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Autour de Titien

Tableaux d’Italie du Nord au XVIe siècle à la galerie Canesso à Paris du 28 septembre au 28 octobre 2005

Le meilleur de la peinture du nord de l’Italie s’expose à la galerie Canesso, dans ses nouveaux espaces, rue Laffitte, tout près de Drouot : le XVIe siècle est à l’honneur, pour cette galerie éminemment spécialisée dans la peinture italienne des Temps modernes. Quelques maîtres bien connus des amateurs, moins du grand public, mais à l’apogée de leur talent et de leur originalité. Une rétrospective que couronne le prince des peintres de Venise, Titien : un artiste aussi présent dans les musées du monde que rarissime dans une galerie, d’autant plus qu’il s’illustre ici dans une mythologie d’une fraîcheur incroyable. Voyage dans un monde où l’on côtoie de sages madones et de charmantes dénudées dans des paysages toujours verts.


C’est un Jeune flûtiste qui accueille seul, dans le hall, dans un tête-à-tête troublant, qui vous dévisage avec son franc sourire et ses yeux rieurs. Posant tel un notable, le garçon adopte toutefois une attitude bien libre, même si forcée par l’espace du tableau. Le vêtement attire avec ses accroches tactiles de pâte au col et le velouté de son habit gris : ce garçon n’en reste pas moins débraillé, vêtu négligemment. Ce n’est guère un jeune patricien de Venise, avec sa main aux ongles sales. Certainement un berger, montrant son cher instrument emprunté à quelque pastorale. Sa chevelure en bataille et son air malicieux en font un hôte des bois et des collines, comme celles émergeant de l’ouverture d’un improbable intérieur. À défaut de pouvoir parcourir ces paysages réinventés, il faut pénétrer plus avant dans ce qui est davantage que de la peinture, un univers à la fois si lointain dans le temps et proche dans son lyrisme.

Mythologie et religion : une communion de l’art et la nature

Dès la première salle, l’univers profane est le plus représenté, avec tout d’abord Angélique et Médor, emprunté à la grande épopée en vers du Roland furieux, composé au début du XVIe siècle. L’auteur de l’œuvre, Simone Peterzano, un possible élève de Titien, est surtout connu pour avoir été le premier maître d’un artiste bien singulier, révolutionnant la peinture européenne des années 1600 : Caravage. Néanmoins, Peterzano signe ici un tableau déjà bien expressif, en choisissant un moment tragique, rendu par la confrontation des corps livides et de ce sombre fond de forêt : la nature participe ainsi au pathos de la scène. Le jeune Médor, guerrier sarrasin, porte en effet une discrète mais douloureuse blessure sur la poitrine, alors que ses compagnons gisent sans vie. Une autre blessure s’apprête à atteindre le coeur de Médor, celle provoquée par la vision d’Angélique, cette jeune et belle chrétienne le fixant du regard. Aux antipodes du choc des civilisations, cet amour est célébré par la beauté des deux amants, notamment Médor, dont le corps semble celui d’un Christ et d’un Adonis mêlés, comme si les héros chrétien et païen se fondaient en cet éphèbe de littérature. Et étrangement, la tête de Médor, comme implorant, rappelle avec ses yeux humides auréolés de mèches dorées, la Madeleine pénitente de Titien. D’ailleurs, bien que lombard, Peterzano connaît très bien l’art des grands vénitiens, et pas seulement Titien : Angélique est le type même des femmes de Véronèse, au corps blanc si sensuel qui montre un sein nacré, jusqu’à ces boucles blondes et légères chères au peintre de Vénétie. Pour exprimer une action plus rude et violente, le peintre emprunte au vocabulaire de Tintoret l’homme musculeux à l’arrière-plan à droite : tendu dans un macabre effort, son corps offre un bel exemple de raccourci anatomique dans le pur esprit du grand artiste à la fin de la Renaissance. L’expression des passions, empruntée aux expérimentations plastiques des peintres les plus fameux de Vénétie, se fond dans une peinture presque décorative dans ses effets, qu’il s’agisse des accords bleutés du ciel ou du mordoré de ces tissus. Une alliance subtile du psychologique et des fastes où l’on pressent l’avènement prochain du baroque.

