Cinéma · Musique · Littérature · Scènes · Arts plastiques · Alter-art 

accueil > Alter-art > article

Fifa 2005

Courses pour suite

Cela fait maintenant une dizaine d’année que le studio E.A. Sports, un ténor de la simulation sportive, édite ce qui est longtemps resté la référence des amateurs de football sur ordinateur ou console, FIFA. Récemment, ce quasi-monopole fut brisé par l’explosion d’un concurrent, Pro Evolution Soccer, des studios japonais Konami. Si la concurrence n’a d’abord menacé que le marché des consoles de jeu, son portage sur PC augurait d’une nouvelle stratégie : une course à la meilleure simulation de football.


Une histoire de familles...

La série des FIFA’s trouve son origine dans la Coupe du Monde 1994, organisée aux États-Unis : alors que l’ Amérique du Nord, traditionnellement tournée vers d’autres sports, reçoit l’évènement sportif phare en Europe et en Amérique du Sud (rappelons que la finale de la Coupe du Monde 2002 atteint une audience de 1,1 milliard de personnes), c’est l’occasion pour de nombreux américains de découvrir un sport ignoré, qui ne tarde pas à trouver un public d’aficionados. Aussitôt, le filon est exploité par le producteur Electronic Arts, alors au début de son développement.

Ce petit historique permet de comprendre l’orientation ludique de la série FIFA. En effet, celle-ci est souvent critiquée, notamment face à son concurrent Pro Evolution Soccer, de faire la part belle à l’aspect jouissif du jeu, à défaut d’un réalisme qu’on attribue à P.E.S. : tout simplement puisque le public ciblé par E.A. était à la base un public de néophytes, peu au courant des subtilités techniques et de l’aspect stratégique d’un sport que l’on avait apprécié pour les "actions de folies" et pour l’aura des joueurs stars, qui impressionnaient par leurs gestes techniques inabordables et leur frappes supersoniques, le tout dans le cadre d’une compétition prestigieuse et monumentale. Cette orientation a fait un temps les beaux jours de FIFA, jusqu’à ce qu’on en vienne à remettre en question les scores fleuves à plusieurs dizaines de points, les tirs de 50 mètres poteau rentrant, les petits ponts au gardien en fermant les yeux, les chevauchées épiques de 70 mètres, les retournées magiques, toute une catégorie d’actions qui classaient définitivement le jeu à l’extérieur des terrains de football, et dans le rang des jeux "arcade".

(JPEG)

Si l’on a subitement décidé de faire évoluer le jeu de foot vers quelque chose de plus réaliste, c’est évidemment pour rester au niveau de la production vidéo-ludique, qui progressait vers des jeux plus perfectionnés, plus aboutis et plus crédibles en terme d’environnement. Mais c’est aussi, et cela s’est ressenti plus particulièrement depuis les années 2001-2002, pour résister à l’invasion nipponne des jeux Konami. Menacé de perdre sa domination sur le marché du jeu de foot, E.A. a donc entamé depuis 3-4 ans une lutte sans merci afin de conquérir les acheteurs hésitants. L’objectif étant d’atteindre le meilleur jeu possible.

FIFA 2005, un certain renouveau

Dernier né d’une génération qui tentait de gommer les anciens vices de la série, et d’atteindre un certain réalisme, l’épisode est de bonne facture, et se démarque nettement de la logique "arcade" qui prévalait chez E.A. auparavant ; il est tout de même difficile de le décrire sans faire référence aux versions précédentes.

Fifa 2005 est un jeu très "agréable" : un de ses atouts majeurs étant de posséder les licences officielles d’un grand nombre de clubs, le joueur profite de vrais joueurs, dans leur vrai club, avec leur vrai nom, et un vrai maillot ! (11 000 joueurs intégrés en tout). Les joueurs les plus connus sont très facilement reconnaissables, du fait d’une modélisation 3D des personnages qui s’améliore chaque année : un Zidane, un Raul, un Beckham, les joueurs stars donc, mais aussi les autres, ne passeront donc pas inaperçus. Histoire encore de se mettre dans l’ambiance, les stades les plus célèbres, une trentaine en tout, sont reproduits à l’identique. De plus, les ambiances sonores (chants de supporters, injonctions du coach et du banc de touche ....) et visuelles (fumigènes, drapeaux de supporters) mettent instantanément dans le bain : c’est la fifa’s touch ! Un atout que les japonais de Konami ont encore un peu de mal à égaler.

