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Hannibal, de Ridley Scott

Thriller culinaire (saignant ou à point ?)

Ah Florence !... Ses piazzas ornées de fontaines, son Duomo, ses fastueux palais, et... Son cannibale sybarite ! Dix ans ont passé mais l’agent du FBI Clarice Sterling est toujours hantée par le redoutable Docteur. Et le milliardaire Mason Verger, unique survivant des crimes passés de Lecter, œuvre à sa vengeance. De quoi mettre Hannibal en appétit !


Dinner is ready ! (JPEG)Anthony Hopkins reprend le rôle pour lequel il avait décroché un oscar en 1991 et, accrochez-vous, notre psychopathe anthropophage n’a rien perdu de sa superbe. Eviscération et autres dégustations de cervelle ponctuent son retour à la vie publique, le tout saupoudré d’une discrète et bienvenue ironie. Miam, miam !

Fort heureusement, le film, s’il apporte son lot de séquences fortes (avec une savante gradation dans l’insoutenable), ne se vautre pas dans la surenchère gore. Le réalisme angoissant et un tantinet pervers qui faisait le prix du premier film est au rendez-vous. L’atmosphère de malaise est d’ailleurs efficacement portée par la maîtrise plastique de Ridley Scott (on songe parfois à The Duellist pour les très beaux extérieurs de campagne embrumée). La façon qu’il a de filmer Florence par exemple - surtout les intérieurs -, baignée d’ombres aux atmosphères imprégnées du poids d’une Histoire tumultueuse (intrigues et assassinats de la Renaissance), amplifie le sentiment oppressant suscité par la sensation de danger qui plane en cercles concentriques autour de l’imprudent inspecteur Rinaldo Pazzi.

Comme le titre du film l’indique, cette suite se différencie du Silence des agneaux en se focalisant non plus sur Clarice et ses démons intérieurs, mais sur Hannibal lui-même. Dans le film de J. Demme, il n’était qu’un moyen de l’enquête ; il en devient ici l’enjeu. De ce fait, Julianne Moore interprète un personnage qui a évolué certes, mais dont la complexité tient en grande partie aux développements du premier film, et non pas à ceux de cette suite. Cela n’enlève rien à la qualité de son interprétation, qui nous ferait presque oublier Jodie Foster.

Anthony Hopkins, l’oeil brillant et le sourire carnassier, pousse plus loin encore le processus complexe de rejet-fascination que nourrissait le spectateur à son égard (ce qui peut mettre mal à l’aise). Le haut-lieu des arts et de la culture qu’est Florence permet en effet à Hannibal Lecter de donner pleine mesure à son érudition et à son raffinement intellectuel. Son aisance et son assurance sont pour le moins subjugantes. Il croque des individus qui, il faut le dire, ne l’ont pas volé (l’inspecteur vénal, l’homme de justice corrompu et indélicat). Et en prime, en étant aux petits soins avec Clarice, il dévoile une personnalité plus complexe que ce qui en était révélé dans Le silence des agneaux. Malgré les atrocités dont on le sait capable, il est ainsi impossible d’être insensible à son charisme, d’autant plus que le personnage du milliardaire défiguré, franchement tordu et détraqué, attire à lui la majeure partie de la répulsion du spectateur.

Croquera ? Croquera pas ? (JPEG)

Bref, cette suite aux atours sulfureux particulièrement fascinants a de quoi ravir le spectateur pas trop fine bouche. On pourra regretter - mis à part certaines affèteries stylistiques de Ridley Scott - que l’idée génialement subversive de l’écrivain Thomas Harris (Clarice expérimentent le cannibalisme sous l’égide d’Hannibal) n’ait pas été reprise à l’écran.

par Alaric P.
Article mis en ligne le 18 avril 2004