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Saint Seiya aux Enfers : le Meikaï Hen

Que soient voués aux gémonies les auteurs de cette farce ! Après plus d’une année d’attentes et d’intenses spéculations, la montagne accouche d’une souris. La suite de l’adaptation animée du dernier développement du manga consacré au combat des saints d’Athéna contre Hadès, avait suscité un grand enthousiasme au vu de sa magnifique première partie, le Junikyû-Hen, ou chapitre des douze temples. Les désillusions n’en sont que plus grandes au vu de cette suite pour le moins commune.


(JPEG) Le chapitre des douze temples s’achevait au printemps 2003, dans l’effondrement spectaculaire du château d’Hadès, et sur un suspens insoutenable pour qui n’allait pas étancher sa curiosité sur le devenir des héros par la lecture du manga. Mais plus que les aventures des protagonistes, la forte impression laissée par ces treize premières OAV s’expliquait par une réalisation d’une qualité rare, débouchant sur une ambiance prenante, qui mélangeait, comme jamais, à l’esprit de courage et d’exaltation qui irrigue traditionnellement Saint Seiya, une sourde mélancolie articulée autour du geste désespéré des saints d’Athéna revenus du royaume des morts. Il s’agissait là de la partie la plus intense du manga, et c’est sans doute la plus réussie, esthétiquement autant que scénaristiquement, qu’il ait été donné de voir à l’écran. Seules les solitudes désolées d’Asgard pouvant ambitionner de rivaliser avec cette bataille tout à la fois épique et amère.

Aussi, la suite, le chapitre des enfers, était-elle vivement attendue, chacun souhaitant que se prolonge ce ravissement. Repoussée par la sortie du film Tenkaï-Hen Josô, elle arrivait enfin au début de l’année 2006. Les spéculations sur le nombre d’OAV et le format de ces aventures n’étaient pas pour autant refermées, puisque de janvier à mars, ce ne furent que six OAV, révélées par couples, qui furent distillées par la télévision japonaise. D’abord supposées durer quarante minutes, elles s’avèrent n’être que la première partie du Meikaï-Hen, dont la suite pourrait intervenir en septembre (source). Il est également question d’un film, le sixième dans l’univers Saint Seiya, qui mettrait en scène le combat final des saints dans l’Elysion.

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Reste qu’à cette heure, six nouvelles OAV de vingt minutes (et non quarante) sont venues s’ajouter aux précédentes, avec qui elles sont sans comparaison. Ce qui ressort avant tout est la pauvreté de leur réalisation, une utilisation de la musique généralement à contretemps, malgré quelques réussites épisodiques, et une animation proche du ridicule sur certaines scènes. Le point le plus noir de ce bilan est sans conteste la réalisation des OAV. La raison, pour autant qu’on puisse la deviner à partir des rumeurs et informations qu’égrenne l’Internet, est l’éviction du réalisateur du Junikyû Hen, ainsi qu’une conséquente diminution du budget. La Toei ayant visiblement revu ses ambitions à la baisse suite à un succès mitigé du film Tenkaï Hen - Josô. Le travail est ici bâclé, sans aucune montée d’émotion ou presque. Il est en effet plus aisé de lister les moments réussis que les ratés. Au crédit de ces OAV, donc, une très belle arrivée d’Ikki du Phénix dans le dernier épisode, et une introduction d’Orphée tout à fait satisfaisante. Le personnage d’Hadès est également bien mis en scène. Tout le reste est aussi dispensable que la propension de ces OAV à montrer des personnages qui courent en donnant l’impression d’être assis !

(JPEG) Quant à la musique de Yokohama Seiji, elle est d’un piètre secours. Mais l’utilisation globale de la bande-son mérite qu’on l’examine rapidement, car elle est très révélatrice de l’absence de soin apportée à la réalisation de ces OAV. Le générique d’ouverture, déjà, est dans l’esprit de celui de la série Poséidon, torchée en quinze épisodes, qui est sans conteste la plus dépourvue de personnalité de la centaine d’épisodes de Saint Seiya, et sans véritable intérêt. On retrouve une musique soutenue par une rythmique vaguement "dance", avec des balayages sur les saints d’Athéna et leurs attaques, entrecoupés de gros plans sur d’autres protagonistes, amis ou ennemis. Infiniment dispensable, surtout au regard de la merveille que constituait le générique du Junikyû Hen. Au cours des épisodes, la musique est également très mal distillée. Certes, quelques bonnes utilisations des musiques originales dans les premiers dénotaient une volonté de renouer avec l’esprit de la série TV. Mais par la suite, les mélodies sont utilisées à contretemps, occultées par leur manque de présence (on pense ici au duel entre Orphée et Pharaon) ou simplement absente. Le plan où l’on découvre Seiya, vaincu, pris dans les glaces du Cocyte est exemplaire de cette mauvaise gestion de la bande-son, puisqu’elle est totalement absente, alors qu’on l’attendrait pour soutenir la construction des émotions du personnage, dans cet instant triste. Il ne reste pour se consoler que l’agréable et très jolie chanson qui referme les épisodes... hélas agrémentée simplement de quelques images de ce qui a précédé, et nullement d’un véritable générique. Bref, le travail a été bâclé.

(JPEG) Et cet amer constat que l’on ne peut manquer de porter sur cette courte série de six OAV, est d’autant plus difficile qu’il y avait un grand potentiel à ce stade des Enfers. De bons réalisateurs et scénaristes auraient pu s’enrichir des failles et légèretés nombreuses du scénario original pour proposer, dans la veine du Junikyû Hen, une bataille palpitante. D’autant que les ennemis, les décors et les situations riches ne manquaient pas, et présentaient l’avantage d’être dépouillés de la redondante linéarité des premiers arcs de Saint Seiya.

Cette suite ne sert finalement qu’à ternir la belle épopée du Junikyû Hen, qui se serait peut-être finalement d’autant plus érigé en référence qu’il serait resté sans les lendemains qu’appelaient son scénario. Mieux vaut le phantasme d’une suite inexistante qu’un produit aussi bâclé que celui sorti récemment.

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 11 avril 2006

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