(JPEG)

Au niveau graphique, qui passe pour un des éléments les mieux aboutis dans les jeux FIFA, on note également l’amélioration du moteur 3D, qui offre un rendu fluide, notamment dans les menus, qui ont subi un sévère lifting, mais aussi dans le jeu lui-même : à cet égard, les petites animations en marge du jeu - célébration de but ou de victoire par les joueurs, protestation face à une décision de l’arbitre - accentuent encore un peu plus l’ambiance du jeu, décidément très bien rendue. Pour une fois, l’impression de volume et de distance que l’on peut ressentir dans certains stades, impression, qui manquait aux épisodes précédents,est réellement frappante. Néanmois, le public reste composé de sprites [1], ce qui fait tâche. L’environnement sonore est aussi renforcé par l’apport de musiques assez mochetonnes, mais parfois issues de groupes connus, comme Air ou d’autres, histoire de rassurer les fans.

Le joueur accèdera à quasiment n’importe quelle équipe de première division en Europe, parfois à la deuxième, mais aussi des équipes américaines, asiatiques....Différents modes de jeux sont proposés, la compétition, le match amical, l’entraînement (où l’on pourra travailler des stratégies, ce qui pour la première fois se ressentira en cours de match), une carrière d’une quinzaine de saisons ou les managers en herbe devront amener votre équipe aux plus hauts sommets, en endossant le rôle de l’entraîneur (ce qui se limite concrètement à une gestion tactique et commerciale du club), et le jeu en réseau, grâce à l’Internet.

Mais tous ces détails d’épicier, même s’ils recouvrent l’essentiel du packaging du jeu, histoire de se démarquer de la concurrence, (si bien qu’on en vient à se demander où s’arrête la pub) ne constituent pas l’essentiel du jeu : l’essence d’un jeu de foot, c’est le gameplay, cette notion assez vague pour laisser libre cours à tous les fantasmes ! Le gameplay, autrement dit la jouabilité du jeu, désigne sa maniabilité, le plaisir qu’il apporte au joueur, etc. Sa prise en main également ; et dans FIFA 2005, elle a fait l’objet d’un travail particulièrement appréciable : ainsi, en un coup de manette , on orientera sa réception de la balle, pour pouvoir pouvoir mettre dans le vent deux défenseurs d’un tour de passe-passe redoutable. Estampillé « First Touch Control », ce mécanisme constitue l’intérêt central du jeu, et son alliance avec le « Off The Ball » (orientation des joueurs qui n’ont pas le ballon afin de les placer dans une bonne position pour pouvoir ensuite les atteindre grâce à une passe du porteur de balle) fait du jeu un système équilibré entre le contrôle personnel du joueur et la stratégie d’ensemble de l’équipe. Histoire donc de recoller à des matchs plus crédibles, où le soin apporté à la construction du jeu est désormais primordial, mais aussi pour flatter l’ego du joueur, qui pourra se prendre le temps d’une partie pour un Zizou des grands soirs. Ce système de réception-orientation de la balle, nouveauté de l’année, améliore en plus l’ensemble du jeu en ce qu’il est associé à de nouvelles animations des joueurs, dont les mouvements sont souvent bluffants de réalisme. L’aptitude des joueurs à se débarrasser de l’adversaire est fonction de leur niveau de jeu : un Thierry Henry n’éprouvera aucune difficulté à effacer un défenseur de seconde division belge ; en revanche, il n’est pas assuré de passer Thuram ou Maldini avec la même aisance. Ce qui a pour effet d’assurer aux matchs un semblant de vraisemblance en matière de résultats.

(JPEG)

Ces nouveaux contôles sont assez jouissifs pour qu’on ai envie de s’en servir en permanence, mais tellement bien intégrés qu’on doit rapidement apprendre à les utiliser avec intelligence : FIFA 2005 est donc un jeu à plusieurs niveaux de profondeur, ce qui lui garantie une plus longue durée de vie, et l’assurance de toucher un public plus large. Pour le joueur, c’est surtout la possibilité de construire des actions, ce qui restait jusqu’à peu l’avantage de PES. Alliés aux différents niveaux de jeu, qui augmentent l’Intelligence Artificielle de l’adversaire afin de corser le tout, ces mécanismes témoignent d’un souci de qualité en termes de niveau de jeu.

