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Les mystérieuses cités d’or

A la poursuite de l’Eldorado.

Des quatre coins de l’Europe, de gigantesques voiliers partent à la conquête du nouveau monde. À bord de ces navires des hommes avides de rêve, d’aventure et d’espace, à la recherche de la fortune. Qui n’a jamais rêvé de ces mondes souterrains, de ces mers lointaines peuplées de légendes ? Ou d’une richesse soudaine qui se conquerrait au détour d’un chemin de la cordillère des Andes ? Qui n’a jamais souhaité voir le soleil souverain guider ses pas, au coeur du pays inca, vers la richesse et l’histoire des mystérieuses Cités d’Or ?


(JPEG)La mode est aux Albator, Goldorak et autres Capitaine Flam, quand le 28 septembre 1983, une série sensiblement différente envahit les écrans : Les mystérieuses cités d’or dont les héros sont trois enfants, rusés et persévérants, bien éloignés de la force et de l’ardeur belliqueuse des héros qui leur disputent l’écran. Cette différence de caractère et de profil entre des anime qui connaissent une succès simultané, et auprès du même public, n’est pas anodine.

La genèse

C’est l’union entre la NHK (chaine publique japonaise) et RTL qui va financer et produire le projet, donc la réalisation est française. Celle-ci est confiée à MK production, au studio Pierrot et à D.I.C.

Dans cette équipe, on rencontre deux grands noms de l’animation française : Jean Chalopin et Bernard Deyriès. Le premier a travaillé en particulier sur Inspecteur Gadget, Jayce et les conquérants de la Lumière, il est aussi le fondateur de D.I.C. France, qui a depuis émigré aux Etats-Unis. Le second, Bernard Deyriès, est le co-scénariste et réalisateur de la série. Ce duo n’en est plus à son coup d’essai, puisqu’ils ont déjà oeuvré de conceert sur un autre grand succès de cette époque, premier exemple des très belles réalisations franco-nippones : Ulysse 31

La série se compose de 39 épisodes de 28 minutes, un format assez long, et sont suivis de courts documentaires de 3 à 5 minutes, destinés à faire découvrir au jeune public les civilisations d’Amérique du sud et les conquistadores, réalisés par la NHK.

(JPEG)L’un des gros points forts de la série furent ses musiques, superbes, soutenant l’action et l’émotion. En cela on trouve l’influence de l’animation japonaise où la bande-son véhicule le sens souvent autant, voire plus, que les dialogues ou les actes. Elle est l’oeuvre de Haim Saban et Shuky Levy, qui ont signé les musiques de toutes les productions D.I.C., mais qui ont aussi produit (hélas) des séries comme les Power Rangers... Le 33 tours des musiques sortit en vente en 1984, évènement rare pour une musique de dessin animé, qui témoigne bien de la qualité de celle-ci.

Le dessin

Il subit certes l’influence japonaise, comme c’était le cas pour Ulysse 31 et d’autres productions françaises de l’époque. Cependant, on peut constaer que les auteurs ont su imposer leur vision. Un détail en particulier rompt avec le Japon : les yeux des personnages ne sont pas surdimensionés comme c’est le cas dans les mangas. En outre, les costumes et les armes sont présentés de manière réaliste, alors que le style japonais aime à les figurer futuristes ou redisignés.

L’animation est de grande qualité, fluide, même si les vues et les présentations révèlent que la série a déjà bien vieilli par rapport aux animés actuels.

Une mention spéciale est à décerner aux couleurs, qui sont vives, souvent avec de belles teintes chaudes qui contribuent à faire vivre le décors tour à tour arride et luxuriant de l’Amérique du sud.

A la poursuite des rêves : un périple initiatique classique

C’est celle d’Esteban, pilier du trio des héros. Il s’embarque sur l’Esperanza, qui rellie Séville aux Amériques, en compagnie du cynique Mendoza, pilote du navire, avide de mettre la main sur le trésor des Incas. Il pense que le médaillon d’Esteban lui permettra de l’atteindre. Zia, jeune Inca, puis Tao, l’enfant héritier du peuple de Mû (équivalent sud-américain de l’Atlantide) rejoignent ensuite la quête.

(JPEG)Il s’agit de trouver les légendaires cités d’or, construites par le peuple de Mû, qui jouissait d’une technologie très avancée avant sa disparition. Bien sûr, les obstacles sont nombreux sur la route qui conduit aux cités perdues, à commencer par Mendoza, ou les conquistadores qui cherchent tout à mettre la main sur les villes faites d’or.

C’est l’alliance entre les médaillons d’Esteban et de Zia ainsi que la science de Tao qui permet aux héros de résoudre les épreuves et obstacles disposés en travers de leur route. Les circonstances, leur courage et d’inattendus alliés sont évidemment de la partie. Ils découvriront également un légendaire condor façonné dans l’or pur, qui peut s’élever dans le ciel en captant l’énergie du soleil. C’est le fruit de la technologie de Mû, qui repose sur l’utilisation de cette source d’énergie écologique (la peuve indéniable de leur avance scientifique). D’autres artefacts de cette origine, comme un énorme navire, parsèment la route des héros.

La quête s’achève évidemment par la découverte d’une des cités légendaires, et le mystère des origines d’Esteban est résolu dans le même temps. La résolution s’ouvre vers le départ du condor dans le ciel, vers la prochaine cité.

