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Les héros de Captain Tsubasa

Analyse de Nankatsu

Le succès de Captain Tsubasa, comme de beaucoup de manga, ou encore de séries TV, est en grande partie liée à l’intérêt que le public prend pour les destins individuels des différents acteurs. L’objet de cet article est de dissèquer les aspects de la personnalité des différents héros, et de comprendre ce qui en fait le charme.


Cet article porte sur Tsubasa Ozhora, le héros de la série, Sanae, sa petite amie et ses premiers partenaires de club que sont Ryô Ichizaki et Tarô Misaki.

Tsubasa Ozhora, héros sans peur et sans reproche.

Il est le personnage autour duquel tourne toute la saga. Il incarne la figure du héros à plusieurs niveaux. Dans l’optique des mangas, il appartient à cette catégorie de héros peu charismatiques, qui finissent toujours par l’emporter contre l’adversité en se rattachant à leur volonté.

(JPEG)Ce qui caractérise principalement Tsubasa, et qui le rend supérieur à tous les autres personnages du manga, c’est sans conteste sa soif de victoires. Il est moins puissant que Hyuga et moins technique que Misugi, mais il parvient tout de même à les vaincre grâce à sa force d’âme. Cependant, on peut notre qu’il est doté d’un autre atout en matière de football : sa capacité à "voler" leurs techniques de dribbles et de tirs aux autres joueurs. En peu de temps, il reproduit la "catapulte infernale" des frères Tachibana, ou le Slide Shoot de Pierre Alcide. Incarnant la figure du héros, il est aussi doué d’un grand charisme de capitaine, capable de remotiver son équipe dans les coups durs. Finalement, il est une sorte de joueur parfait, doué à la fois du mental, de la capacité de faire aussi bien que tous ses adversaires, et du charisme du capitaine. Il n’est donc pas étonnant qu’il gagne tous ses matchs, concédant au mieux le match nul ! Il est l’incarnation de l’esprit du nekketsu, qui valoriser à la fois l’amitié, le dévouement aux autres (Tsubasa est prêt à mettre sa santé en danger pour donner la victoire à son équipe) et par-dessus tout le dépassement de soi. Non seulement Tsubasa n’a de cesse de progresser, mais encore il pousse son entourrage à se dépasser dans son sillage.

Mais au final, il est sans doute l’un des joueurs de la série les moins intéressants. Héros qui capte tous les regards, ainsi que les attentions de l’auteur, il est sans faille. C’est ce côté qui le rend peu attachant, car presque inhumain dans sa boulimie de victoires. Le match où il se montre le plus intéressant est sans doute celui contre Musashi, l’équipe du talentueux Jun Misugi, lequel souffre d’une maladie de coeur. Tsubasa est alors traversé par le doute, et il ne parvient pas à se battre à fond. Devenant faillible, il attire enfin la sympathie. Dans Captain Tsubasa World Youth, Takahashi parvient une nouvelle fois à rendre son héros moins parfait, et donc plus attachant. Lors du duel entre Tsubasa et Carlos Santana, on constate que ce dernier est nettement supérieur dans tous les domaines au jeune japonais, qui doit se battre avec hargne, et en s’appuyant sur toute son équipe pour l’emporter. C’est seulement à ce prix que le parangon du héros parfait qu’est Tsubasa peut devenir attachant !

Les qualités humaines de Tsubasa résident surtout dans sa capacité de meneur d’hommes. Sinon, il est un garçon gentil, poli, et qui aime beaucoup le football. Autant dire qu’il n’a pas de personnalité très profonde. S’il parvient à se rendre attachant comme footballeur, Tsubasa n’est certainement pas un personnage fédérateur de par sa personnalité. Il est froid et désincarné. Cependant, c’est sans doute cet aspect mécanique du personnage qui permet à l’auteur de développer des individus séduisants autour du héros. Si Tsubasa se démarquait par autre chose que le football, les autres acteurs n’existeraient que peu. Or, comme Tsubasa accapare tout ce qui a trait au football (ses coéquipiers ne sont rien sans lui dès lors qu’ils ont intégré son équipe, même si auparavant ils pouvaient être valables) tout l’humain est rejeté sur eux.