Tout aussi galant et passionné, le Vénus et Adonis de Luca Cambiaso (peintre surtout actif à Gênes) est un instant calme avant la tempête. Vénus a beau nous dévoiler sa grâcieuse nudité, c’est tout d’abord à Adonis qu’elle présente ses charmes, hélas pas assez dissuasifs pour l’empêcher d’aller à une chasse dont elle connaît l’issue fatale. L’heure est à la dernière embrassade, célébrée par le regard imperturbable des amants en haut du tableau ; dans la partie basse, bien au contraire, on s’impatiente ! L’Amour, cet enfant dodu et ailé, retient avec peine le jeune chien qui ignore tout du destin de son maître. Néanmoins, la nature a le dernier mot : perçant les feuillages à droite, le paysage est teinté des ultimes couleurs du jour, comme si la "mort" du soleil en annonçait une autre. Fougue d’un amour au crépuscule et innocence enfantine : le mélange des genres ne nuit pourtant pas à l’équilibre de la composition, traitée ici sur la hauteur pour mieux présenter la beauté d’une déesse et d’un Adonis (d’où l’expression), supplantant souvent l’aspect narratif dans la représentation de ce thème. Un format assez original, quand on pense au même sujet traité avec autant de brio par Titien, mais qui rappelle la façon dont Véronèse illustre les amours de Vénus et Mars. Vénus et Adonis mis en scène incarnent les noces impossibles du divin et du mortel.

Titien, Vénus et Adonis - 71.7 ko
Titien, Vénus et Adonis
Huile sur toile, 186x207 cm, 1553-1554, Madrid, Museo del Prado

Le 16ème siècle affectionne la mythologie, mais pas au détriment du religieux. Ainsi nous le rappelle ce grand Repos pendant la fuite en Égypte dû à Paris Bordone, élève de Titien. Un thème religieux qui est une aubaine pour représenter un paysage : nature ici arcadienne et non orientale, où la lumière dorée fait mieux ressortir les nuances de vert. L’art de la couleur n’est pas accessoire chez Bordone : les figures du premier plan déploient une palette toute en contrastes, de l’orangé aux bleus sombres en passant par des verts clairs ou obscurs et des touches rosacées. Cette variété parfois acide, typique de la manière du peintre, est tempérée par le calme des attitudes, dans le rythme d’une frise. La Vierge, comme il se doit, est au centre et regarde avec douceur les anges qu’elle désigne de la main : une intervention divine bienvenue, incarnée par ces figures ailées apportant nourriture et boisson. En-dessous de ces anges, difficile de ne pas voir le pourtant anecdotique saint Joseph, au repos synonyme de sommeil. Étrangement, à gauche du tableau, on quitte l’épisode biblique pour l’invention de l’artiste puisque sainte Catherine, absente des Évangiles, tend la main au Christ (sur les genoux de sa mère) dans la scène bien connue du mariage mystique de sainte Catherine : un grand instant d’amour divin, sans lien logique avec la scène mais qui en souligne la béatitude. Bordone réussit là à mêler le sentiment religieux à la fidélité aux Écritures.

Titien est le summum de cet accrochage exemplaire. Mais à tout seigneur, tout honneur : laissons lui la place de choix, en fin de parcours, pour continuer à explorer les charmes de l’Italie du Nord.

Passion et idéal

Dans la seconde salle, L’Adoration des Bergers est un thème de choix pour Jacopo Bassano, peintre très actif dans son village natal de Bassano avec ses fils, où ils surent donner aux scènes religieuses tout un aspect populaire, ou du moins à rapprocher le monde de la Bible de celui des petites gens de leur temps. Cette Adoration ne fait pas exception, et ses bergers constituent le pendant dépouillé de celle des mages ; mais ici, ces hommes avec leurs chapeaux et leurs instruments de musique sont ceux de la campagne vénitienne au temps de Bassano et non de la Béthléem antique, tout comme le village et les montagnes. Les figures sans charme incluent aussi la Vierge, au visage grave et fatigué, bien loin des madones de Venise ! Pourtant, Bassano ne néglige pas le sens de la composition et l’intensité des couleurs. Le jour se lève à peine et déjà les tissus des bergers et de la Sainte Famille font voir leurs jeux de plis creusés par la lumière. Le groupe des bergers lui-même s’organise dans un rythme limpide, à peine perturbé par Joseph en retrait : ils adoptent les poses les plus variées pour témoigner leur respect au nouveau-né et sa mère. Même l’architecture en ruines, dans son ordonnance encore noble, sert d’écrin à un Christ... minuscule ! À se demander si le sujet célèbre la naissance de Jésus ou la noblesse du berger...

