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Le jeu de rôle

Un divertissement subversif ?

Jouissant d’une audience confidentielle, le jeu de rôle est régulièrement évoqué par les médias comme un objet ludique mal identifié, voire dangereux pour la santé mentale de ses pratiquants. Pourtant, sous ses nombreuses formes, il rassemble de nombreux participants sans histoire.


Qu’est-ce que le jeu de rôle ?

Il se décline sous diverses formes. La principale est le jeu de rôle d’aventures fantastiques (JRAF) qui se pratique en groupe, autour d’une table, de quelques verres et de quoi grignoter. La séance est présidée par le maître du jeu (MJ) qui est entourré par les participant (PJ pour personnages joueurs). Le MJ orchestre les débats, génère l’aventure, et déploie un sénario où s’épanouissent les PJ.(JPEG) Afin de régler les interactions entre les désirs des joueurs d’accomplir des actions et les contraintes matérielles du monde, chaque joueur est défini par un ensemble de caractéristiques physiques et mentales chiffrées, qui permettent de résoudre les actions à l’aide de dés. Les résultats aléatoires de ceux-ci représentent le hasard dans le monde. Ces paramètres chiffrés sont gérés et interprétés diversements en fonction du système de jeu choisi par les joueurs pour environner leur partie. Les plus fameux sont ADD(Advanced Dongeons and Dragons), JRTM (Le jeu de rôle des terres du milieu) ou encore Star Wars (dans l’univers des films de George Lucas). On peut aussi recenser le fameux Appel de Cthulhu insipiré des univers de Lovecraft. D’une manière générale, on constate qu’il n’est pas un univers propice à l’évasion qui ne se soit trouvé adapté en Jeu de Rôle. On peut ainsi mentionner Buffy rpg qui reprend l’univers de la série TV, ou encore Saint Seiya rpg qui se déroule dans le monde inventé par le mangaka Kurumada Masami.

Mais le Jeu de Rôle s’est aussi incarné dans de gigantesques parties, regroupant de grands nombres de participants pour un week-end ou plus, dans un château ou un bois isolé. Les joueurs s’intègrent alors dans une partie grandeur nature, et s’évadent plus pleinnement, car le jeu traditionnel se déroule uniquement autour d’une table.

On peut aussi mentionner les jeux de plateau, plus propres aux simulations militaires qu’aux véritables jeux de rôle, car l’incarnation du personnage y est souvent limitée. Dans cette catégorie on peut mentionner le jeu Hero Quest qui connût un grand succès.

Les jeux vidéos se sont aussi emparés des jeux de rôles. D’une part, on rencontre des jeux comme Baldur’s Gate, NeverWinter Nights, Diablo ou encore le vieux Daggerfall auquel a succédé l’actuel Morrowind. Ce sont des interfaces où l’intervention du joueur est nécessairement limitée, et donc toujours plus frustrante que celles possibles dans un JRAF traditionnel. Avec l’internet haut débit, les licences de jeux de rôle en ligne se sont multipliées : le fameux Everquest ou encore Camelot, qui réunissent d’importantes communautés de joueurs en ligne ont eu leur part de succès. (BMP) Il y a aussi eu des tentatives de jeux de cartes basés sur les jeux de rôles, comme Magic l’assemblée, qui simule un duel de sorciers opposants leurs armées. Dans le domaine des jeux de cartes, on peut aussi mentionner le très amusant Elixir, dont le concept est particulièrement intéressant. Il se détache de la pure représentativité des cartes afin de réintroduire le joueur dans la partie, imposant à celui-ci de participer physiquement. Une expérience ludique qui va bien au-delà du concept, finalement banal, du duel de cartes.

Le fondement du jeu de rôle

L’héroïc-fantasy est ce qui sert généralement de décors au jeu de rôle est fondée sur l’inventivité et la libération de l’imaginaire, de manière à susciter des mondes tissés d’imaginaire. Le jeu de rôle cherche à explorer les pistes ouvertes par les romans et autres histoires, généralement fantastiques et imaginaires, pour permettre aux joueurs d’investir ces univers et d’y vivre des aventures. (JPEG) Le truchement du MJ est donc un élément plus que primordial dans la partie. C’est lui donne le la, et son talent est important pour imprégner réalisme et profondeur dans le jeu. C’est en effet lui qui va préparer l’intrigue, puis gérer la progression des joueurs dans l’univers qu’il développe.

