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Paradise Kiss

Une nouvelle œuvre de Yazawa arrive en France ! Au menu cette-fois pour la jeunesse japonaise : mode, amour et désir de liberté.


(GIF)Aï yazawa est une mangaka qui voit fréquemment ses œuvres arriver en tête des ventes au Japon. Le succès fut également au rendez-vous quand le public français l’a découverte en 2002 avec sa dernière production, Nana. Aujourd’hui, Kana nous offre un nouveau manga de l’auteur pour la plus grande excitation de ses amateurs. Mais à cette excitation se mêle d’appréhension. Il n’est en effet pas facile d’arriver après un chef d’oeuvre tel que Nana, récit au ton juste, adulte et émouvant sur l’amitié et le passage à l’age adulte. Alors, ce nouvel arrivé tient-il son rang ?

Paradise Kiss raconte l’histoire de Yukari, lycéenne japonaise tout ce qu’il y a de plus normale (à part son physique de mannequin... ). Trop banale selon son goût : après avoir passé la moitié de sa vie dans sa chambre à travailler avec pour seul objectif d’entrer dans une bonne faculté, elle rêve - de façon assez refoulée - d’une vie moins morne, où elle ferait ce qu’il lui plaît. Par hasard et par chance, sa route va croiser celle d’une bande d’étudiants en stylisme, assez spéciaux, tant dans leur look que dans leur comportement. Ils lui proposent de défiler dans les costumes qu’ils ont crées. Elle finit évidemment par accepter, après le temps d’hésitation et de premier refus, logique, au vu des bouleversements que causerait ce choix dans sa vie et ses habitudes.

L’opposition entre ces deux modes d’existence, celui de la norme et celui d’une existence plus libre et dénuée des repères traditionnels, est la grande problématique de Paradise Kiss. Cette confrontation s’affirme dès le commencement par le contraste entre la double-page en tête du premier chapitre, montrant, dans un style presque fantastique, un champ où jouent et rient les quatre étudiants, et la première scène ou l’on voit Yukari exaspérée marcher dans les rues bondées de Tokyo. L’envie de faire de sa vie ce que l’on en veut, de s’échapper d’un carcan social étouffant est inscrite en filigrane dans ce volume.

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Toute l’histoire est articulée autour du passage d’un monde à l’autre. Paradise Kiss est, à ce titre, une œuvre initiatique : Yukari doit déjà apprendre un métier dont elle ne sait rien, mannequin. Mais étant donné son passé solitaire qui fait qu’elle est toujours très ignorante et innocente, elle commence également dans ce volume à s’initier à la vie de tous les jours : elle découvre la complexité de l’amitié, de l’amour... Yukari est maladroite en paroles et peu assurée dans l’action, au point qu’elle peut devenir irritante aux yeux du lecteur. Même s’il finit par éprouver pour elle attachement et empathie en prenant conscience de son déboussolent.

Présenté ainsi ce manga paraît bien sérieux, mais il n’en est rien. Yazawa nous avait habitué avec Nana à un traitement grave, voire dramatique et tragique, mais Paradise Kiss est une œuvre étonnamment légère. Le premier chapitre, hilarant, voit Yukari hurler et crier au viol toutes les cinq répliques, souvent délirantes. Les chapitres suivants sont bien plus calmes, mais contiennent tout de même beaucoup de discours comiques, soit dans les dialogues, soit dans les nombreux monologues et apartés de l’héroïne.

Cette différence de ton changera sans doute le lectorat français. On peut supposer qu’il aura tendance à avoir quelques années de moins que celui de Nana. On peut d’ailleurs trouver une correspondance entre l’âge des personnages et la cible de ces deux mangas [1] : les héros de Nana ont plus de vingt ans, ont passé l’ère des études, pensent au travail, ont une vie amoureuse plus stable et adulte, tandis que ceux de Paradise Kiss entrent encore en faculté et vivent leurs premières amours

On remarquera, comme autre marque de la moindre grande maturité de cette œuvre, que Nana, s’il prend comme point de vue deux personnages féminins, n’oublie pas pour autant de parler des hommes, au contraire de ce premier volume de Paradise Kiss qui les relègue au second plan et ne les fait exister qu’au travers des héroines.

(JPEG)Ce manga est en tout cas parfaitement adapté à son public. Le potentiel d’identification au personnage principal est important : Yukari est maladroite, ne connaît pas grand chose à l’amour... le choix du monde de la mode et du mannequinât, fascinant voire fantasmatique, prend ici tout son sens : Yukari devient amie avec des personnes élégantes et assurées et aura la possibilité de devenir semblable. Le choix de l’auteur d’introduire si vite une romance est par ailleurs critiquable, car trop prévisible et convenu ; il donne quelque peu l’impression d’un quota d’amour à remplir. Même si il est trop tôt pour apporter une réponse, on peut se demander si Paradise Kiss n’est pas une œuvre moins personnelle et plus calibrée que Nana.

Alors, conclusion ? Cette nouvelle bande dessinée d’Aï Yazawa est une réussite incontestable : bien dessinée, drôle et légère, avec des personnages atypiques et attachants... mais soyez prévenus, pour ne pas être déçus : bien que tous deux racontent au fond la même chose, une vie qui s’apprend, qui se construit, Paradise Kiss n’est pas Nana. Ce qu’on connaissait d’Yazawa était bouleversant, nous découvrons maintenant ses œuvres divertissantes. Après les déchirements de l’âme, voici les grands tracas du cœur. Les Nanas, faites de la place à votre petite sœur !

par Baptiste R.
Article mis en ligne le 20 septembre 2004

[1] Car bien qu’une aimable chroniqueuse de la presse spécialisée croissée sur Iscariote m’ait appris que Nana avait du succès chez les Japonaises de 16 ou 17 ans, son magazine de prépublication vise un lectorat légèrement plus vieux.


 Auteur : Ai YAZAWA
 Editeur français : Kana
 Editeur Japonais : Shodensha
 Magazine de Prépublication : Zipper
 Premier volume au Japon : mars 2000
 En france : 16 octobre 2004
 Genre : shôjo

Nombre total de volumes : cinq (série achevée)

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