De cette ambiance pastorale, on passe sans trop de heurts à une Fête champêtre, un thème bien plus complexe qu’il n’y paraît et récurrent chez les peintres vénitiens de la Renaissance. Il faut croire que le thème s’est diffusé hors de la Cité des Doges puisqu’il est ici développé par un maître bolonais, Il Mastelletta, ayant appris à peindre chez Annibal Carrache pour adopter une manière aux antipodes du classicisme épuré de cet artiste. Passées à travers le filtre de l’art émilien, souvent considéré comme plus naturaliste, les figures perdent en poésie ce qu’elles gagnent en véracité, avec toutefois une certaine inquiétude. Réunis autour d’un fleuve, ces personnages longilignes évoquent des silhouettes fantômatiques s’incarnant dans leurs drapés, aucune émotion ne transparaît sur ces visages flous, et les arbres eux-mêmes ajoutent une note bizarre à l’atmosphère. Une création irréelle au début du 17ème siècle, transition entre les paisibles concerts et les cauchemars morbides.

Paris Bordone, de nouveau : celui-là même qu’on découvrait dans une œuvre religieuse revient avec le Portrait d’une jeune femme, sensuelle au possible. La lumière semble même émaner de sa gorge découverte à en montrer un sein droit, et les charmes de sa chevelure ondoyante d’un blond proprement vénitien soulignent cette charge érotique. Qui est-elle ? Maîtresse, courtisane, allégorie ou simple modèle, on ne le saura : avant tout, une image de la beauté, nécessairement incarnée par une femme, telle une idée d’un autre monde prenant possession de l’enveloppe la plus charnelle, mais dont les yeux ne nous regardent pas. Une femme bien réelle toutefois, située devant un fond d’architecture, dont on devine la courbe des hanches par les sinuosités de son blanc drapé. Des vêtements qui disputent le graphisme du corps à la présence de la peinture, matérialisée par une certaine liberté de la touche dans le plissé des tissus ; habiles tissus, dévoilant à peine, suggérant plutôt. "L’art plus fort que la nature", telle fut la devise de Titien : son disciple, empruntant un type de représentation d’ailleurs chère à son maître, joue avec les Beautés idéale et réelle dans le monde de la Peinture.

Au contraire, là où on avait laissé Cambiaso peintre de Vénus, le voici représentant une scène inspirée de la Passion. Tirant son origine des icônes médiévales, Le Christ mort avec deux anges invite à une méditation sur le sacrifice du fils de Dieu et sa souffrance dans la chair. Le corps de Jésus est ici à peine meurtri, mais les plaies discrètes sur sa main et son côté nous prouvent que ce moment suspendu et nulle part est néanmoins après la crucifixion. Ce Christ monumental est éclairé par une bougie sur la gauche, faisant ressortir un torse et des bras sobrement traités : ni effusion de sang, ni musculature impressionante. Là tout est affaire de grands volumes, semblables à ceux des études dessinées de Cambiaso, qui parfois tendent à une géométrisation abstraite des corps. La mort se lit davantage sur le visage du Christ, d’un gris cadavérique. Après Léonard mais avant Caravage, Cambiaso exploite le potentiel expressif du clair-obscur, créant une atmosphère de profond recueillement sans négliger la force du réel.

Luca Cambiaso, Pietà - 96.7 ko
Luca Cambiaso, Pietà
Plume, encre et lavis sur papier 205,5x28,3 cm Milan, Biblioteca Ambrosiana

Titien, peintre de poésies

L’évènement par excellence de cette manifestation, qui en demeure le point fort et attire la majorité des visiteurs, est un petit tableau de Titien, à vrai dire le plus petit parmi ceux accrochés. Mais peu importe la taille de l’œuvre : on ne présente plus ce génial peintre, à l’origine d’une tradition picturale tenace en Europe (et a-t-elle vraiment disparu ?), imposant le règne de la couleur à des fins naturalistes et poétiques. Cette ambiguïté entre la vision et ce qu’elle suggère, un des traits principaux du style du grand vénitien, s’exprime avec bonheur dans cette œuvre, longtemps méconnue du fait de sa situation en collection privée.

