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Good Bye Lenin !, de Wolfgang Becker

Secondé par un casting de jeunes acteurs attachants, Wolfgang Becker touche le gros lot avec Good Bye Lenin !, une comédie dramatique qui revient avec beaucoup d’intelligence sur la période de la réunifcation. Un cinéma pétillant, tout en mouvement qui sait aussi être grave et réouvrir certaines blessures. Un succès plus que mérité.


Succès surprise de cet automne, Good Bye Lenin ! se penche sur la réunification allemande du point de vue de l’ancienne RDA. Un adolescent en passe de devenir adulte, Alex, essaie de s’adapter aux bouleversements d’une société figée emportée par les remous de l’histoire. En même temps, il tente de maintenir les apparences du monde dans lequel il vivait pour préserver sa mère. Dévouée à la patrie est-allemande et tombée dans le coma durant les évènements d’octobre 1989, celle-ci risque un deuxième infarctus mortel au moindre choc émotionnel. Ce principe narratif permet à la fiction de jouer de nombreux décalages. La réunification démontre un peu plus chaque jour la supériorité technique et commerciale de l’Ouest tandis qu’Alex doit s’efforcer de convaincre sa mère du contraire. Les affiches Coca-cola qui apparaissent sur les façades deviennent la preuve que la recette avait été piquée à l’origine par les Américains à un laboratoire de Leipzig. L’arrivée notable de nombreux individus d’Allemagne de l’Ouest serait due à l’attractivité de la RDA et à la réussite de son modèle. Ce jeu de dupe est rendu d’autant plus difficile que tous les signes de la culture est-allemande sont dilapidés en quelques mois. La monnaie disparaît tout aussi bien que les marques des aliments du quotidien. Il devient très difficile de faire croire à Christiane que rien a changé, même en la laissant seulement confinée dans sa chambre. La manière dont Alex embellit ou déforme les choses est d’autant plus passionnante qu’elle fait écho à la façon dont les communistes géraient en interne l’image de la RDA avant 1989. Le personnage principal de Good Bye Lenin ne fait que répéter un modèle qui existait déjà mais qui apparaît ici avec beaucoup d’humour dans toute son absurdité.

(JPEG) Good bye Lenin ! présente une vision assez ambiguë du processus de réunification. D’un côté, il permet aux Est-allemands de retrouver une liberté de déplacement et la démocratie. Le rapprochement avec l’Occident offre également d’intéressantes nouvelles opportunités économiques. Le processus est en marche et n’est jamais remis en cause à aucun moment par le film. La relation entre la fille de Christiane, Ariane, et Rainer, venu de l’Ouest, ou la bonne entente entre Denis et Alex sont la preuve d’une nouvelle donne pour l’Allemagne. La victoire du pays à la Coupe du monde en 1990 ou l’explosion de la scène culturelle de Berlin sont deux bons exemples de ce nouvel état d’esprit plein de réussite. D’un autre côté, le film pointe aussi les limites du modèle capitaliste occidental et les difficultés posées par les différences culturelles qui existaient entre les deux Etats. Ariane a ainsi arrêtée ses études pour travailler au Burger King. En ouvrant les frontières entre les deux pays, de très nombreux Est-allemands qualifiés ont préféré passer à l’Ouest délaissant leur région d’origine. La réunification semble s’être faite d’abord au profit du deutschemark sans se soucier de préserver la culture de tout un peuple. Elle rouvre les blessures du passé comme la séparation d’Alex et d’Ariane avec leur père qui avait réussi à fuir à l’Ouest sans que son épouse et ses deux enfants ne se décident à le suivre. Pas question toutefois d’être complaisant avec l’échec du modèle est-allemand. Good bye Lenin ! se moque gentiment des chants ineptes à la gloire de la patrie, des tenues kitsch au possible, des années d’attente obligatoire pour pouvoir se procurer une voiture, de la propagande des journaux télévisés ou de l’absurdité d’un système trop rigide. Christiane avait comme fonction de rédiger pour les membres du parti les multiples remontrances de ces concitoyens. Le film ne se délecte pas moins de ressortir plus de dix ans plus tard tous ces signes et ces histoires d’une culture et d’un modèle aujourd’hui disparu. Les voisins d’Alex se plaisent d’ailleurs dans la fiction à revenir dans l’appartement de celui-ci. L’espace d’un instant il semble que les choses n’ont pas changé.

Cette entreprise de souvenir est de l’apanage d’Alex qui semble autant soucieux de préserver sa mère que de garder une trace de toutes les choses qui ont bercé son enfance. De manière significative, Alex choisit son idole Sigmund Jähn ou un simple sosie de celui-ci pour jouer le rôle du nouveau premier secrétaire de la RDA. Lui qui était très critique de la situation en RDA avant la réunification se retrouve le premier déboussolé par les changements très rapides qui ont frappé son environnement. Le film entérine ce passage de vitesse, cette accélération dans la mise en scène. Good Bye Lenin ! est d’abord l’histoire d’un adolescent qui devient peu à peu autonome, ose s’ouvrir à de nouvelles expériences et fait le deuil de ces rêves d’enfant. Ariane, de même, s’assagit peu à peu au fur et à mesure que le film avance. La musique de Yann Tiersen, très présente, porte de manière particulièrement frappante cette nostalgie du temps qui passe et en même temps la joie de la vie qui avance. Alex tombe amoureux de l’infirmière Lara, trouve un emploi et renoue avec son père. Comme la RDA, il est amené à se confronter très progressivement à la réalité.

Usant d’images d’archives réelles et fictives, Good Bye Lenin ! fait le deuil d’un pays imaginaire qui a cessé d’exister à tout jamais. Le film jette un regard rétrospectif sur un point de l’histoire récente maintenant qu’un peu de distance est permis. Un dernier regard pour mieux tourner la page.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 7 mai 2004