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Lestat le Vampire / La Reine des damnés, d’Anne Rice

Les deux de trop ?

Après l’immense succès de Entretien avec un vampire Anne Rice a remis en scène l’univers qu’elle avait esquissé, en renouvellant l’approche des vampires dans la littérature. Débarassés des gousses d’ail et le poussiéreuse Transylvanie, ces monstres échappent-ils pour autant à la ringardise ?


Entretien avec un vampire s’était dessiné dans l’esprit de Rice comme "une courte nouvelle sur le thème du vampirisme". Son roman a pris de l’ampleur et esquissé un univers riche, dessiné en ombres chinoises dans les ténébreux destins de vampires. Des origines et de bien des choses on continuait de tout ignorer, limités par les connaissances réduites du jeune Louis. Mais ce mystère, cet univers évoqué mais non décrit, n’était-il pas la principale force de ce premier opus ?

Le succès éditorial ayant ses lois, Entretien avec un vampire eut des petits frères. C’est au travers du personnage de Lestat, le plus intéressant des vampires esquissés, que Rice réintroduit son univers. Réveillé par la publication des révélations de Louis, Lestat décide de ressurgir, au grand jour cette fois, toujours dans la lumière artificielle de la nuit car il ne peut pas supporter la lumière du soleil. Il devient rock star, voulant dresser les vampires contre lui, pousser les Anciens de sa race à se révèler, et surtout lancer une guerre perdue d’avance contre les humains.

Pour devancer son concert rock, il publie donc Lestat le vampire son autobiographie. Elle relate comment il devint vampire à l’aube de la Révolution Française, choisit par Magnus, vieux vampire, pour recevoir le "don ténébreux" qui fait de lui un damné. Il commence alors à couvrir de bienfaits ses amis, puis il transmets le don à sa mère, Gabrielle, qui devient son amante. Ils s’opposent alors aux vampires de Paris, qui peuplent le cimetière des Innocents, observant des règles strictes que Lestat enfreint à répétition sans le savoir. Il démantèle leur clan, se confrontant pour la première fois à Armand, le maître du phalanstère parisien. Ensuite, c’est l’histoire de la fuite de Lestat, sa rencontre avec Marius l’Ancien, qui surveille "ceux qu’il faut garder", les ancètres des vampires : Enkil et Akasha, rois égyptiens, vieux de 6000 ans, qui demeurent aussi immobiles que des statues dans le sanctuaire que leur à confectionné Marius.

Nourri du sang d’Akasha, Lestat part vers la Nouvelle-Orléans, où son histoire se fond avec celle contée dans Entretien avec un vampire. Il raconte ensuite son concert rock, et le début du combat contre d’autres vampires venus pour le tuer... et leur mystérieux embrasement chaque fois qu’ils s’en prennent à lui. Alors qu’il vient de s’endormir, arrive Akasha qui l’enlève...

C’est alors qu’on passe au dernier volume, La Reine des damnés, qui pendant toute sa première partie s’étend sur les évènements survenus pour les autres principaux vampires, entre la parution de Lestat le vampire et le concert. Toute l’intringue est nouée autour d’un rêve qui hante tous les protagonistes, montrant le capture, le viol et la transformation en vampires, de deux jumelles rousses, et du réveil d’Akasha.

Elle a tué Enkil, et décidé de régner sur le monde, tuant presque tous les hommes. Son objectif est l’avènement d’un monde en paix, parce que dominé par les femmes. Elle enlève Lestat, dont elle a décidé de faire son compagnon. Son pouvoir est tel, qu’elle peut embraser par sa seule volonté le sang de ses congénères... et rien ne semble pouvoir l’arrêter, même pas les derniers survivants parmi les vampires, qui se sont réunis en conclave.

L’histoire n’est pas d’une originalité percutante. L’univers est le même, il en devient répétitif. On perd la dimension de lassitude qui frappait les vieux vampires, et ceux capables de franchir la succession des époques deviennent bien nombreux. Surtout, les mystères qui entouraient le théâtre des vampires, ou les origines de la race, sont percés, étalés au grand jour... et finalement sont bien peu envoûtants.

Le style est bon, toujours riche de ses descriptions précises qui miment les sens exacerbés des vampires. L’intrigue avance vite, même si les rebondissements sont trop prévisibles. C’est un bon livre de plage, amusant, parfois entrainant, souvent faisant office de passe-temps.

Les mystères ne gagnent pas toujours à être révélés au grand jour. Rice a sans doute voulu que son lecteur pense "et si tout ça était vrai" ou phantasme sur la possible véracité de cette histoire, qui, apèrs tout, pourrait s’accomoder de notre vérité historique, mais décidément, non, on n’y croit pas.


par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 1er juin 2004

Ces deux ouvrages Lestat le vampire et la reine des damnés complètent la trilogie dédiée à Lestat, entamée par le brillant Entretien avec un vampire