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Les Oeuvres poétiques de Louise Labé

La poésie de la Belle Cordière n’a cessé de recueillir l’admiration du plus grand nombre. Avec une œuvre poétique ramassée en vingt-quatre sonnets et trois élégies, Louise Labé apparaît comme l’élément féminin incontournable de la Renaissance littéraire du 16ème siècle.


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Louise Labé

Viscéralement liée au destin de la ville de Lyon, Louise Labé naît au moment où la ville s’éveille à la prospérité économique (1524) et meurt avec le déclin de la ville, ravagée par une expédition protestante et par la peste (1566). Issue d’une famille d’artisans cordiers aisée, Louise Labé reçoit une éducation humaniste à l’italienne. Sa tête est bien pleine : elle excelle dans la pratique des langues antiques (latin) et étrangères (italien), elle joue du luth comme une professionnelle et elle est l’une des personnalités centrales des salons littéraires lyonnais du 16ème siècle. Son corps est bien fait : comme le montrent ses poèmes et ses biographes, Louise Labé s’adonne à l’équitation et aux jeux d’armes.

Par ses œuvres poétiques, Louise Labé fait figure de pionnière. Avant elle et en même temps qu’elle, peu de femme se lancent dans l’écriture. Hormis Christine de Pisan, considérée comme la première féministe, deux cents avant Louise Labé, on trouve essentiellement Pernette de Guillet, lyonnaise contemporaine de Louise, pour s’essayer au maniement de la plume. A la différence de Pernette de Guillet, Louise Labé donne à la femme un rôle autre que celui que lui attribue traditionnellement la fin’amor. La femme n’est plus l’objet du poème, elle n’est plus l’objet du désir masculin : la Cordière prend le contre-pied et fait de l’homme l’objet du désir féminin. Menant une existence libre, décrivant son désir, Louise Labé ne peut que s’attirer les médisances et calomnies de ses contemporains, alors même qu’elle jouit d’une reconnaissance immédiate au sein de cercles littéraires de son époque et des époques à venir.

Ecole Française, 16ème siècle - 3.1 ko
Ecole Française, 16ème siècle

Cependant, il ne faut pas voir Louise Labé comme l’exception féminine qui a su s’imposer au sexe fort. La poétesse n’est pas habitée par une haine contre les hommes et elle s’insère dans une époque où la femme a sa place. Il ne faut pas oublier que quelques siècles auparavant les femmes avaient eu accès en France aux fonctions politiques, soit parce que les hommes étaient en croisade (Aliénor d’Aquitaine 1122-1204, Marie de Champagne 1171-1204), soit parce qu’elles devaient assurer la régence (Catherine de Médicis 1519-1589). Et quelques années après la mort de Louise Labé, en Angleterre, ce sont deux femmes qui prendront la tête de l’Etat britannique (Marie Tudor et Elisabeth 1er Tudor). Ainsi, il ne faut se figurer l’époque comme particulièrement ingrate vis à vis des femmes. Louise Labé reste malgré tout une des pionnières de la poésie féminine, car elle prend la plume et est reconnue, et surtout car elle attribue à la femme une place différente de celle que les hommes lui attribuaient traditionnellement.

Olivier de Magny - 2.4 ko
Olivier de Magny

Entre espérance et regret, Louise Labé émet dans ses Œuvres poétiques une longue plainte douloureuse tournée vers l’Amour. Si Louise Labé se marie en 1540 avec Ennemond Perrin, on lui connaît une seule relation amoureuse certaine, avec le poète Olivier de Magny. Mais nul ne peut dire quel est cet homme sur qui le cœur de Louise s’est arrêté et qui suscite en elle tant de joie, de douleur, de « froidure » et de chaleur, tant de sensations et sentiments paradoxaux. Reprenant les thèmes chers à Pétrarque, Louise Labé développe et anime des saynètes mythologiques de sa plume alerte, elle loue et déplore Amour cruel et son arc, elle s’adonne au Blason du corps masculin.

Le printemps, Botticelli - 38.1 ko
Le printemps, Botticelli

La lecture des Oeuvres poétiques de Louise Labé n’est pas facile. Si le pouls des vers est aisé à percevoir, le sens est en revanche plus ardu à saisir. Louise Labé utilise le sonnet ou l’élégie, qui sont des formes poétiques normées et nouvelles pour l’époque. Le lecteur du 21ème siècle est lui accoutumé au sonnet, il sait s’approprier la rime et le rythme décasyllabique. Formellement, le lecteur saura prendre ses marques et sentir vibrer la voix de Louise Labé. En revanche, la compréhension de l’Oeuvre poétique ne va pas de soi. Le texte date de la moitié du 16ème siècle et notre langue a changé. Vocabulaire et syntaxe ont évolué en cinq siècles, posant au lecteur contemporain le problème de la perception immédiate du sens du poème. Difficile d’apprécier le sens du propos de Louise Labé après une simple lecture. Si les poètes du 19ème siècle peuvent être simplement lus, sans être réellement étudiés, et donnent après une simple lecture la vague impression, sans doute erronée, d’avoir été saisis de façon au moins partielle, Louise Labé en revanche mérite plus que cela. Le lecteur doit se munir d’un livre correctement annoté et il doit parfois aller chercher quelques traductions modernisées des vers de Louise Labé. De plus, la poétesse, si elle apparaît comme moderne au regard du rôle qu’elle attribue à la femme dans son œuvre, s’inscrit dans une longue tradition littéraire. Soumise aux influences de son époque, Louise Labé se réfère à maintes reprises au pétrarquisme, au néoplatonisme et aux évènements mythologiques. Se plonger dans sa poésie sans maîtriser de loin ces éléments fait perdre énormément en préhension du poème et risquerait d’entraîner une mise au ban de cette lyonnaise qui a su prendre sa place à une époque où l’artiste était essentiellement masculin.

par Aurore Rubio
Article mis en ligne le 9 juin 2004

Auteur : Louise Labé

Editeur : Gallimard

Collection : nrf poésie

Edition : Françoise Charpentier

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