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Le Troisième Œil, la photographie et l’occulte

Exposition à la Maison Européenne de la Photographie à Paris du 3 novembre 2004 au 6 février 2005

La Maison Européenne de la Photographie, en association avec le Metropolitan Museum de New York, propose jusqu’au 6 février 2005 une exposition dont le sujet ne manquera pas d’étonner. Il s’agit en effet d’une exposition qui a pour but de présenter les liens entre la photographie et l’occulte. Les phénomènes de l’occulte (lévitations, apparitions, transfigurations, ectoplasmes, spectres, fantômes, auras et autres manifestations pour le moins surprenantes) ont été l’objet d’un engouement photographique à la fin du 19ème siècle. Des collectionneurs et des sociétés occultes ont conservé ces photographies comme autant de traces mystérieuses dont l’analyse demeure problématique.


La MEP a pris le parti d’exposer ces ensembles photographiques en leur donnant une structure historico-thématique qui sonne comme une première tentative de saisir et de « dompter » l’étrangeté de ce phénomène. L’exposition s’organise en trois parties :
  La photographie des esprits : Elle rassemble les productions de photographes qui, se présentant comme des médiums, se sont spécialisés à la fin du 19ème dans la représentation de manifestation de personnes défuntes (généralement sous la forme d’ectoplasmes brumeux flottant derrière le portrait de la personne ayant commandé la photographie). Ce courant photographique connaît un essor nouveau après la première guerre mondiale, les millions de morts devenant autant d’occasions commerciales pour des photographes dont la pratique semble souvent proche du charlatanisme.
  La photographie des fluides : Cette partie de l’exposition est extrêmement étrange. Elle est consacrée à la photographie, qui se veut scientifique, des fluides émanés par un individu (ces fluides pouvant être l’énergie vitale, l’âme, les émotions ou bien encore les rêves...). Ces expériences sont surprenantes et très touchantes dans la mesure où elles tentent désespérément de révéler les forces cachées de l’individu. Ce sont autant de tentatives de rationalisation et de compréhension des mouvements intimes de l’esprit par le support photographique.
  La photographie des mediums : Cette dernière partie est de loin la moins originale de l’exposition mais a pour intérêt de permettre sa remise en contexte. Il s’agit de photographies prises lors de séances de spiritisme qui se présentent comme des documents d’archives sur une pratique singulière. Ces photographies demeurent cependant étonnantes dans la mesure où elles sont le lieu de luttes d’influence pour « faire croire » ou au contraire « faire comprendre » les phénomènes de l’occulte.

L’exposition est fort opportunément présentée dans une semi-obscurité qui, en plus de protéger les document anciens, permet au public de réagir sans crainte aux photographies exposées. Le spectacle est avant tout dans la salle : l’obscurité entraîne presque machinalement un comportement quasi-religieux, silencieux et fasciné de la part des visiteurs. Ce comportement effacé est cependant régulièrement interrompu par les exclamations de spectateurs troublés et choqués par ces images. Il est très intéressant de constater combien toute photographie ayant un lien avec la mort ou un quelconque au-delà suscite la gêne et le désarroi chez le public. On rit très fort, on s’exclame offusqué, on appelle son voisin d’une voix forte et l’on retombe tout aussi brusquement dans le silence et l’attitude compassée initiale. Les explications détaillées sur les pratiques de l’occulte, les croyances qu’elles véhiculent et leur mise en regard systématique avec la description détaillée des moyens techniques mis en œuvre pour réaliser la supercherie photographique contribuent fortement au trouble du spectateur. Celui-ci navigue constamment entre incrédulité fascinée et déception raisonnée.

Il faut aller voir cette exposition très singulière : c’est une « curiosité » qui intrigue et renseigne sur les espoirs soulevés par le medium photographique à une époque encore très influencée par le romantisme. Mais visiter cette exposition nous enseigne également sur notre comportement actuel face à la mort et aux manifestations de l’irrationnel. La photographie, initialement perçue comme le medium qui rapporte « ce qui a été », n’en finit pas de troubler par sa capacité à représenter physiquement l’imaginaire et les rêves des photographes.

par Judith Matharan
Article mis en ligne le 3 janvier 2005

Informations pratiques :
 artiste : collectif
 dates : 3 novembre au 6 février 2005
 lieu : Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy - 75004 Paris (métro : Saint Paul ou Pont Marie. Bus : 67, 69, 96 ou 76. Parkings Publics : Parc Baudoyer, Parc Pont Marie, Parc Lobau)
 horaires : ouvert tous les jours de 11 heures à 20 heures, sauf les lundis, mardis et jours fériés. Accès à la billetterie jusqu’à 19 heures 30.
 tarifs : plein tarif : 6 euros, demi-tarif : 3 euros
 renseignements : téléphone : (33) 1 44 78 75 00, fax : (33) 1 44 78 75 15 et site Internet de la MEP d’où proviennent les images.