Le système de jeu est prévu afin d’assister le MJ et les PJ a sentir les contours de ce monde où ils évoluent. En effet, celui-ci n’existe que dans leur imagination. En effet, malgré le secours de figurines ou de plans, seule la capacité à se représenter les situations permet véritablement de s’imprégner de l’atmosphère d’une partie.

Le "Roleplay" correspond à l’interprétation du personnage imaginaire par le joueur. Les participants prennent en première presonne la parole pour donner vie à leur personnage. Cet exercice relève de l’interprétation théâtrale. C’est un moment fort, indispensable pour l’ambiance de la partie. Il permet au joueur de s’épanouir dans la personnalité qu’il veut développer au travers du jeu.

La nécessité de se représenter l’univers dans lequel évoluent tous les joueurs donne une grande importance aux références culturelles communes. C’est ce qui donne l’unité à la partie. Bien souvent, les participants choisissent un univers pour lequel ils ont une passion commune. Le support préféré des Rôlistes est sans conteste l’univers médiéval fantastique, dérivé de Conan le Barbare ou du Seigneur des Anneaux. Aujourd’hui, de nombreuses oeuvres sont proches des univers développés dans les jeux de rôle, et les inspirent autant qu’elles peuvent recevoir un intérêt de la part des joueurs. Ainsi, les Chroniques de la Lune Noire baignent dans une ambiance apparentée au jeu de rôle. On peut aussi évoquer le scénariste de la BD De Cape et de Crocs, qui reconnaît devoir au jeu de rôle sa rigueur dans la construction de ses histoires.

Quelques repères sommaires sur les systèmes de Jeu de Rôle

La grande référence qui domine le monde du Jeu de Rôle reste le fameux Dongeons and Dragons de Gary Gigax. Ce jeu, pierre angulaire du genre médiéval-fantastique, se veut inspiré du Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien. De fait, il en retient surtout l’aventure, la magie et les batailles, et nullement la subtilité et la finesse. Dongeons and Dragons s’est transformé en Advanced Dongeons and Dragons (ADD), puis chaque version du jeu à compté plusieurs évolutions qui cherchaient à parfaire le système. L’ambiance reste toutefois toujours la même : des mondes innondés de magie, et un système qui fait la part belle au combat. Taxé de favoriser la propention aux parties sans relief par ses détracteurs, Dongeons and Dragons compte ses farouches partisants qui vantent les possibilités variées du jeu. Adulé ou décrié, ce système demeure cependant une référence pour le monde du Jeu de Rôle, et il a inspiré de nombreuses autres créations. Au nombre de celles-ci, l’univers de Lodoss au Japon, ou encore la saga Baldur’s Gate en RPG sur PC.

On peut aussi mentionner un autre système de jeu, tout aussi controversé : Rolemaster, qui fait le bonheur des adeptes des chiffres et de la complexité. Il présente également l’avantage de pouvoir aisément se moduler entre de nombreux univers. Sa plus fameuse adaptation s’est faite pour l’univers du Seingeur des Anneaux sous la forme du fameux jeu de rôle de la terre du milieu(JRTM). Cependant, celui-ci s’avère aussi incapable que D&D de saisir toute la subtilité d’Arda. Le jeu qui, à cette heure, semble le plus aboutit dans ce domaine, est amateur. Il s’agit de Tiers Age.

Dans l’histoire des systèmes de jeu, il est impossible de négliger BASIC qui se veut un système universel sur lequel peuvent venir se greffer tous les univers imaginables. Il est le concurrent du D20 system de D&D, qui est en train de se propager parmis les fameux univers. Ainsi, toujours à propos du Star Wars, un jeu en D20 system a été lancé, qui remplace l’ancien et très populaire système fondé sur l’utilisation de D6 (dés à six faces). Au Japon, le Jeu de Rôle est perçu comme un produit dérivé supplémentaire, nouvelle occasion de tester un univers déjà décliné en film, jeu vidéo, manga ou animé. Le système est moins important que de jouer dans l’univers concerné, aussi le système BASIC y connaît-il un grand succès. (JPEG) En France, on peut mentionner le rôle important joué par le jeu l’oeil noir. De système simple, il a permis à de très nombreux joueurs de s’initier avant d’aller vers d’autres jeux plus ambitieux. On peut également mentionner la mode des Livres dont vous êtes le héros. Ceux-ci n’étaient pas à proprement parler des jeux de rôle, mais ils préfiguraient de manière très ammoindrie ce que pouvait être l’expérience d’incarner un personnage dans un monde fantastique. D’ailleurs, dans cette collection fut éditée le jeu de rôle Les Terres de Légende, de conception simple comme l’oeil noir, il a joué un rôle initiateur important.

