Artelio

accueil > Cinéma > article




 

Pau et son frère

Présenté en compétition officielle au festival de Cannes cette année, le second film de Marc Recha n’a pas vraiment fait l’unanimité dans la presse. Il faut dire que Pau et son frère ne se livre pas facilement au spectateur. Le réalisateur ou les personnages ne sont jamais là pour théoriser ce qu’il se passe ce qui en déroutera plus d’un. Pourtant, Pau et son frère a bien une forte portée métaphysique. Plus que le deuil, le film questionne le rapport à l’autre. Il faut ajouter ici que tous les acteurs sont d’une vérité étonnante et que Marc Recha a particulièrement soigné sa mise en scène (les paysages pyrénéens sont magnifiques).


Pau et son frère débute de manière abrupte. Pau se lève, le téléphone sonne et on lui annonce la mort de son frère. Il y aura bien quelques larmes (notamment plus tard du coté de la mère) mais pas trop. Après tout cela fait plusieurs années que l’on avait pas vu le défunt. Quelques plans plus tard, la caméra traverse tout le métro de Barcelone à la recherche de quelquechose. On retrouvera Alex (le frère décédé) torse nu, fantome parmi les fantomes.

Cette relation mise en avant par le titre est la grande question du film. Que vaut ce « et » ? Quelle est la relation entre Pau et son frère mais aussi entre tous les autres personnages ? Et il faut dire que le constat du film à ce sujet est plutot noir. Si la chanson rap du générique explique que la « solitude tue l’individu », c’est bien notre condition que d’etre séparé des autres. Cette incommunicabilité est magnifiquement représenté lors de la première demi-heure durant laquelle il n’y a que très peu d’echanges entre les personnages. Le silence se fait pesant. Marc Recha emprisonne ses acteurs dans de longs plans sérrés, plans fixes ou nous les présente esseulés au milieu de ses immenses paysages des Pyrénées. Là on découvre quelques membres de cette communauté : Sara, la petite amie d’Alex, et Emili, qui travaillait avec lui. Ce dernier a d’ailleurs la visite de sa fille francaise, Marta, qu’il n’avait pas vu depuis très longtemps. Ce père se montrera rapidement distant (à noter quasiment tous les pères sont absents dans le film).

Pourtant si la rencontre entre les cinq personnages commencent de manière difficile (la communication passe difficlement entre la francaise et la mère espagnole qui ne partage pas le meme langage) très vite les langues se délient et le film abandonne sa gravité. Les mouvements s’accelerent, les corps s’accordent un peu de tendresse. Meme Alex renait doucement à Pau et à sa mère grace aux témoignages de la communauté. La relation à l’autre paraît donc enfin possible. La mère flirte avec Emili alors que Pau et Sara commencent une histoire en parallèle. Cette période de bonheur ne sera cependant que de courte durée. Très vite il faudra se séparer et retrouver son quotidien. Pau et Sara tentent de poursuivre leur relation à Barcelone mais la francaise, enceinte d’un autre homme, préfère prendre la fuite.

A toute cette question de l’autre s’ajoute un discours sur la nature. La petite commune des Pyrénées risque d’être dénaturée à cause de la construction prochaine d’une route. Cette utopie collective dans ses montagnes isolées du monde n’est pas une solution à terme. Le temps est là qui emportera tout sur son passage. Alex l’aurait compris et se serait suicidé. A moins que ceci ne soit qu’une fausse piste et qu’il ait préféré se cacher dans les montagnes. L’ambiguité règne sur la fin du film. Celle-ci donne une raison d’espèrer et ramène les personnages du coté de la vie. Le bonheur a beau etre ephémère, Pau et son frère savent queil existe. Il faudra à nouveau se battre pour le retrouver.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 15 septembre 2004