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Cagoule, par Hubert Koundé

Histoire d’amour sur fond de banlieue et de religion, Cagoule nous offre à la fois un texte engagé et une vision humaine qui ne manque pas de saveur.


Flash back d’un mort qui revoit tous les maillons qui ont précipité sa mort, Cagoule, se relevant de l’emplacement tracé à la craie où son corps s’est éteint, s’adresse directement au public, dans un soucis de mémoire. Raconter l’injustice que représente pour lui la mort de celle qu’il a aimée, l’explication de sa propre chute.

Braqueur de supermarché, balancé par son stagiaire à la police, Cagoule a passé 5 ans de sa jeune vie derrière les barreaux, à se demander où était Dieu quand il avait besoin de lui. Il sort de prison le 11 novembre 2001 et retrouve son quartier enflammé par les évènements terroristes. C’est dans ce contexte politique que naît son amour pour une jeune musulmane, dont le frère est devenu islamiste par dépit amoureux, dit-on. Cagoule parvient à la séduire mais leurs amours secrètes tournent mal. La jeune femme se retrouve à l’hôpital et les deux jeunes gens prennent la fuite. Cagoule opère son dernier braquage dans l’urgence avant de se convertir en vigile aux Halles. Pressée d’annoncer une nouvelle à sa mère, Yasmina est assassinée par son frère lors du rendez-vous. Venu se livrer à la police comme meurtrier futur, Cagoule apprend que son amante était enceinte. La vengeance l’étrangle et il met tout en œuvre pour la satisfaire. C’est sans compter sur ce qu’il apprendra du frère lui-même.

Cagoule n’est pas un texte révolutionnaire ni par son style ni par les thèmes qu’il aborde mais tout son charme réside dans l’alternance entre récit presque épique et rythmique aux sonorités de rap. Hubert Koundé, acteur de La Haine, a su confier son texte à un acteur très talentueux, passé par les mains de Peter Brook pour Le Costume en 2000 et qui une fois de plus fait vivre ici tout un univers qui ne nous semble bientôt plus imaginaire mais réellement habiter ce plateau vide et sombre. Drôle, touchant, séduisant, Cyril Guei nous emmène dans son monde peuplé de caractères à la fois réalistes et cependant représentés dans l’illusion théâtrale la plus ambitieuse : leur incarnation par un corps unique. Danse, chant, jeux de lumières, la mise en scène soutenue par une magnifique maîtrise des corps maintient le spectateur en suspension.

On peut seules regretter quelques facilités de propos de la part de l’auteur dans ses dialogues, d’autant plus décevants, aux vues de l’originalité et de la saveur générale de son texte. Cagoule demeure néanmoins un texte touchant, une mise en scène qui agrippe le spectateur d’un bout à l’autre et une vraie performance de la part de Cyril Guei. Quant au traitement du contexte politique et religieux dans lequel se situe explicitement la pièce, non partisan mais engagé, Hubert Koundé fait résonner une parole spirituelle universelle, juste et belle, sans pour autant donner dans le mysticisme. La pièce n’atteint pas une réflexion profonde sur les enjeux socio-politiques de l’islamisme et des évènements terroristes du 11 septembre, mais la modestie de l’auteur à s’en tenir à une histoire d’amour tragique ne la rend que plus touchante.

par Pauline Beaulieu
Article mis en ligne le 5 novembre 2004

Informations pratiques
- pièce : Cagoule
- auteur : Hubert Koundé