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Le Frère du guerrier

Réalisateur de films aussi variés que Force Majeur, Ma petite entreprise ou Fred, Pierre Jolivet s’attaque ici à un genre très particulier, le film historique. Le Frère du guerrier se déroule et traite en effet du moyen-âge.


Dans la volonté récente des cinéastes français d’aller concurrencer Hollywood sur leur propre terrain en essayant d’offrir des oeuvres grand public de qualité, le nouveau film de Pierre Jolivet se démarque par son aspect antispectaculaire. Il y a bien quelques scènes de combat mais celles-ci sont très limitées et parties intégrantes du propos. Alors que le genre aurait parfaitement pu s’y prêter, on est ici très loin d’un Braveheart fougeux et violent. Le Frère du guerrier est un film posé qui s’appuie essentiellement sur trois personnages très forts, Thomas (Vincent Lindon qui donne une forte présence à son rôle), le guerrier mercenaire qui a dû quitter sa famille plus jeune pour gagner sa vie, Arnaud (Guillaume Canet) son frère à qui sa mère a appris la médecine des plantes et Guillemette (mélanie Doutey) la femme de ce dernier. La grande majorité de l’intrigue tourne autour de ses trois personnages, de leur relations troubles et fortes et de leur quêtes.

La mémoire et le savoir sont les deux thèmes centraux du film. Le frère du guerrier, Arnaud, c’est celui qui a tout oublié après une attaque de brigands sur sa maison. La mère de la famille étant décédée quelques jours plus tôt, toutes les connaissances qui aidaient à faire vivre le couple sont menaçées. Guillemette doit donc faire appel à Thomas pour survenir au besoin et l’aider à trouver une solution. Les deux vont donc partir à la recherches de livres érudits dans les abbayes. Le frère du guerrier oppose constamment deux modes d’existence, d’appréhension des choses, un basé sur la violence et un autre basé sur la connaissance. Thomas gagne sa vie comme mercenaire alors qu’Arnaud soigne les gens avec les plantes. Le film fait de ce conflit son moteur et ne résoud pas les contradictions propre à cette époque. Le frère du guerrier enregistre le début de démocratisation du savoir malgré les réticences de l’église et le passage d’une culture orale à une culture écrite. Toute cette vision du moyen-âge oscillant entre civilisation et barbarisme est rendue de manière très intéressante.

Toutefois, le film est très lumineux et apaisé. Il tire une grande force de sa manière d’intégrer l’espace, de filmer les paysages magnifiques de Lozère. Le frère du guerrier remet les individus à leur place, c’est-à-dire encore très dépendants de leur environnement notamment pour la culture des plantes. L’espace est aussi important car il est un des principaux moyens de dramatisation utilisé par Pierre Jolivet. Le film fait parfaitement ressentir l’absence d’ordre. Le danger est permanent et peut venir de partout, à tout moment. Viols ou pillages peuvent arriver fréquemment. Il n’y ainsi pas d’espaces privés tels qu’on peut les concevoir aujourd’hui. Au-delà de tout ça, le frère du guerrier est avant tout une aventure humaine sur trois individus cherchant leur place au sein d’une société en pleine mutation. Le film fait la belle place aux sentiments. Une histoire intéressante et agréable malgré quelques longueurs. L’humilité du projet fait l’interêt et la faiblesse du film.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 16 octobre 2004