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Entretien avec le rédacteur en chef du site Mangajima

L’île au manga !

Alors que Mangajima, l’un des principaux sites dédiés au manga et à la culture japonaise va lancer un magazine papier, Artelio a rencontré le rédacteur en chef et pilier de ce média.


Rencontre avec Cédric Grenier (Gloinn), concepteur et graphiste de Mangajima.com, ainsi que rédacteur en chef du magazine Mangajima dont le premier numéro est à venir. Fan du Japon depuis longtemps grâce au Club Dorothée et à l’avènement des jeux vidéos. L’arrivée des manga a été un déclic, devenant la passion qui le prennait le plus à coeur.


Bonjour, qu’est-ce qui a fait naître Mangajima sur la toile ?

(JPEG)Le nom de domaine « Mangajima » a été acheté en avril 2000. A la base, le site était une « commande » de mon entreprise. Ils étaient en charge d’un site portail communautaire sur la montagne et voulaient incuber de nombreux autres sites sur des tas de sujets variés. Comme j’étais le graphiste de la boîte, j’ai proposé un site sur les manga et ça avait été accepté. A l’époque il n’existait RIEN de ressemblant à MJ. Les actus se trouvaient sur les newsgroups, et les articles de fond étaient très rares. On était encore au balbutiement du net avec énormément de « site perso ». Donc lorsque nous sommes arrivés sur le net, c’était vraiment une nouvelle forme, jusqu’alors réservée aux professionnels. On a voulu se positionner comme un gros site de référence, en inventant le principe de fiche (qui avait pour but d’être exhaustif à l’époque) et en insérant des rubriques « En direct du Japon » plus une page actualités mises « régulièrement » à jour.

Comment le site a-t-il évolué depuis ?

Le site a pas mal continué sur cette lancée jusqu’à ce que tout le monde fasse pareil. Comme on aime pas énormément faire ce que tout le monde fait, on a fait une pause de 4 mois pour re dynamiser un peu le site. On a donc mis l’accent sur le côté rédactionnel ainsi que sur les rubriques rigolotes qu’on ne peut pas voir ailleurs (récemment on a fait « King of Mangajima » , c’était assez marrant à faire ^^). Depuis peu, on a développé la page ACTU pour en faire un blog « indépendant ». Il y a selon nous, deux sites dans le site. La page Actu et les articles de fond, le webzine.

Qui travaille sur le site ? Comment sont organisés les sorties, les choix de sujets à traiter, etc... ?

Les rédacteurs de Mangajima se situent tous dans la tranche 20-30 ans. On préfère assurer une certaine « maturité rédactionnelle ». On a deux rédacteurs qui ont déjà un travail fixe et qui écrivent les week-end ou le soir en sortant du boulot. Ou bien, l’essentiel de la rédaction, des étudiants en Fac/licences/maîtrise. Certains sont venus d’eux même, proposer leur aide pour le site tandis que la plupart ont été remarqué sur notre forum ou sur des mailing liste.

Ce sont tous des gens qui font Mangajima quand ils ont le temps et l’envie. Il n’y a AUCUNE obligation. Je voulais que Mangajima soit avant tout une équipe. Qu’il y ait un esprit qu’on ne retrouve pas ailleurs. Donc les articles ne sont pas distribués, ça commence sur la Mailing Liste interne avec une personne qui dit « tiens j’ai lu tel manga, j’aime bien, je vais faire un article ». Pas besoin de validation, tout le monde est totalement libre. J’ai toujours pensé que pour qu’un travail soit bien fait, il faut que les gens puissent s’y épanouir. On a tous un boulot ou des études contraignantes, c’était donc important que Mangajima soit une récréation pour chacun d’entre nous plutôt qu’un fardeau supplémentaire.

Quelle est la spécificité de Mangajima, à vos propre yeux, par rapport à d’autres sites ?

(JPEG)Aujourd’hui je pense que notre page actualités est extrêmement travaillée par rapport à nos confrères. Beaucoup de recherches, beaucoup d’infos. Ensuite je pense que le fait que Mangajima ne soit pas tout automatisé apporte beaucoup au graphisme. On est plus libre de faire ce qu’on veut visuellement. Ce qui donne des articles de fond plus facile à lire sur un écran. Ce n’est pas une « bête » masse de texte. Après il ne faut pas oublier une ambiance que je trouve géniale ^^ on s’amuse beaucoup et on a créé un lien avec nos lecteurs. On informe en divertissant. On s’en sort plutôt pas mal, les sites d’aujourd’hui sont tous sur le même moule et il est difficile de trouver des choses les différenciant. Je pense qu’on a réussi à apporter notre patte personnelle.

A quel public destinez-vous le site ?

On ne se pose pas vraiment la question en fin de compte. On écrit pour nous et pour nos lecteurs. Vu que nous sommes sur internet, on doit très certainement intéresser les fans purs et durs de manga avides d’informations au jour le jour. Nos fiches, j’espère, attirent un lectorat plus débutant. En tout cas, on n’intéresse plus du tout les gens qui cherchent des images, des mp3 et autres wallpaper. On s’est concentré sur l’information.

