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Metallica : St. Anger

Le retour tant attendu des Horsemen

Chroniquer un album de Metallica n’est pas chose aisée. Le critique doit louvoyer entre les puristes gardiens de l’Eglise heavy metal, les néo-métalleux, et les fidèles du groupe. Pour St. Anger, la tâche est plus ardue encore puisqu’il s’agit de mettre de côté notre joie de retrouver le premier "vrai" disque des Horsemen depuis 1996, et la déception que suscite la confrontation de nos attentes avec leur dernier opus. Impressions.


Fin 2001, Metallica était moribond, et ses fans (dont votre serviteur) s’attendaient à la fin de l’épopée. Son bassiste, Jason Newsted, avait décidé de quitter l’aventure : il était ébranlé par l’affaire Napster, et ne s’était jamais vraiment intégré au groupe. Le chanteur et guitariste James Hetfield entrait en cure de désintoxication : il s’était aperçu qu’il ne pouvait plus démarrer le matin sans sa vodka au petit déjeuner. Et pendant de longues semaines, pas de nouvelle du quatuor sinon une interview où les membres se tiraient dans les pattes... Mais voilà, fin 2002, le groupe annonçait qu’il commençait à travailler sur un nouvel album, alors que la place de Newsted était toujours vacante. C’est Bob Rock, le producteur, qui assurait son remplacement : il avait été bassiste dans un groupe punk avant de passer derrière la console. Mais cette solution n’était que temporaire, et peu avant la sortie de l’album, Rob Trujillo, ex-bassiste des Suicidal Tendancies et d’Ozzy Osbourne, a rejoint les Horsemen. Vint ensuite la sortie de St. Anger, épaulée par une mini tournée des salles parisiennes : trois concerts se tirent dans la même soirée, à la Boule Noire, ou Trabendo, et au Bataclan.

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Alors, quid de ce St. Anger ? Sur le papier, c’est 11 titres et près de 75 minutes de musique. D’un point de vue packaging, la maison de disque nous a gâté : la version digipack contient un DVD bonus des répétitions de l’intégralité de l’album. Notons également un code d’accès pour télécharger trois concerts complets au format MP3 sur le site www.metallicavault.com.

Mais musicalement, que vaut donc le dernier opus de Metallica ? La première écoute décevra sans doute possible. Où sont les soli ? A croire que Kirk Hammet n’est jamais venu aux sessions d’enregistrement. Et la production ? Bob Rock, en charge de la basse, aurait-t-il oublié de mixer l’album ? Et les compositions ? Leur structure des plus alambiquées fait penser à un ensemble de jams mis bout à bout plus qu’à une chanson très carrée dans l’esprit des précédents disques du groupe... Le gros point noir de cet album est, sans contestation possible, le son de la batterie de Lars Ulrich, qui semble marteler des fûts métalliques et fait une utilisation excessive de sa caisse claire.

La première impression, catastrophique, ou plutôt chaotique, rebutera sans aucun doute nombre d’auditeurs de St. Anger. Tant pis. Les autres, ceux qui décideront d’aller au-delà du premier tour dans la platine, trouveront en cette sainte colère un album de metal intransigeant. Car Metallica ne fait aucune concession. Exit "Nothing else matters", on oublie "Until it sleeps", on passe "Mama said" à la trappe. Bienvenue dans le monde torturé du thrash metal ! Il y a fort à parier qu’aucun des singles de St. Anger ne passera en boucle sur les radios. Seuls quatre titres ne dépassent pas 6 minutes, et trois sont au delà des 8 minutes. "Un suicide commercial" aurait dit un manager de leur maison de disque... Sans aller jusque là, St. Anger n’est pas radio-friendly, pour sûr.

(JPEG) Après deux premiers titres bien sentis, "Frantic" et "St. Anger", Metallica se perd au cours des 8 minutes 25 bien trop répétitives de "Some Kind of monster". Plus courte et plus structurée, "Dirty Window" s’impose comme un titre phare du disque (à plus forte raison lorsqu’elle fut agrémenté d’un solo lors du passage de Metallica à Bercy en décembre 2003), malgré ses percussions funky sur le refrain "I’m judge and I’m jury and I’m executioner too". "Invisible Kid", tout comme "Some Kind of Monster", n’est pas mauvaise, mais souffre de sa longueur. La chanson "My World" et ses 5 minutes 45 sont très conventionnelles. L’on se souviendra de "Shoot me again" pour son refrain entêtant : "Shoot me again, I ain’t dead yet". On écoutera "Sweet Amber" sans grande conviction : elle est courte, donc l’on aura pas besoin d’appuyer sur "avance rapide". "Unnamed Feeling" s’ouvre avec un riff aussi intense que léthargique et menaçant. Cette chanson oppressante est également une valeur sûre de St. Anger. "Purify" s’annonce comme un titre rapide ; sa monotonie est heureusement brisée par un deuxième riff en milieu de chanson. "All Within My Hands" clôt l’album par 8 minutes 49 où alternent rythmes lents puis rapides.

Alors, nous voici de retour au temps où les cheveux étaient longs, les jeans serrés, et les riffs à 100 à l’heure ? Pas tout a fait. D’abord, St. Anger regroupe beaucoup de chansons de niveau égal et hélas moyen : aucune des 11 compositions ne se dégage d’emblée comme un tube. Ensuite, il faut avouer que des influences néo-metal nous effleurent parfois l’oreille, comme ces petits côtés funk qu’ont "St. Anger", "Dirty Window", "All Within My Hands" ou "Some Kind of Monster" : System Of A Down aurait-il rencontré Slipknot ?... Avec Load et ReLoad, Metallica s’était vu reprocher d’avoir voulu surfer sur la vague pop-rock de l’après Kurt Cobain - le batteur Lars Ulrich s’était même dit influencé par Oasis. Aujourd’hui que le néo-metal est à la mode (Korn, Slipknot, System Of A Down, Linkin Park...), l’on peut légitimement se demander si Metallica ne s’est pas encore une fois tourné dans le sens du vent. A trop vouloir éviter de refaire un Black Album, les Horsemen n’en viendraient-ils pas à ressembler à leurs contemporains ?

St. Anger est décevant d’un point de vue créatif. Metallica, autrefois leader d’un courant musical, ne serait-il pas devenu qu’un groupe parmi d’autres ? Réponse avec le prochain album...


Consultez une bio-discographie commentée de Metallica ici-même.

Pour un approche explicative du metal et du heavy metal, rendez-vous sur le dossier analytique qu’Artelio consacre à cette musique.

par Antoine Canard
Article mis en ligne le 6 juillet 2004