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Ocean’s eleven

Steven Soderbergh, tout droit sorti des succès de Erin Brokovich et de Traffic, continue sa brillante carrière avec le remake du film éponyme réalisé en 1960 par Lewis Milestone. Bénéficiant d’un casting éblouissant, il renoue ici avec le grand divertissement hollywoodien. Un film drôle, léger et très réussi.


Dans le principal flashback d’Ocean’s eleven, un personnage rappelle les trois braquages de casinos réussis à ce jour à Las Vegas. Cette séquence hilarante (avec notamment une superbe utilisation de la chanson "Take my breath away") marque la filiation du casse préparé par les personnages aussi bien que celle du film. Soderbergh a décidé de placer son film dans une veine comique et purement délirante, très loin de ce qu’on a pu voir ces dernières années dans des films comme Casino ou Snake Eyes qui s’attachait au même univers.

Réunir un tel casting pour un film était déjà une idée folle au départ. Pourtant, le réalisateur s’en sort parfaitement en différenciant fortement chaque personnage aussi bien physiquement (du kitchissime Elliot Gould à la classe de George Clooney) qu’au niveau de leur personnalité (Brad Pitt est expansif, Matt Damon est plutôt réservé). Chacun a droit à sa scène de présentation mais ensuite leur importance est dictée par l’histoire. Pourtant, si les situations sont délirantes, les personnages eux sont très travaillés. Ce sont la matière première même du film. A ce sujet, on note que les acteurs prennent manifestement beaucoup de plaisir à jouer, ce qui décuple le notre à les regarder.Il faut dire qu’ils bénéficient de dialogues très réussis. Il n’y a qu’à mentionner la seconde scène du film dans laquelle on voit Brad Pitt essayer d’apprendre à jouer au poker à un groupe de jeunes stars montantes de la télé bientôt rejoint par George Clooney ou les diverses conversations entre les deux partenaires plus tard dans le film.

Il y a ici un pur plaisir de la scène gratuite qui donne à Ocean’s Eleven son aspect jubilatoire. Celle-ci n’apporte pas grand chose à l’intrigue principale mais elle crée une forte complicité entre le spectateur et les acteurs qui porte tout le film. En plus, des dialogues, Soderbergh a un grand talent pour faire naître des situations comiques à partir de détails que ce soit les piles déchargées, les paris autour des réussites de Yen le super gymnaste chinois, ou les retrouvailles d’Ocean et de son vieil ami sensé le passer à tabac.

L’efficacité est le maître mot aussi bien pour le réalisateur que pour les personnages. Tout est travail d’équipe. Il faut pouvoir faire confiance au talent des autres pour faire un film comme pour voler les coffres de trois casinos. L’important est d’aller droit au but, de frapper fort et vite. A ce sujet, Soderbergh nous offre une magnifique leçon de mise en scène. Ses éclairages sont très travaillés, ses mouvements de caméras très stylisés et sa narration est parfaitement concise.

Les plans à suivre sont à peine enoncés par Clooney ou Brad Pitt que leur réalisation nous apparaît déjà à l’ecran. Comme lui, les personnages soignent leur travail. Ils ont toujours une longueur d’avance sur le spectateur pour ménager le suspense et quelques rebondissements. Ils controlent toutes les images (jusqu’à faire perdre la face à Andy Garcia devant Julia Roberts)travaillent leurs effets et leur sortie. Et voilà le travail. Au final tous ont rempli leur tâche, même Yen pourtant bléssé à la main ou Don Cheadle qui doit changer ses plans pour couper le courant à la dernière minute. Il ne reste plus qu’à applaudir les artistes eux-mêmes éblouis de leur performance face à la fontaine éclairée de Vegas.

Cependant, Ocean’s eleven ne finit pas là. Au coeur de ce petit bijou de film, il y a aussi une très belle histoire d’un personnage à qui on accorde une seconde chance. George Clooney, imppécable dès l’ouverture en prison et Julia Roberts ont alors droit aux plus beaux moments du film. En trois scène, ils font exister des êtres qui vont devoir retrouver une confiance perdue en l’autre. Pointe ici une petite mélancolie pour un homme qui a déjà gaché une partie de sa vie. Le magnifique personnage de Saul Bass magnifiquement interprété par Carl Reiner confirme cette impression. A la retraite, sa fin approchant, il tente ce dernier coup pour se prouver à lui-même qu’il en est toujours capable. Même poursuivi ou menacé, l’important est de continuer sa route coûte que coûte en gardant confiance en soi, histoire de voir ce que l’avenir nous reserve.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 7 octobre 2004