FIFA 2005 est donc réellement intéressant. Pour les aficionados de la série d’une part, qui retrouveront leurs habitudes dans un cadre rénové et approfondi. Pour les néophytes d’autre part, qui pourront prendre assez rapidement du plaisir et s’investir dans la construction de nouvelles stratégies.

Le jeu parfait ?

Jouissif, parfois même épique tout en étant assez réaliste pour favoriser les plus soucieux de l’équilibre de leur équipe et de sa stratégie, atteindrait-il le sommet qu’on semble si souvent près d’atteindre, à lire les boîtes de jeu ?

Le discours mis en place par les éditeurs de ce format de jeu, une "suite" de jeux tous "identiques", est, lui aussi, problématique : en effet, E.A. Sports produit depuis 10 ans des jeux de sport, qu’il reproduit chaque année. Pourtant, il n’y a pas entre ces jeux de lien, de références telles qu’on les retrouve dans le cadre de suites "narratives", où le joueur prolongerait à travers les nouveaux jeu un même parcours qu’il aurait initié au premier d’entre eux. Pas de progression suivie entre les jeux, donc, qui ferait le moteur de la fidélité des joueurs à une même aventure : pourtant, FIFA se vend chaque année, dans une proportion qui surpasse largement celle des jeux d’aventures ou des autres. Comment chaque année vendre un jeu qui aura le même contenu que l’année précédente ?

C’est la dure mission assignée aux publicitaires d’E.A. Sports. Le discours est paradoxal : d’un côté, il faut mettre en avant une certaine recherche du réalisme, qui implique une longue progression vers un idéal qu’on se défend d’identifier, supposant que les progrès de la technologie nous mèneront vers un résultat tellement criant de vérité qu’on ne peut pas, pas encore, l’imaginer. De l’autre, on insiste sur l’aspect épique du jeu, fondamentalement opposé au réalisme donc, et qui sera chargé de composer la charge émotionnelle du joueur, celle qui motivera profondément son achat.

(JPEG)

Cette dychotomie est maniée avec une certaine efficacité : on nous fait croire que le réalisme est recherché ("tout est vrai dans fifa 2005"), alors que fondamentalement, que recherche un joueur de FIFA sinon se distancer de ce qu’il peut ressentir en jouant réellement au football ? Qui joue à FIFA avec le Real Madrid en espérant ressentir ce qu’il sent le dimanche avec ses amis ? Il y a donc un faux débat, mais qui permet à l’acheteur de se convaincre que le jeu est "mieux" que l’année précédente, alors qu’il ne lui est que différent. Dans le même temps, on appâte l’acheteur avec des "nouveaux mouvements", "nouvelles techniques", dont la nouveauté n’existe que dans le cadre du jeu, bien evidemment. FIFA est désormais obligé de se vendre comme une lessive.

Concrètement, la réclame du jeu est omniprésente : dans les opérations marketing développées avant la sortie, mais aussi dans le jeu lui-même, jusqu’aux menus les plus enfouis, qui ne perdent jamais une occasion de rappeller les différents modes de jeux proposés et les dernières innovations annuelles. La publicité pour de vraies marques envahit bien sûr, comme lors de vrais matchs, les terrains.

(JPEG)

Mais il faut bien se rendre à l’évidence : FIFA 99 est par exemple bien meilleur que les FIFA 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004. Il ne s’agit donc pas d’une longue progression qui justifierait l’achat chaque année. Cependant l’opus actuel est de bonne facture : il marque un certain tournant, un accord entre arcade et simulation qui en tire les bons côtés respectifs, et qui fait donc du jeu une version moderne et efficace d’un jeu de foot abouti.

FIFA 2005, dernier né d’une famille qui tend à s’améliorer, réjouira les fans de la série comme les plus néophytes. S’il est parfois énervant, pour les connaisseurs en particulier, c’est dans le soin qu’il met à ne pas améliorer des points noirs connus depuis longtemps, comme s’il fallait étendre et allonger la progression le plus longtemps possible. Et comme chaque année, les fans sont déjà prêts pour la prochaine version....

par Antoine Soubrier
Article mis en ligne le 22 novembre 2004

[1] Images en 2D et non de vrais personnages en 3D

Télécharger la démo du jeu.. Manette et carte graphique récente recommandées.

imprimer

réagir sur le forum

outils de recherche

en savoir plus sur Artelio

écrire sur le site