I’ll tient une place particulière sur le site : pourquoi ? Est-ce parce que Mangajima s’occupe de la traduction en français pour Tonkam ?

Oui et non. I’ll avait déjà une place particulière avant même que Glénat ne l’arrête. En fait nous avions découvert ce manga en réalisant sa fiche (à l’époque la librairie Glénat de la Part Dieu à Lyon nous prêtait des manga pour les chroniquer) et nous étions rapidement devenus fans. Ensuite un contact à Glénat nous avait parlé d’un éventuel arrêt de la série pour cause de mauvais résultat. On a donc tout fait pour mettre en avant ce titre pour tenter de le sauver. Glénat l’a stoppé tout de même, on a donc décidé de traduire la suite à leur place (avec les scans téléchargeables sur le site). C’est là je crois que Mangajima s’est fait connaître. Près de 5 mois après le lancement officiel. Lorsqu’on a découvert que Tonkam s’intéressait à ce titre, on a postulé au poste de traducteur. C’est « juste » notre coup de cœur. Avant Mangajima, David avait fait un site énorme sur Evangelion, tandis que moi je m’étais concentré sur I’’s. C’est dans nos anciennes habitudes de zoomer sur un titre en particulier.

A propos d’I"S, certains lecteurs dénigrent la série à cause du fan-service qui y abonde, et disent que ce genre de titre vient conforter une certaine presse dans sa critique facile du manga, qu’en pensez-vous ?

Il est vrai que le côté petite culotte de I’’s fait partie intégrante de l’œuvre, c’est certain que cela aide la presse qui cherche à diaboliser le phénomène. Mais de toute manière, lorsqu’un journaliste veut arriver à une conclusion, il y arrivera. Utiliser I’’s, Love Hina, GTO ou n’importe quel autre manga ne change pas grand chose. I’’s est comme n’importe quel titre, il ne fait pas l’unanimité. Le « fan service » dégoutte certains et en attire d’autres.

(JPEG)Personnellement, je me fiche de l’avis de la presse ou des étiquettes que peuvent avoir certains titres. Même si I’’s est loin d’être le meilleur manga du monde, il est celui qui m’a donné l’envie de créer mon premier site perso (deux ans avant que la VF ne soit dispo). Chacun possède son titre plus ou moins nostalgique ^^

Avez-vous joué un rôle dans d’autres adaptations de mangas ou d’animés en France ?

Pas vraiment non. Actuellement, David traduit un manga pour Panini mais c’est tout. Il est très difficile d’intégrer le microcosme du manga en France. Ca se joue énormément au relationnel, chose qu’on avait longtemps négligé.

Quels sont les rapports entre Mangajima et les différents éditeurs ou distributeurs français ? Comment ces relations se sont-elles établies ?

Etrangement, malgré qu’on soit arrivé sur le net avant d’autres sites, nos rapports avec les éditeurs sont TRES récents. En 2000, je les avais tous contactés mais les services presses et autres échanges avec des sites internet ne se faisaient pas. On a donc continué notre petit bonhomme de chemin tout seuls et récemment on s’est rendu compte que bon nombre de site bossaient avec les éditeurs. On a donc repris contact. Ce n’est vraiment pas facile parce que même si on est « connu », on passait aux yeux des éditeurs pour un énième site d’informations qui venait demander des mangas gratuits. Après, la création du magazine change aussi la donne. On joue sur deux medias différents et cela modifie évidemment le travail et l’intérêt des éditeurs.

Est-ce que l’avis de Mangajima peut peser suffisamment pour orienter un éditeur, ou le pousser à faire évoluer sa politique ?

(JPEG)Absolument pas. Je crois qu’aucun site internet ne peut le faire. Tout n’est qu’un concours de circonstances ou uniquement basé sur le relationnel. Par exemple pour I’ll, on avait un pied à terre à Tonkam et on avait réussi à insister pour que les onomatopées ne soient pas traduites. Mais c’est tout. Et puis ce n’est pas notre vocation première non plus.

Cette interview est réalisée dans le cadre d’un dossier sur "Manga et Japanimation, phénomène de société ?", quelle réponse apporteriez-vous à cette question ?

Avant d’être passionné par les manga, j’étais passionné par les jeux vidéos. A l’époque on se posait également cette question. Il y avait des débats, des invités qui disaient que ce n’était qu’un phénomène de mode. Je pense que pour les manga c’est la même chose. Les gens pensaient que c’était un phénomène de mode et actuellement la consommation de ce genre de produit est entré dans les mœurs. C’est un marché qui en était à ses balbutiements y a 3-4 ans et qui aujourd’hui prend de la maturité. Pour moi la réponse ça serait « Manga et Japanimation, nouveau marché de consommation et de divertissement ». Bientôt, comme les jeux vidéos, on ne se posera plus la question. Ca fera partie du paysage de consommation habituel.

