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Giuseppe Penone, la croix et la matière

Exposition au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 23 août 2004

Dans les neuf salles de l’espace mezzanine de Beaubourg, lieu qui offre des parcours toujours passionnants (rappelez-vous les compositions monumentales et presque abstraites d’Andreas Gursky, les drames de la condition humaine de Nan Goldin,...), une rétrospective sur l’œuvre de Giuseppe Penone se révèle tout simplement incontournable.


Ce Piémontais d’un petit village perdu dans une jolie vallée, après de mornes études de comptabilité, vit intensément la révolution de l’Arte Povera aux cotés de Kounellis, de Giovanni Anselmo, Mario Merz ou d’Alighiero e Boetti, et devient un artiste majeur des trente dernières années. C’est le critique Germano Celant qui donne son nom au mouvement en intitulant une exposition qui se tient à Gênes en 1967 avec une appellation tirée d’une pratique théâtrale expérimentale (pensez à Pippo Delbono ou à la Societas Raffaelo Sanzio et vous comprendrez le sens d’expérimental en Italie). Refusant l’héritage des grands noms de l’histoire de l’art, cherchant une rupture (dans une perspective marxiste) avec l’art institutionnel et bourgeois, ces artistes revendiquent une logique critique de la société contemporaine. Non pas en utilisant des matériaux pauvres (comme on le suggère parfois) mais en posant une interdiction de moyens quant à la réalisation des œuvres et en insistant sur la richesse théorique sous-jacente. Par leurs références fréquentes à la nature, les artistes de l’Arte Povera participent pleinement à une réflexion sur la dialectique entre la nature et la culture.

Au sein de cette utopie contestataire qui cherche à revenir au naturel, Penone se distingue par son approche presque botanique de l’art. Son œuvre s’affiche soumise à - et complice de - la nature. La figure de l’arbre domine (vous le verrez vite au début de l’expo, c’est impressionnant). Les cernes de l’arbre remontent à son origine, l’arbre y renaît. Croissance, souffle, érosion, il va débusquer les veines de la matière au ciseau dans une recherche de fluide vital. Donnez-lui un galet au fond d’une rivière, il veut remonter le cours d’eau jusqu’à la naissance du ruisseau, haut dans la montagne. Certes, son œuvre est contemporaine de Beuys (dont la mystique chamanique est très hermétique pour ne pas dire ch...) ou du Land Art, mais son animisme relève d’une démarche toute autre : "Les objets de Beuys existent par rapport à ses performances. Bien sûr, elles étaient impressionnantes. Mais je veux que mes travaux tiennent tous seuls, qu’ils soient détachés de toute histoire."

S’il démarre avec des matériaux de pratiques « pauvres » ou conceptuelles, il s’ouvre vite sur une grande diversité de supports, du bronze à la pomme de terre en passant par le plâtre, le marbre de Carrare, les épines d’acacia, le verre, la paraffine, le bois. Sa démarche en quête d’empreintes (du corps, notamment avec des projections sur moulages extras, mais aussi du temps, du corps sur la nature) s’avère profondément sensuelle, tactile, parfois étouffante (vous comprendrez ce que je veux dire par là ; étonnant !) au point qu’on peut parler de « cécité tactile ». Le bronze, particulièrement, le séduit. Le résultat de son travail sur la matière apparaît comme "des gestes végétaux, comme si c’étaient des végétaux qui produisaient la sculpture." Il ajoute : "Si j’ai utilisé ce matériau c’est parce qu’il est une fossilisation idéale du végétal. Le bronze a ses racines dans une culture qui est l’animisme et je ne peux penser qu’elle ait utilisé des techniques qui n’étaient pas en liaison avec la brutalité de la nature. Enfin c’est un matériau qui, si on le laisse à l’extérieur, à toutes les intempéries, prend une oxydation dont l’aspect est très similaire à celui de la feuille ou du fût des arbres." Mais sa démarche vous surprendra plus loin, car au bois ou à la pierre, il ajoute un autre élément, tout aussi essentiel, la peau, "l’autre élément du contact" après le bois. Une oeuvre monumentale vous marquera certainement.

Un parcours entre émotions et réflexions qui devrait vous surprendre suffisamment ...pour y retourner accompagné(e) peut-être ?

NB : ne cherchez pas, il n’y aucune croix dans l’expo.

par Aurel
Article mis en ligne le 30 mai 2004

Informations pratiques :
 artiste : Giuseppe Pénone
 dates : jusqu’au 23 août 2004
 lieu : la Galerie Sud , niveau 1 - Beaubourg, Place George Pompidou, 75004 PARIS
 horaires : nocturne tous les jeudis jusqu’à 23h, Tous les jours de 11h à 21h - Fermé le mardi
 autres : GRENIER Catherine, Giuseppe Penone. Paris : éditions du Centre Pompidou. (308 p., 300 ill., 39,90euros, ISBN 2-84426-234-1)

Les photographies publiées ici ont été tirées du site Internet de l’exposition.