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Mythe et légende : un conte didactique ?

Le moteur des mystérieuses cités d’or n’est pas le combat : Il n’est pas le classique affrontement entre le héros (Albator, Actarus) et ses ennemis, débouchant vers un duel final (Albator contre l’armada des Sylvidres sur fond de chevauchée des Walkyries) qui oppose le bien et le mal. Ici, les héros progressent en résolvant des énigmes, des mystères ou en rusant avec leurs adversaires. Il s’agit d’un voyage initiatique à travers un monde légendaire.

(JPEG)L’univers est à lui seul un acteur de l’histoire. Il évolue depuis un cadre réel, quasi-historique (on relève toutefois un bon paquet de petites approximations) qui est celui de l’établissement de la conquête espagnole en Amérique du sud, vers un univers de plus en plus porté vers l’imaginaire et le fantastique avec l’introduction de la technologie de Mû, les Olmèques et les vestiges sensés être ceux du pays des Mayas. La musique, qui mélange les instruments anciens avec des arrangements au synthétiseur reflète bien ce glissement du monde historique vers un univers irréel et rêvé.

(JPEG)Le manichéisme, de rigueur dans les oeuvres pour jeune public est certes présent, le bien étant incarné par les enfants, purs et coupés de leur passé (Esteban orphelin, Tao dernier membre de sa civilisation) qui réagissent dans ce monde étrange avec le regard de l’innocence. Cela leur permet d’ailleurs de compter sur l’aide des Indiens, qui s’opposent à leurs poursuivants. Les adversaires n’incarnent par contre pas nécessairement le mal. Mendoza est un personnage a priori hostile à Esteban, mais à chaque fois qu’il se trouve pris entre son intérêt et sauver les enfants, il finit toujours par revenir vers eux - ce qu’il fait en se persuadant qu’il sert ses fins et non les leurs - au point qu’il finit par être assimilé au groupe des "bons" avec ses deux comparses maladroits mais généreux. Les Espagnols, principaux adversaires de la première partie du voyage n’incarnent pourtant pas "le mal", car ils sont touchants avec leurs bourdes et leurs maladresse, ressort comique de plusieurs passages. Si "le mal" finit par intervenir, c’est sous la forme des Olmèques, les véritables adversaires dans la quête des cités d’or, qui n’ont pas visage humain, mais un faciès voisin de celui de l’extra-terrestre de Rosewell.

Plus qu’un combat entre forces opposées de bien et du mal, il s’agit d’une quête initiatique. Le but est bien évidemment d’atteindre les cités d’or, mais c’est aussi une recherche d’eux-même qu’effectuent ces trois enfants sans racines. Le périple s’achève par la rencontre (inconsciente) entre Esteban et son père. Mendoza, qui passe d’un visage cynique et intéressé à la figure du héros généreux, apprend lui aussi à s’accepter pour ce qu’il est : un homme bon et non pas uniquement un aventurier vénal.

Les héros, qui sont des enfants jeunes, ressemblent à leur public (de l’époque) et en cela, ils sont radicalement différents des Actarus ou Albator, jeunes hommes qui ont déjà accumulé le savoir et le courage qui fait d’eux des héros. Les protagonistes des cités d’or ne sont pas des surhommes, mais les semblables des enfants.

(JPEG)Les ressorts des cités d’or sont les mêmes que ceux des contes pour enfant : ce sont des modèles que l’on peut imiter et non des paragons impossibles à rejoindre qui sont les héros. En outre, l’itinéraire, qui conduit du monde réel où les enfants-héros sont contrains par les adultes à les suivre, ou à travailler pour eux, vers le monde rêvé des derniers épisodes, où les enfants s’envolent pour un ciel libre, symbolise bien l’affranchissement à l’oeuvre pour les héros à travers la libération de leur imaginaire. Les cités d’or peuvent donc se regarder comme un itinéraire balisé vers le rêve et ses effets libérateurs.

Loin d’être pour autant une oeuvre inoubliable, les mystérieuses cités d’or méritent cependant d’être considérées comme une oeuvre à la fois divertissante et instructive. Elle peut aujourd’hui se regarder à trois degrés : pour en suivre l’histoire, mouvementée et amusante, comme un divertissement intelligent pour les enfants, et comme une madeleine proustienne pour replonger dans le temps de l’enfance pour les jeunes adultes qui avaient assisté à la diffusion initiale de 1983.

Les cités d’or, suite... ?

Un projet de suite est actuellement à l’étude. En effet, les héros n’ont découvert que la première des cités d’or. Il serait question de partir vers le Japon où se trouverait la seconde. Pour tout savoir sur ce projet de suite, consultez ce lien (ou ses mises à jours sur le site visé).

Cependant, une telle entreprise est controversée, et les fans de la série sont loin d’adhérer à l’idée de voir l’intrigue se déplacer vers d’autres lieux. L’imaginaire collectif a ancré les cités d’or en Amérique du Sud, et on comprendrait mal ce départ. En outre, l’oeuvre est construite et refermée, et la suite risque d’arriver comme un "remake" qui n’aurait plus la magie des débuts.


Pour en savoir plus, évadez-vous vers ce sitedédié à ce merveilleux univers !

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 20 août 2004