En deux semaines, elle parlait déjà très bien l’Italien.

Edyta : Oui, comme un singe. Non, je ne fais que répéter, je dis quelque chose et l’on croit que je comprends mais c’est de l’intuition ! [Rires]

Vous vous entendiez bien avec Goran Navojec, votre partenaire à l’écran ?

Edyta : Oh oui, c’était un grand frère. C’est un professionnel, il est très ouvert comme acteur. Il n’est pas concentré sur lui-même.

Et quelle langue utilisiez-vous pour communiquer ?

Edyta : L’anglais. Parce que le croate et le polonais se ressemblent mais ne permettent pas de communiquer.

Armando, vous déclarez ne pas avoir voulu faire un film réaliste. Pourtant, j’ai trouvé plusieurs points communs entre Elvis et Marilyn et les films néo-réalistes : ce monde d’après-guerre, des conditions précaires de tournage... Pouvez-vous définir le sens du mot "expressionniste" dans votre discours ?

Armando : Je pense que ce qui sépare mon film de la tradition néo-réaliste italienne, c’est d’abord la manière par laquelle ils tournaient leurs films. A l’époque du néo-réalisme, vous trouviez un endroit où tourner et vous le filmiez sans manipuler son environnement, de préférence avec des acteurs amateurs, des gens banals que vous forciez à se jouer eux-mêmes et auxquels vous ajoutiez deux professionnels pour les rôles principaux. Dans la plupart des cas. En ce sens, la relation à la réalité est très forte. Mais la différence avec l’expressionnisme est difficile à expliquer dans une langue étrangère [Armando Manni s’exprime en anglais et en français, NDLR]. Vous avez la réalité dans un documentaire. Et vous devez essayer de capter l’essence de la réalité pour en extraire l’âme. Dans un film expressionniste, c’est tout le contraire. Vous avez une idée, une émotion, et vous devez construire une représentation de cette émotion. Par exemple, pour rendre anonymes les pays de l’Est, pour suggérer le sentiment de la métaphore de l’Est, nous avons fait attention à ne pas donner une référence familière au public en reconstruisant à peu près tout, en utilisant les couleurs dans des séquences spécifiques, quelques couleurs et quelques sons. Le cinéma américain fonctionne de cette manière. C’est d’ailleurs le plus expressionniste qui soit. Vous y participez à des histoires incroyables auxquelles vous croyez vraiment parce que les Américains y reconstruisent un monde pour vous, avec des règles qu’ils acceptent de suivre. La couleur rose, dans la salle de bain du camp militaire, lorsque Nicolaj embrasse Ileana après le suicide du colonel, est en ce sens vraiment très forte. Elle évoque l’âme de ces personnages et touche l’âme du public. Nous avons créé l’odeur dans la maison d’Ileana. Si nous arrivions à donner l’odeur au public, la scénographie marcherait. L’effort entrepris a été de créer une scénographie, de créer des chaises et des tables très sales, avec une histoire personnelle. Si j’ai en face de la caméra une grande chaise avec un peu de graisse, il est très important que le public vive cette graisse. La scénographie doit être comme un corps, vivant ou malade. Dans la maison d’Ileana, les murs parlent. Bien sûr, c’est le voisin qui parle, mais il s’agit du mur puisque vous ne voyez pas le voisin. Vous sentez le mur qui parle. Vous le sentez. Les bruits d’eau courant dans les tuyaux que vous entendez sont des bruits d’estomac. L’addition de toutes ces choses vous fournit un sytème de communication que votre esprit ne comprend pas pendant le film. Mais votre estomac, si. Vous recevez donc de nombreuses stimulations qui ne sont pas réalistes.

C’est la même chose que dans Urgences ! Vous connaissez cette série ? Tous les bruits sont créés par des instruments de musique retravaillés à l’ordinateur. Lorsque la porte s’ouvre, c’est un violoncelle retravaillé dont on a changé la fréquence. Ce qu’il se passe, c’est que le public voit la porte s’ouvrir, entend le bruit, mais ce bruit n’est pas normal. Et cela crée une tension. De la même manière, pour relaxer mon public, j’utilise de basses fréquences qui ne sont pas immédiatement perceptibles. Pour créer une tension, je rehausse le niveau des fréquences, recouvert par une musique expressionniste qui joue un rôle d’acteur à part entière. L’ensemble vous donne quelque chose qui est absolument irréaliste, mais qui est aussi absolument vrai. L’âme réside dans l’estomac, pas dans l’esprit ni dans le coeur. Lorsque vous avez peur, vous avez mal au ventre, lorsque vous êtes stressé, vous avez des maux de ventre. Les grandes émotions se situent là. Nous devons faire un cinéma pour l’estomac, pas pour l’esprit. Et si nous choisissons l’esprit, nous perdons contre les Etats-Unis. Or, moi je me bats.