Graphiquement, Tsubasa est dessiné sans réelle originalité. Peu à peu, on voit son corps s’étoffer et ses jambes s’allonger au fur et à mesure qu’il vieillit, mais son visage reste identique. Sa coiffure souffre du syndrôme "cheveux de San Goku" c’est à dire qu’elle ne bouge quasiement pas, non seulement avec le temps, mais aussi lors de ses déplacements, ou même pendant les matchs où elle reste très sage. Il n’a pas non plus d’excentricité particulière dans sa tenue ou son look, finalement, c’est un héros très classique. Takahashi dit s’être inspiré des joueurs qui dominaient le football des années 80 pour composer les personnages de son manga, et de tous, il dit que Maradona était le plus spectaculaire. Cependant, en dehors de leur formidable capacité à éliminer sur un dribble ou à marquer des buts, le personnage de fiction et le footballeur n’ont aucune ressemblance.

Sanae, une certaine image de l’idéal féminin... hum...

(JPEG)Au début de la série, elle apparait comme un garçon manquée, amie des joueurs de l’équipe de Nankatsu. Elle tombe sous le charme de Tsubasa qui manie si bien le ballon. Lors du tournoi benjamin, elle dirige l’équipe des supporters. Par la suite, elle devient responsable de l’encadrement de l’équipe, mais peu à peu se féminise et devient plus séduisante. Alors qu’elle clamait à qui voulait l’entendre son amour pour Tsubasa, elle se fait plus discrète, même si tous savent ce qu’elle ressent. Le couple Tsubasa-Sanae existe dans les esprits bien avant de se concrétiser dans la vie. D’ailleurs cette histoire d’amour est esquissée superficiellement, et résolue en peu de temps dans le dernier volume de la série, juste après le tournoi en France.

Même si par la suite, Sanae réapparait dans World Youth Hen et Road to 2002, elle n’est jamais que la fille amoureuse du héros, qui supporte passionnément son équipe. On peut y voir la femme parfaite du footballeur. Lors du début de la World Youth Hen, on a l’occasion de voir qu’elle ne peut s’épanouir dans la vie qu’en encourageant Tsubasa. D’autre part, celui-ci s’intéresse peu à elle, plus occupé à durcir son entraînement et à remporter des compétition. L’attachement et l’amour que Sanae lui portent confinent parfois au masochisme. Pourtant, Sanae est en quelque sorte la "femme idéale" dévouée à son champion. Elle manque de personnalité, et semble vivre au travers des exploits de Tsubasa, elle l’attend alors qu’il est au Brésil pendant de longues années, et ne donne jamais son avis sur le choix de la destination pour tel ou tel club. On peut regretter que le principal pôle féminin de la série soit ainsi représenté, mais c’est sans doute aussi une certaine image de la femme idéale qu’on pouvait encore avoir au Japon dans les années 80. D’ailleurs, les relations amoureuses, si elles sont esquissées dans le manga, ne sont jamais très complexes (pas de déchirant triangle, ou alors il n’est que de convenance, lorsque Kanda tente de séduire Sanae donnant à Tsubasa l’occasion de se déclarer). Cette existence, pas véritablement développée, mais toutefois réelle, contribue à donner l’impression que le football est ce qui est véritablement important dans la vie des personnages.

Tarô Misaki, le héros au regard si doux

(JPEG)C’est sans doute l’un des personnages les plus attachants de la série. Il se distingue par sa grande douceur, qui n’exclut cependant pas qu’il soit combatif et acharné sur le terrain. C’est le fils d’un peintre, qui se promène à travers tout le Japon sans jamais se fixer. Misaki se fait des amis à chaque halte, mais la seule relation durable qu’il peut entretenir est celle qu’il a avec le ballon de football. C’est un joueur très technique, qui tout de suite parvient à bien s’entendre avec Tsubasa. La complémentarité des deux joueurs est à l’origine de la première victoire dans le tournoi benjamin, puis de la renaissance de l’équipe nationale japonaise lors du tournoi en France, face à l’Italie. Durant la finale de la World Youth Hen, c’est l’entrée en jeu de Misaki qui fait sauter le verrou mis en place par Roberto Hongo pour neutraliser Tsubasa. Il est à la fois le coéquipier et l’ami idéal du héros, sorte de parfait bras-droit, qui tend à ne plus exister qu’au travers du héros. C’est d’ailleur ce trait qui lui est reproché par Gamô, l’entraineur de l’équipe nationale junior. Son profil est de jouer au milieu de terrain, devant le but, il n’a pas de véritable tir, et il marque donc généralement en combinaison avec Tsubasa, même s’il va mettre au point le Boomrang Shoot, frappe très brossée, afin de pouvoir toujours rivaliser avec le plus haut niveau. Takahashi l’a footballistiquement pensé dans la lignée des grands meneurs de jeu, apte à délivrer de très bonnes passes. Comme il citait Maradonna et Platini comme ses idoles, on peut penser que si Maradona est le modèle footballistique de Tsubasa, Platini est celui de Misaki. D’ailleurs, suite au tournoi benjamin, Misaki suit son père en France, où il vit pendant trois années, et il ne réintègre l’équipe nationale que lors du tournoi de Paris, afin d’en découdre avec Pierre le capitaine français.

