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André François à l’épreuve du feu

Exposition au Centre Pompidou à Paris du 18 mars au 7 juin 2004.

En cette fin d’année 2004, Artelio a décidé de revenir sur André François et sur l’exposition qui lui a été consacrée au Centre G. Pompidou (Paris), durant l’année 2004 (18 mars au 7 juin 2004). L’exposition n’avait rien d’une rétrospective : elle occupait simplement la mezzanine du Centre et visait à mettre en avant un artiste qui venait de vivre quelque chose de terrible pour sa création artistique. En effet, quelques mois avant cette exposition, l’artiste nonagénaire avait vu se consumer l’essentiel de son œuvre dans l’incendie de son atelier.


André Farkas originaire de Roumanie, futur André François, arrive à Paris dans les années 30, âgé d’une vingtaine d’années, après avoir étudié aux Beaux-Arts de Budapest. En France, il devient l’élève de Cassandre. Son oeuvre artistique est d’abord tournée vers le dessin humoristique, dessins qui paraissent dans de nombreux journaux, pour lesquels il réalise parfois des couvertures (Télérama, Le Monde). Dans le même temps, il se plonge dans l’art de l’affiche et réalise les affiches de quelques films (Le Bal des Vampires, Max mon amour), tout en créant décors et costumes d’Opéra. Son oeuvre est ensuite consacrée à la peinture, à la sculpture et à l’illustration. Le travail d’André François le plus connu est d’ailleurs un album pour enfants intitulé les larmes de crocodile -vous vous rappelez ? Le crocodile, qui vit dans le Nil et qui est accompagné d’un oiseau qui lui sert de brosse à dent ?. André François travaille essentiellement à partir de collages et met régulièrement en scène des animaux, donnant à son œuvre une dimension éternellement enfantine. Pour alimenter sa production, l’artiste part à la chasse aux objets divers destinés à être utilisés dans les collages. Après l’incendie, ce sont les débris de son atelier qu’il réutilise, faisant de son œuvre passée le coeur de sa création artistique présente.

En ce printemps 2004, le Centre Pompidou avait consacré l’espace d’exposition aux œuvres de l’artiste réalisées après l’incendie, même si certains collages antérieurs à 2002 étaient exposés. La mezzanine était occupée dans quasiment toute sa longueur par le récent travail d’André François. Cette disposition de l’œuvre artistique selon un agencement linéaire continu faisait naître une regrettable impression de monotonie. À l’intérieur de l’espace d’exposition était diffusée une vidéo d’André François, réalisée par Sarah Moon, très peu de temps avant l’incendie. Quelques visiteurs se promenaient sur cette mezzanine, regardant distraitement les œuvres et étouffant des commentaires parfois franchement critiques sur les travaux exposés. Beaubourg exposait ici une oeuvre polymorphe, faite de peintures, de sculptures, de collages, complétée d’aquarelles minimalistes, caractérisées par de simples juxtapositions de couleurs, qui pouvaient à juste titre laisser le visiteur dubitatif. Du déjà vu, qui faisait sourire certains. Il fallait sans aucun doute faire abstraction de certaines œuvres qui ne feront sûrement pas partie des meilleures de l’artiste, pour apprécier cette exposition.

L’œuvre de collage, peinture et sculpture d’André François est une œuvre fine, que l’on imagine aisément travaillée par les mains de l’artiste, attaquant au corps à corps cette matière qu’il aime à collecter lui-même. Les sujets des collages sont quelque fois naïfs, les matériaux sont des matériaux de récupération bruts (bois, bouchon de liège, fil de fer) et l’artiste laisse une grande place au blanc du support, faisant planer un doute sur le caractère fini de son œuvre. Ces collages, qui débordent amplement de leur support, entraînent une perte des repères spatiaux, mêlant intimement l’espace de l’œuvre, celui de l’artiste et celui du visiteur et font naître un sentiment d’effroi. Ils envahissent violemment, de leurs couleurs souvent sombres, parfois même roussies par le feu, l’espace du visiteur, et l’obligent à regarder longuement ces matériaux de récupération, rarement aussi longtemps observés, inhabituellement mis en valeur, curieusement expressifs dans la main de l’artiste. La démarche est enfantine, le matériau l’est tout autant -qui n’a jamais collecté des petits rien pour sa production artistique- et le résultat est terriblement angoissant.

Le Centre Pompidou avait pris le parti d’exposer un grand nombre d’œuvres récentes, sans véritable souci de hiérarchisation et de tri dans cette récente production, perturbée, comme on l’imagine facilement, par l’incendie de l’atelier : c’est le chemin de la renaissance de l’artiste que le visiteur était invité à parcourir. Et la force de création de cet homme, touché par un tel accident, incitait au silence.

par Aurore Rubio
Article mis en ligne le 30 décembre 2004

Informations pratiques :
 artiste : André François
 dates : du 18 mars au 7 juin 2004
 lieu : Centre Pompidou, Place Georges Pompidou 75004 Paris
 horaires : ouvert tous les jours, 11h-21h sauf le mardi et le 1er mai
 renseignements : tél 01 44 78 12 33 et http://www.centrepompidou.fr

Pour aller plus loin en lisant :
  catalogue de l’exposition qui s’est tenue à la Bibliothèque Forney (Hôtel de Sens - 1, rue du Figuier - 75004 Paris) du 23 septembre au 27 décembre 2003 qui rassemblait 150 affiches de l’artiste :Anne-Claude LELIEUR, Raymond BACHOLLET, André François. Bibliothèque Forney : 2003 (356 pages, 470 illustrations couleurs, 16 x 24 cm, relié), 40euros)

Pour aller plus loin dans les revues et journaux :
 Serguei, André François, je présume ?, in Le Monde daté du 17 juillet 1992.
 Serguei, André François, une vie d’artiste, in Le Monde daté du 17 juillet 1992.
 Emmanuelle Roux, André François, détourneur de rêves, in Le Monde daté du 23 novembre 2003.

Pour aller plus loin en écoutant :
  André François, René Delpire et Sarah Moon sont sur Arte Radio (séquence sonore de huit minutes et vingt-huit secondes)

Actualités : L’artiste est décédé le 11 avril 2005. Quelques articles publiés récemment : Le Monde André François, athlète complet des arts plastiques, Libération André François, trait de génie