Edyta, vous parliez de la difficulté à incarner un personnage qui deux identités. Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle ?

Edyta : Le problème est que je ne peux rien imaginer d’un personnage avant de commencer à tourner. Je ne pourrais pas écrire à l’avance ce que j’aimerais faire du personnage d’Ileana. J’ai bien quelques idées mais la vérité et le coeur du personnage apparaissent pendant le tournage. Chaque jour, à chaque scène, tout changeait tout les jours. Moi-même j’ai changé, car c’était très proche de moi, cela touchait à ma personnalité. Je vivais cet instant. Je ne pensais pas en théorie car la pratique me dévorait. Tout était dans l’instinct et dans l’émotion. Alors que tout était nouveau pour Ileana, l’aventure, le voyage, les soldats, la Yougoslavie, tout était nouveau pour moi. C’était à la fois difficile et facile. Difficile parce que je ne veux pas connaître ces expériences et facile parce que cela me ressemblait étrangement.

Armando : Mais, tu te souviens lorsque le colonel se suicide ? Lorsque nous avons tourné cette scène, Ileana devait se tenir dans la baignoire et le colonel était derrière le rideau de douche. A ce moment, Edyta avait si peur qu’elle m’a obligé à lui tenir la main dans la baignoire. Parce qu’elle avait peur du coup de feu. [A Edyta] Tu te souviens ? Elle pleurait.

Edyta : [Emue] Absolument.

Armando : [S’agitant lui-aussi] Elle pleurait. Alors, qu’est-ce que ça veut dire, la vérité ? Elle savait pertinemment que le pistolet était faux, que le sang était faux lui aussi. Elle avait plus que peur, j’ai dû rester avec elle dans la baignoire.

Bien. Un autre élément revient très fréquemment dans le film : cette image d’une femme marchant sur la plage, cette même plage sur laquelle s’achève le film. Quel sens y attachez-vous ?

Armando : Nous avons tourné ces séquences après la fin du film. C’était surtout un prétexte pour revoir Edyta. Mais s’il faut y attacher un sens, il s’agit surtout d’une approche émotionnelle du rêve qui se poursuit avant de trouver une solution. Nous pourrions en parler pendant des heures mais cela n’aurait pas trop d’intérêt.

Edyta, avez-vous rencontré d’autres "Elvis" et "Marilyn" dans votre pays ?

Edyta : Non, bien sûr que non. Lorsque les gens de mon pays verront ce film, ils seront surpris. Aujourd’hui, mon pays ressemble au vôtre.

Armando : Mais c’est partout pareil. Dans le monde entier. Elle ne peut pas savoir, c’est une actrice très sophistiquée, elle travaille au Théâtre national de Varsovie, elle a commencé avec Kieslowski [Rires], elle ne peut pas savoir ce qui se passe à la périphérie !

Mais dans le monde entier, vous retrouvez ces icônes.

Armando : Non, ce sont des jeux, une manière de jouer avec vous même, avec votre identité.

Comme dans le peep-show.

Armando : Exactement. Chaque fois, à chaque endroit, chaque jour. Vous rencontrerez toujours quelqu’un qui ressemble à Elvis ou à Marilyn.

Une dernière question. Armando, pouvez-vous nous parler du cinéma italien actuel ?

Armando : De quel cinéma actuel voulez-vous parler ?

C’est la question.

Armando : D’accord. Moi, j’ai essayé de faire un film qui sortirait du ghetto du langage italien et du langage cinématographique italien. Pour cela, j’ai voulu faire un film transnational, avec cinq langues différentes et une équipe composée de nationalités diverses. J’ignore si mes recherches ont abouti à quelque chose d’important, mais je pense vraiment qu’il résulte, de ce mixage de cultures et de personnes, quelque chose de nouveau. Même en ce qui concerne la musique. Je crois en cette nouvelle Europe, celle que créent ces identités différentes, qui se confrontent en se mélangeant.

Nous sommes face à quelque chose de grand, d’important, qui nous forcera à changer d’une manière tout à fait inédite. Si j’ai fait ce film en cinq langues, c’est avant tout pour montrer qu’il est possible de faire du cinéma trans-national. La nationalité n’a d’importance que dans une compétition de football. Pour le reste, il faut oublier ces bêtises, se réunir, comme en témoigne l’Internet. Aujourd’hui, le pari est de trouver un mode de communication avec des gens qui ont les mêmes valeurs que nous mais des langues différentes. C’est un problème technique mais le cinéma nous offre une chance de le résoudre de manière poétique.

Propos recueillis le 8 février 2002.

par Geoffroy ClavelStéphane Bonhomme
Article mis en ligne le 1er septembre 2005