Son caractère est altruiste, et son jeu de passes se retrouve dans sa personnalité. Plusieurs fois, il se demande s’il ne doit pas sortir parce qu’il handicape ses partenaires, ou alors ne pas jouer car il n’aurait pas le niveau. Il est très apprécié de tous, car il a joué avec la plupart des autres joueurs de la série avant de rejoindre l’équipe de Nankatsu. Ce caractère lui vaut beaucoup de suffrages, et une grande popularité auprès des fans de la série. Il est en effet à la fois plus complexe que son héros d’ami, et en même temps plus friable psychologiquement, ce qui le rend au final très attachant.

(JPEG)Graphiquement, ses traits son doux, et son regard est très ouvert (même pour un personnage de manga) ce qui contribue à renforcer l’impression de douceur et de gentillesse qui se dégage de lui. Il n’a pas un très gros gabarit, et lorsque sa croissance est achevée, il reste plus petit que Tsubasa.

Dans l’échelle des puissances et la hiérarchie des personnages, Misaki jouit d’un statut à part. Lors du tournoi en France, il peut tenir tête à Pierre qui joue dans les plus grands clubs français, alors que lui n’a plus pratiqué en club depuis trois années. De même, aucun joueur ne peut prétendre le vaincre systématiquement dans un affrontement direct. Il est l’un des seuls principaux joueurs à ne jamais s’être directement confronté avec Tsubasa, et tout laisse supposer qu’il s’agirait alors d’un duel terrible. D’ailleurs, juste avant l’ouverture du tournoi des collèges, Tsubasa avoue que Misaki est le joueur qu’il redouterait le plus de croiser sur sa route.

Ryô Ichizaki, à force d’en vouloir !

Alors que Misaki est l’ami qui est aussi doué que le héros, Ichizaki est l’ami qui a nettement moins de talent. Au début de la série, il est l’attaquant et le capitaine de l’équipe de Nankatsu, mais avec l’arrivée de Tsubasa il passe naturellement en défense. C’est un élément combatif, qui a le sens du sacrifice, au point d’opposer son visage et son corps aux tirs les plus dévastateurs. Alors qu’il n’a pas de talent technique particulier, il ne démord pas d’aimer le football au moins autant que Tsubasa, et son abnégation lui permet d’intégrer l’équipe nationale japonaise, puis d’y occuper une place de titulaire. C’est même lui qui réalise un sauvetage miraculeux à la dernière seconde du match contre l’Argentine, permettant ainsi à son équipe de se qualifier. Son rôle dans la galaxie Tsubasa est un peu particulier. En effet, son talent ne lui permet pas de s’intégrer dans les duels décisifs, car son rôle est généralement celui du joueur qui se fait dribbler, ou perd le ballon, quand il ne marque pas contre son camp (même si à quelques occasions, il se trouve avoir un rôle décisif et gratifiant, justifiant sa place en équipe nationale). Il est en quelque sorte le bouffon qui sert à donner le liant dans cette bande de compétiteurs acharnés et volontaires.

Graphiquement, sa coiffure de bonze met en exergue son sens du sacrifice. Il a un visage rond, qui sied à son rôle de comique de service.

Au travers des personnages qui gravitent autour de Tsubasa, on peut s’apercevoir que le héros a le nekketsu contagieux. Même Sanae qui ne joue pas au foot est poussée à se dépasser... Ce manga est véritablement l’aboutissement du genre.

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 4 août 2004

Mangaka : Takahashi Yoichi

Editeur (France) : J’ai Lu manga

Nombre de volumes :

Captain Tsubasa : 37

World Youth Hen : 18

Road to 2002 : en cours de publication