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La chatte andalouse

Deux ans après Peau de vache, Hustache-Mathieu revient avec un nouveau court-métrage tout aussi frais et subtil.


Soeur Angèle est une religieuse d’à peine 21 ans. Elle vend, sur la place du marché, le miel mis en pot par sa communauté : "Les Petites Soeurs de la Couronne d’Epines". Elle a aussi d’étranges rendez-vous dans un bungalow près de la plage ....

Le film se déroule en Normandie et retrace la vie quelque peu atypique d’une soeur de 21 ans qui, pour honorer les derniers voeux d’une artiste-peintre espagnole décédée, va terminer l’oeuvre que cette dernière avait laissé inachevée : 49 phallus moulés et peints en Bleu Klein disposés sur une étagère autour d’un vagin moulé peint en rose. Soeur Angèle (loin d’être un ange) doit mouler les 4 phallus restants et pour se faire trouver des modèles. Bien entendu, elle reste jusqu’au bout partagée entre le désir de faire tribut de cette oeuvre à l’âme de l’artiste et le sentiment de culpabilité qui la hante. Hustache-Mathieu ne manque pas de jouer sur ce drôle de hiatus en recourant à plusieurs formes de comique de situations (la soeur achète des préservatifs à la hâte, son désir investi son inconscient et met du piment dans ses rêves, etc.).

Hustache-Mathieu a le don d’inventer des histoires atypiques et ambiguës qu’il parvient à transformer, à transfigurer pourrait-on dire, grâce à un ton toujours juste et dépourvu d’effets. Son talent tient précisément en cela que ses courts-métrages (c’était le cas avec Peau de vache, également récompensé à Clermont-Ferrand en 2001) touchent à l’essentiel sans jamais être évidents. Tout ce passe comme si chaque histoire était l’occasion pour Hustache-Mathieu de faire montre de ses talents d’équilibriste, de prouver qu’il est possible de trouver ce ton si rare et si précieux qui mêle érotisme et émotion, humour et authenticité.

Cette authenticité, ce court-métrage la doit également à son actrice principale, Sophie Quinton, qui avait déjà reçu le prix de la meilleure interprétation féminine il y a deux ans au festival de Clermont-Ferrand. La capacité qu’a cette actrice de jouer dans des registres aussi variés que le comique et le doute, le désir et la gêne est surprenante. Mais le plus touchant chez elle, ce qui en fait, déjà, une actrice d’exception, reste l’authenticité qui habite chacun de ses gestes, comme si elle ne jouait pas, mais se contentait d’être, tout simplement. Sophie Quinton ne joue en effet pas, elle ne cherche jamais à dépasser le texte, à le faire vivre au-delà de ce qu’il est, de ce qu’il pourrait être ; elle vit son personnage dans une immanence qui, parce qu’elle réside dans la spontanéité, a raison.

Ceci nous fait dire que le couple Hustache-Mathieu/Quinton, est un couple idéal que le ton de l’un, ses aspirations artistiques se réalisent à travers et par l’autre. C’est la raison pour laquelle les portes du long métrage s’ouvriront très bientôt à lui, c’est la raison pour laquelle également il trouvera un public aussi nombreux qu’enthousiaste pour célébrer son rare talent.

Gérald Hustache-Mathieu est né en 1968 à Grenoble. Il réalise ses premiers films en super 8, puis L’Enregistreur, adapté d’une nouvelle de Dino Buzzati, et un film muet, Poubelles. Son premier "vrai" court-métrage, produit par Fidélité Productions, Peau de Vache, a été sélectionné dans plus de 25 festivals internationaux et a été nominé aux European Film Awards 2001. Il a remporté une quinzaine de prix dont le Grand prix du Jury Compétition européenne au festival Premiers Plans d’Angers, les Prix de la meilleure première oeuvre de fiction et Prix d’interprétation féminine au festival de Clermont-Ferrand, et dernièrement le Grand Prix du film de fiction à New York Expo. Il prépare son premier long métrage : Les Poils du Pinceau.

Assurément un créateur à suivre...

par Matthieu Chéreau
Article mis en ligne le 22 juin 2004