Les univers développés par White Wolf tiennent également une grande place. Il s’agit d’une gamme de jeux qui se déroulent dans le monde contemporain, et où les joueurs incarnent des forces esotériques diverses, sous le couvert du secret. Les deux grands piliers de la gamme sont Vampire, la masquarade et Loup Garrou. Ces différents jeux sont parfaitement compatibles entre eux, et permettent de faire des Cross Over [1]

Jeu de rôle amateur et internet

Avec la démocratisation d’internet, les communautés de rôlistes ont pu se développer, et échanger entre elles leurs diverses expériences, conceptions du jeu, ou encore les suppléments personnels qu’elles avaient apportés aux systèmes utilisés. Ce qui, autrefois, ne pouvait se réaliser que par le truchement de clubs associatifs, se déroule à présent sur le net, à grande échelle.

Ainsi, un site comme le SDEN rassemble de très nombreuses ressources, les développe, et permet aux rôlistes d’échanger. Le forum de la fédération française de jeux de rôle joue également un rôle important dans la conception et la diffusion de jeux amateurs. Par exemple, plusieurs personnes réfléchissent autour d’une possibilité de création de licence de jeu libre, similaire dans le principe à la licence GNU informatique.

On peut aussi recensser des fora de jeux de rôle, où les parties se déroulent au fil des messages. Ou encore des parties par mail. Bref, le jeu de rôle a investit internet pour son plus grand plaisir, et trouve sur la toile des perspectives que sa mauvaise réputation lui aurait sans doute bouchées sans cela.

Controverses diverses

Il y a quelques années, les jeux de rôle avaient été vilipendés par l’opinion publique, comme dangereux pour la jeunesse, sensés pousser leurs participants à la confusion mentale avec le personnage qu’ils incarnent dans la partie. On peut y répondre qu’il y a des déséquilibrés partout, et que certaines activités ne leurs conviennent pas. Ainsi, la pratique des jeux de rôle devrait être déconseillée à ceux qui confondent dangereusement réalité et monde imaginaire. (JPEG) Le jeu de rôle n’est pas un divertissement comme un autre. Il a un pouvoir suggestif très puissant sur l’imaginaire, et autorise une identification poussée entre l’individu et ses doubles dans les parties du jeu. C’est à la fois un moyen de se libérer le temps d’une partie des soucis du quotidien, d’autant plus puissant qu’il peut renforcer certaines tendences à vouloir fuir le réel. Le jeu de rôle à l’excès peut être une forme de drogue. Ce n’est cependant pas une caractéristique du jeu de rôle, mais plutôt un prétexte que vont saisir des gens mal dans leur peau pour s’évader.

A plus d’un titre, le jeu de rôle est un exercice formateur. D’une part, il sollicite l’imaginaire, le poussant à susciter des mondes cohérent, nourris par le fantastique, mais qui ne sombrent pas pour autant dans le n’importe quoi. D’autre part, il exige que ses participants s’adaptent à de nouvelles logiques, ou encore à s’affirment par la prise de parole et l’interprétation d’une personnalité différente de la leur. Le jeu de rôle ne demande pas tant de débrider son immaginaire que de le contrôler. Il exige de la rigueur et de la minutie dans la préparation. Il demande aussi une importante concentration en cours de partie, ainsi qu’une grande écoute vis à vis des autres joueurs, afin de saisir l’ambiance et d’être réactif. A bien des égards, donc, le jeu de rôle s’affirme comme un exercice riche, et formateur pour l’imaginaire.


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Bibliographie indicative

le site de la Fédération Française de Jeu de Rôle, site qui propose de nombreuses ressources, annuaires, calendrier d’évènements. Il présente aussi son jeu d’initiation Rêves, et est adjoint d’un forum assez riche.

le site de l’elfe noir (SDEN), repaire qui propose un très grand nombre de ressources diverses pour de très nombreux systèmes de jeu, qu’ils soient amateurs ou professionnels.

La Vouivre, un annuaire des Jeux de Rôle.

Imaginez.net, un site dédié au conte de fée. Il propose en particulier un Jeu de Rôle amateur Conte de fées, ainsi que de nombreuses ressources, dont de très riches définitions et présentations du Jeu de Rôle.

La cour d’Obéron fédère une importante communauté et héberge des jeux amateurs aussi prestigieux que Tiers Age.


par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 12 septembre 2004

[1] Cross Over : partie de Jeu de Rôle qui mélange plusieurs univers.