Quels sont les titres manga les plus appréciés par la team de Mangajima ? et pourquoi ?

Difficile de faire l’unanimité dans une équipe mais pourtant on a quelques titres comme ça :
- Nana qui a réussi à charmer tout le monde tant par ses dessins que par sa narration
- 20th Century Boys qui tient en haleine bon nombre de nos rédacteurs. Urusawa a vraiment créé une histoire exaltante.
- I’ll évidemment. C’est un shônen de sport qui n’a rien du « simple shônen ». C’est très profond, très touchant et très drôle.

Même question pour les animés ?

Now and then, here and there a beaucoup plu par son côté dur et novateur. Il y a les classiques Evangelion et Cowboy Bebop. Et certains coups de cœur personnels comme One Piece, FLCL, Master Keaton, Kino no Tabi. Mais il est plus difficile de faire ressortir quelques titres. Je crois qu’aucun d’entre eux n’a fait l’unanimité. Et il faut dire qu’on est plus consommateurs de manga que d’anime.

La Japan-Expo approche, quelle est l’importance de cet évènement pour le public de manga et de japanime ?

(JPEG)Je pense que c’est une occasion de pouvoir se retrouver dans un univers entièrement lié à sa passion. Pendant 3 jours on est totalement coupés du monde, entourés de stands très japonisant. Ca dépayse et ça amuse. Les animations sont nombreuses et les gens viennent là pour se changer les idées. En plus Japan Expo tombe après les partiels. C’est sûrement une bonne occasion pour tous les étudiants de décompresser. Et avec internet, c’est souvent l’occasion pour les communautés jusqu’alors virtuelles de passer le pas et de se rencontrer « dans la real life » comme dirait Jean Claude Vandamme :)

Mangajima sera présent à la Japan-Expo ?

Oui mais en coulisse. On y va pour bosser, faire un peu de promo pour le futur magazine. Pour le moment on a rien à montrer donc nous n’aurons pas de stand, ça sera pour la prochaine ^^

Katsura sera présent à la Japan-Expo, mais il se dit qu’il n’accordera d’interview qu’à la presse généraliste, et pas à la presse et aux médias spécialistes de mangas. Qu’en pensez-vous ?

Ah ?! Je ne savais pas ça. Je pense néanmoins que certains magazines spécialisés arriveront sûrement à avoir une interview. C’est peut être un peu frustrant pour les fans qui doivent se sentir dépossédés de LEUR phénomène, mais ça permet également de faire connaître notre passion à un autre public. Jusqu’à présent le manga vivait d’un public qui venait vers lui. Aujourd’hui il faut que le manga aille vers le public, qu’il aille toucher des gens qui ne s’y seraient pas intéressés d’eux même. Si on parle de Katsura dans Libération, c’est plutôt une bonne chose pour le manga. Mettons la frustration de côté et mettons en avant les côtés positifs de tout ça.

Enfin, vous avez annoncé la sortie de "Mangajima le magazine" en kiosque. Sera-t-il un reflet du site adapté en papier, ou présentera-t-il des originalités marquantes ?

MangajimaG (comme on l’appelle en coulisse) sera un reflet papier du site DONC il présentera des originalités marquantes ^^. Comme on l’habitude de le dire aux gens qui nous demandent « qu’est ce que vous allez apporter ? » : on ne va pas créer un magazine si c’est juste pour copier ce qui existe déjà. On pense qu’on a des choses à amener, on en a amené un peu sur le net, on va continuer dans cette optique.

Comment est né le projet de passer du support internet au support papier ?

C’est simplement un rêve qui se concrétise. On nous a proposé d’intégrer un magazine en gestation l’an dernier mais le projet n’est finalement pas arrivé à son terme. On s’est alors dit que c’était peut être à nous de mener à bien ce projet. On avait plein d’idées pour se démarquer il aurait été dommage de ne pas en profiter. J’avais le temps de me lancer dans l’aventure et donc j’ai commencé à étudier tout ça.

Et quels sont les objectifs du magazine ? En terme d’audience, de public visé ?

Il y a tout un tas d’objectifs. Concrétiser un rêve. Etre lu à plus grande échelle. Faire quelque chose de nouveau. Réussir à vivre de sa passion. Pratiquer un métier qu’on a toujours admiré. Le public cible sera assez large. On ne veut pas faire un produit qui n’intéresserait que les puristes ni un produit uniquement pour les nouveaux consommateurs de manga. On va allier les deux. Parler aux gens fraîchement débarqués dans cet univers via quelques rubriques à leur portée, continuer en leur présentant les classiques et terminer en mettant en avant des manga plus originaux sur lesquels ils reviendront sûrement plus tard. Une chose est sûre, ça ne sera pas que de l’info brute. Mangajima sera un magazine divertissant.

Merci

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 28 juin 2004

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