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Playlist

Exposition au Palais de Tokyo à Paris du 12 février au 25 avril 2004

Au sein du lieu destructuré qu’est le Palais de Tokyo, le visiteur va à la rencontre de formes artistiques atypiques conceptuelles qui laissent bien souvent perplexe. L’exposition Playlist ne faillit pas à cette règle.


Bertrand Lavier - 2.8 ko
Bertrand Lavier

Playlist est une réunion « d’artistes qui travaillent avec des produits culturels davantage qu’avec des matières premières. Ces pratiques de postproduction répondent au chaos proliférant de la culture globale ». On en conclut que l’exposition met en scène des produits culturels. C’est ce que l’on constate : fausses bibliothèques de Clegg et Guttmann recouvertes de photos de rayonnages, amusant et parlant mur généalogique du rock de Dave Muller. Nicolas Bourriaud, qui a réuni la vingtaine d’artistes exposée, précise dans le catalogue de l’exposition, que l’artiste est le « navigateur d’un champ chaotique infini » et que nous sommes « bombardés de donnée s’accumulant à une vitesse exponentielle ».

John Armeleder - 3.2 ko
John Armeleder

L’exposition est placée sous le sceau de l’accumulation, comme le montre Jacques André et son accumulation du livre de Jenny Rubin, Do it, et la collection de livres sur la piraterie de Saâdane Afif. L’artiste accumule et met en scène des produits culturels. Vague impression de déjà vu avec les Nouveaux Réalistes. Vague impression aussi d’être plongé dans la Poubelle d’Arman (1972), avec l’installation de Bjarne Melgaard (vieux mouchoirs, détritus en tout genre). L’impression de « ce « déjà vu » qui est un critère malhonnête de lecture d’une déjà vu » doit être mise de côté car il est facile de reprocher oeuvre. La reprise d’un concept éculé tend seulement à faire perdre un peu de sa force à l’œuvre. Les premières œuvres de Daniel Spoerri ont étonné. Les œuvres du même genre, difficilement compréhensibles d’un point de vue esthétique, laissent plus froid car le message est déjà passé. On le comprend : nous sommes submergés par un flot d’informations que nous avons du mal à traiter, d’où cette accumulation, accompagnée de pertes.

Original d’une couverture d’un roman à l’eau de rose sur les Nurses - 19.5 ko
Original d’une couverture d’un roman à l’eau de rose sur les Nurses

Quel est le statut donné à ce produit culturel exposé ? L’appropriation de l’œuvre d’autrui est fréquente en art. Pauline Fondevila colle sur sa toile une image de pochette du Velvet Underground and Nico, Rémy Markowitsh donne à voir et à écouter des lectures de Bouvard et Pécuchet de Flaubert, archétype du roman d’apprentissage. Allant plus loin dans l’appropriation, les artistes copient. Bruno Peinado reproduit élégamment les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune (1497-1543) avec des panneaux de bois façon marqueterie. Bertrand Lavier reprend avec des néons une œuvre de Frank Stella. Rien de très anormal : Picasso a bien repris les Ménines de Velazquez.

Richard Prince, Nurse d’après la couverture d’un roman à l’eau de rose - 2.4 ko
Richard Prince, Nurse d’après la couverture d’un roman à l’eau de rose

Réduire le produit culturel à un objet de consommation pouvant être mis en scène, faire du produit culturel sur du produit culturel, en faisant dialoguer les œuvres entre elles, pourquoi pas. Cependant, une tendance globale de notre époque est le repliement sur soi. On se met en scène, le produit culturel se met en scène et le visiteur se trouve coincé dans cette mise en abyme. Les artistes présents sont plus des iconographes que des artistes au sens commun du terme, comme le reconnaît Anne Frémy, qui s’emparent aléatoirement de quelques morceaux du ruban informationnel et culturel qui passe inlassablement et de plus en plus rapidement devant eux. Chantre d’un certain malaise de l’homme dans la société actuelle, qui présente un flot d’information ingérable, l’exposition se fait l’écho des gémissements de deux dernières décennies poussés par un homme qui doit accepter de ne pas pouvoir saisir le monde dans son ensemble. L’image d’Épinal de Pic de la Mirandole poursuit l’homme. Mais l’homme a-t-il pu déjà saisir le monde dans son ensemble ? Ce questionnement renvoie sans doute à un âge d’or qui n’a jamais existé. Les questionnements sur la multiplicité des informations qui noient l’humain sont-ils réellement constructifs ? À travers une apparence de dénonciation, l’exposition déconstruit finalement, ou ne construit rien tout au moins.Las des nombreuses réflexions sur le positionnement de l’homme par rapport à l’art et par rapport à la culture qui poussent à l’immobilisme, le visiteur apprécie certaines pièces, comprend le message mais finalement repart sur sa faim.

À titre liminaire, il faut mentionner l’œuvre de Richard Prince d’une facture plus classique et plus esthétique que la majorité des autres œuvres présentes. Deux « toiles » sont présentées : Danger Nurse at Work et Island Nurse. Les produits culturels mis en scène sont les couvertures de romans à l’eau de rose. Les deux produits culturels nouvellement crées dépersonnalisent, sur fond rouge, les visages des infirmières en donnant une orientation impressionniste à la composition qui associe peinture acrylique et impression numérique. Très léger flou, images surannées d’une Amérique d’un autre temps, l’exposition Playlist vaut au moins le détour pour ces deux images.

par Aurore Rubio
Article mis en ligne le 26 mars 2004

Informations pratiques :
 artiste : Saadane Afif, Jacques André, John Armleder, Carol Bove, Angela Bulloch, Cercle Ramo Nash, Clegg et Guttmann, Sam Durant, Pauline Fondevila, Bertrand Lavier, Rémy Markowitsh, Bjarne Melgaard, Jonathan Monk, Dave Muller, Bruno Peinado, Richard Prince, Allen
 dates : du 12 février 2004 au 25 avril 2004
 lieu : Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson 75116 PARIS, métro Iéna-Alma Marceau, tél : 01 47 23 54 01 fax : 01 47 20 15 31
 tarifs : tarif plein 6 euros réduit 4 euros.

*Lien vers la liste des artistes et des oeuvres

Le Palais de Tokyo

nota bene : si vous tentez d’ouvrir le lien du Palais de Tokyo et si rien ne s’ouvre, c’est que vous avez un killer de pop’up, le site du Palais de Tokyo ayant eu la bonne idée d’utiliser des pop’up à foison.

*actualité des artistes de Playlist :
 Bertrand Lavier, jusqu’au 29 mai 2004, à la Galerie Yvon Lambert Galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille-du-Temple, Paris 3ème tél : 01 42 71 09 33, du mardi au samedi de 14h à 19h, entrée libre.
 Bruno Peinado à la Foire de Bâle (du 16 au 20 juin)sur le stand 0/1. La liste ouvre ses portes chaque jour de 13h à 21h jusqu’au dimanche 20 juin. Pour tout renseignement concernant la Foire, c’est ici
 Bruno Peinado dans Perpetuum Mobile jusqu’au 22 août 2004 au palais de Tokyo Palais de Tokyo, 13 av du Président-Wilson, Paris 16e, 01 47 23 38 86. Tlj sf lundi de midi à minuit ; 5 €, tarif réduit 3