Mais de quoi s’agit-il, au fait ? Avec les maîtres et leurs œuvres majeures, les lectures sont multiples, s’imbriquent souvent, contradictoires parfois. L’œuvre en elle-même est bien connue, puisqu’il s’agit de la copie autographe par Titien d’un de ses tableaux fort connus, Diane et Actéon, réalisé entre 1556 et 1559 et aujourd’hui conservé à Édimbourg. Le maître qui se copie ? En effet, l’atelier de Titien est de loin le plus important à Venise au milieu du XVIe siècle, et ses tableaux sont sans cesse demandés. La réputation de lenteur d’exécution de Titien n’étant pas usurpée, le maître déléguait alors de plus en plus la réalisation de certaines œuvres à ses élèves, et c’est pourquoi il existe encore actuellement plusieurs répliques d’une même œuvre de Titien, soit qu’elle ait été réalisée par le maître avec ou sans ses assistants, soit qu’elle soit entièrement issue de l’atelier. Mais, et c’est là tout l’intérêt du tableau de la galerie Canesso, cette réplique de Diane et Actéon est entièrement due au pinceau de Titien, très probablement pour servir à la création de répliques par ses élèves comme l’indiqueraient les dimensions très réduites de l’œuvre par rapport à l’original et les bandes latérales peu esthétiques (car il existe aussi des répliques d’atelier du tableau original !). Outre cela, la fidélité au tableau d’Édimbourg, et surtout la qualité évidente de l’ensemble permettent aux spécialistes de l’attribuer sans doute aucun à Titien, alors en pleine maturité artistique.

Dans les années 1550, Titien est peintre officiel des Hasbourg tout en restant attaché à la République de Venise. Accaparé par les commandes, il réussit néanmoins la prouesse de renouveler son talent fécond, en muant son style au contact notamment de l’art de Rome et de Michel-Ange. Les chefs-d’œuvre continuent à voir le jour sous son pinceau, qu’ils soient religieux ou profanes. Parmi ces derniers, une série de tableaux mythologiques, auquel se rattache Diane et Actéon, commandée par le roi d’Espagne Philippe II, est particulièrement remarquable : inspirés par Les Métamorphoses d’Ovide, ces tableaux mythologiques comptent parmi les plus connus et admirés de l’artiste, qu’il appella lui-même Poesie. Comprenez : Titien sublime le récit du poète latin, avec une peinture dominant n’importe quelle forme d’expression artistique dans sa force d’évocation, sa liberté de représentation et son génie optique. Qu’il représente d’abord Danaé à la chair mœlleuse contemplant Zeus changé en pluie d’or, puis Vénus et Adonis (parmi les premières Poesie, terminée en 1554) ou L’Enlèvement d’Europe (clôturant la série en 1562), la beauté féminine est exaltée, dans une variété de postures privilégiant toujours le charme d’un sein ou la courbe d’une hanche. Le fameux adage du poète latin Horace "Ut pictura Poesis", établissant un subtil parallèle entre les arts lyrique et pictural, trouve un écho chez Titien avec un certain "triomphe de la peinture".

Titien, Diane et Actéon - 67.3 ko
Titien, Diane et Actéon
Huile sur toile 184,5x202,2 cm 1556-1559 Édimbourg, National Gallery of Scotland (prêt du duc de Sutherland)

En l’occurence, que nous montre le peintre ? Diane était au bain en compagnie de ses nymphes dans quelque coin retiré en des temps mythiques, alors qu’Actéon partait à la chasse avec ses chiens, et une odieuse fatalité les rassemblait tous dans la stupeur et la crainte : Actéon devait alors être puni par Diane qui le changea en cerf, vite dévoré par ses chiens, mais ce n’est pas le déroulement narratif qui intéresse Titien. Le peintre désire faire montre de son talent, en employant les moyens les plus aboutis de son art. Mieux : par des effets alors jamais vus dans la peinture occidentale, il présage certains grands développements de la modernité.

