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Louise Bourgeois

Exposition au Palais de Tokyo à Paris du 17 octobre au 24 novembre 2002

De retour au pays de son enfance, Louise Bourgeois, la mamie star de l’art contemporain, plonge dans ses souvenirs pour faire de « la recherche et de l’expérimentation », pour reprendre les termes que le Palais de Tokyo revendique pour les artistes qu’il présente. Un retour en enfance et en fanfare (avec affiches sur les murs du métro) bien peu surprenant cependant, et qui ne tient pas toutes ses promesses. Comme quoi on n’arrive pas toujours à faire du neuf avec des vieux.


Louise Bourgeois agace, Louise Bourgeois choque, Louise Bourgeois séduit, en tous cas, elle réussit. Cette américaine d’origine française, aujourd’hui âgée de 91 ans a depuis longtemps construit son succès international autour d’un univers bâti autour d’événements récurrents. Obsessionnel, celui-ci met en scène des formes organiques souvent obscènes, crues ou cruelles. Ses objets, ses sculptures sont des « fétiches » : bien au-delà des catégories habituelles et des distinctions entre abstraction et figuration, Louise Bourgeois reprend et répète, explore et réexpérimente sans fin le traumatisme de son enfance. « Ce n’est pas une image que je recherche, dit-elle. Ce n’est pas une idée. C’est une émotion qu’on veut recréer, une émotion de désir, de don et de destruction. »

La duchesse Bourgeois est donc au Palais de Tokyo où sont aménagées des installations qui ne dérogent pas à son habitude, puisqu’elles sont directement inspirées de son enfance. Au premier étage du Palais, sa voix chevrotante entonne les comptines de cette période clé, qui est l’horizon de référence obsessif de son œuvre. Un instant attendri par ces chansonnettes, le visiteur est pourtant bien perplexe devant le reste du travail exposé. Dans le salon de l’artiste, reconstitué pour l’occasion, comme devant les pièces de l’exposition, on ne sait trop que faire ou que penser de ce qui nous est présenté : véritable travail nouveau et expérimental ou pseudo-création faite avec des fonds de tiroir ? sincère volonté d’ébullition ou auto-célébration ? On penche plutôt pour les solutions les plus pessimistes : beaucoup des pièces présentées usent de ficelles largement exploitées par l’artiste dans ses œuvres précédentes, et le salon ne semble là que pour nous dire ce que le reste peine à faire sentir : Louise aime les jeunes, elle est dans le présent, dans l’actualité, dans l’expérimental, elle innove : Louise, la Bourgeois-bohème.

Ceux que tout cela n’aura pas convaincus (ils seront nombreux) pourront tout de même aller jeter un œil sur le film de Brigitte Cornand consacré à l’artiste. Bien réalisé, il offre une vision plus complète et bien construite du travail de Louise Bourgeois. Ce lot de consolation ne saurait cependant faire oublier le reste d’une exposition, vraiment peu enthousiasmante. Étrange et troublant paradoxe : de retour sur les terres d’une enfance qui l’a continuellement inspirée, Louise Bourgeois ne se montre pas vraiment inspirante. Bien moins en tous cas que lors de la dernière Documenta de Kassel, où son travail était à la fois plus abouti et plus percutant. Ce ne sera donc pas cette fois que Louise deviendra prophète au pays de(s) Bourgeois .

par Xavier Domino
Article mis en ligne le 21 octobre 2002

Informations pratiques :
 artiste : Louise Bourgeois
 dates : du 17 octobre 2002 au 24 novembre 2002
 lieu : Palais de Tokyo, Paris