Dans la rivalité du réel et de l’art, Titien impose la suprématie de la peinture : sa touche, toujours plus diluée dans une sensation optique, se surpasse dans les effets de reflets sur l’eau et dans le miroir, la transparence d’une carafe ou ces nuages vigoureusement brossés que des nuances de gris et de vert font anticiper sur le génie impressioniste. Le talent assure l’audace, à tel point qu’une certaine idée des arts plastiques est portée là à son paroxysme : une allégorie de la vision, où ce rideau cher aux baroques dissocie nettement, d’une part, l’espace d’Actéon et du spectateur et, d’autre part, celui de ces divinités dévoilées. L’infortuné Actéon est face à ce groupe de corps féminins dénudés, aux poses contrastées parfois invraisemblables et tirées d’une grande culture maniériste (les Poesie avaient joué sur les différents points de vue offerts par la vision d’un corps de femme nu, comme autant de variations musicales), mais Titien ajoute aussi une discrète allusion à la suite du récit avec ce funeste crâne que découvre en même temps le chasseur. Les charmes d’immortelles feront bientôt place à une mort infâme : autant saisir l’occasion fugace du spectacle de ces chairs vigoureuses, d’où une Diane inflexible émerge avec sa servante noire et son roquet menaçant : l’inventif vénitien donne à la plus chaste déesse des airs de courtisane !

Habitué aux succès, Titien savait qu’il prenait un grand risque en envoyant cette œuvre (ainsi qu’un pendant très proche, Diane et Callisto où la déesse punit cette fois une de ses nymphes violées par Jupiter, et une Mise au tombeau), destinée à Philippe II : le mécène avait bon goût et il apprécia le tableau "avant-gardiste" de son cher peintre. Conforté dans son tournant stylistique, Titien révolutionna davantage la peinture jusqu’à sa mort : dans la carrière du maître, Diane et Actéon est le parfait point de jonction entre sa "crise maniériste" caractérisée par des compositions et des couleurs plus hardies dues à Michel-Ange, et une ultime période, parfois dénommée "impressionisme magique", où la place du sujet est concurrencé par l’émergence d’une sensibilité nouvelle provoquée par cette manière vibrante de créer, où le résultat de l’action de peindre prend autant d’importance sur la toile achevée que la représentation elle-même. Car au-delà des traits propres à l’art de la Renaissance dans Diane et Actéon, tels le sujet mythologique ou le dépassement de la nature, Titien utilise le récit antique comme prétexte, où rarement le fait de voir et ses conséquences n’auront impliqué le spectateur. Le rideau est bien celui repris par des maîtres du XVIIe siècle, Poussin et Rembrandt pour les plus virtuoses ; il faudra surtout Picasso et ses Demoiselles d’Avignon en 1907 pour organiser une vision frontale voire provoquante de flagrantes nudités, cette fois sans mythologie et encore moins de commanditaire ! Toujours est-il que Picasso avait initialement prévu l’insertion de spectateurs dans son tableau : ascendance de Titien ?

La galerie Canesso mise évidemment moins sur la quantité des œuvres que sur leur qualité, toujours inattendue. Dans un intérieur sobre et avec un éclairage adéquat, elle réussit à présenter tout le potentiel esthétique de ces tableaux. Et si l’on est peu ou pas sensible à ces femmes aux formes pleines éloignées des actuels canons de beauté ou aux habituelles scènes historiques, on ne peut nier l’expérience rare provoquée par le tableau de Titien : la vision d’une poésie.

par Benjamin Couilleaux
Article mis en ligne le 15 octobre 2005

Informations pratiques :
- artistes : peintres d’Italie du nord du XVIe et du début du XVIIe siècles
- dates : du 28 septembre au 28 octobre 2005
- lieu : Galerie Canesso 25 rue Laffitte 75009 Paris (M° : station Richelieu-Drouot, ligne 8)
- horaires : du lundi au samedi, de 11 h à 18 h.

Site Web de la galerie Canesso, où il est possible de voir tous les tableaux présentés dans l’exposition et une Brève de la Tribune de l’Art sur ladite exposition.