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La geste des chevaliers dragons : Jaïna

Pucelles et haleine fétide

Deux héroïnes, pucelles et roulées en diable, le sein coquin, la hanche haute et le minois agréable, s’avancent dans une taverne qui sent l’homme, la bière rance... et le goût du gros cliché ronflant de l’héroïc-fantasy de mauvais aloi !


L’histoire prend place dans un monde châtoyant de couleurs belles, où le jaune ocre des montagnes répercute le hâle doré des cuisses de la belle écuyère, ou des joues du chevalier. Mais de ces apparences belles, il ne faut être dupe, car rôde le dragon, et autour de lui l’auréole de son mal sournois, le Veill, voile de putréfaction qui altère la nature de toute choses, et transforme les hommes en bêtes sauvages rapaces. Seules les femmes qui ignorent encore les plaisirs de la chair peuvent échapper à cette pestilence insidieuse, et s’approcher asser de la bête sans éveiller sa puissante intuition du vivant. Aussi il existe un ordre, les chevaliers-dragons, composé de pucelles, qui sont destinées à livrer bataille à ces monstres. (JPEG)

Une série dont les atours sont désirables...

Comme Jaïna, chevalier-dragon qui n’a point encore fait ses preuves, et son écuyère Ellys, la série a un joli minois. Les dessins de Varanda sont très esthétiques, les attitudes bien saisies, les filles très agréables à regarder, la ville et les décors sont une véritable incitation au rêve. Les couleurs, évoquées précédemment, contribuent à ce charme particulier. La réédition de la BD chez Soleil a rehaussé les couleurs par rapport à la version originale chez Vents d’ouest et contribue à en faire un objet très agréable à regarder. La belle allure des donzelles n’est pas le moindre attrait, vous l’aurez compris, de l’ouvrage. Et les auteurs en jouent sciemment, avec une tenue de combat pour le moins déshabillée pour Jaïna...

Le scénario s’esquisse favorablement. Le dragon est traité par le halo de terreur qu’il dégage autour de lui, et la magie destructrice qu’il répand. Il faut ajouter à ce mal, extérieur, la cupidité des hommes, manifestée sous les traits des prêtres manipulateurs, ou du chevalier assassin qui dirige le fort.

On peut souligner l’idée remarquable du Veill qui fait exister le dragon et sa terreur avant même son entrée en scène. Une magie qui ne fait que révéler les bas instincts et la corruption de la nature humaine, comme celle de ces villageois qui attaquent les chevaliers, juste dans l’espoir de leur voler des provision et de fuire le halo de contamination. Les scènes où les humains dégradés se jettent sur les chevaux, ou les villages ravagés, donnent une épaisseur à ce monde sans espoir. On peut regretter que le dessin n’accompagne pas, alors, l’évolution de l’histoire, et conserve ses couleurs claires et ses traits rutilants, alors que l’ombre et les camaïeux ténébreux seraient bievenus.

Dans ce sombre tableau, la virginité du corps semble un remaprt contre la corruption du dragon - qui n’est qu’un révélateur de la corruption interne. Mais au lieu de jouer à fond la carte de ce schème de valeurs très médiéval et ô combien étranger à nos temps, les auteurs n’ont pas le courage d’épuiser cette veine riche de potentiel et de polémiques, ne font que l’effleurer. La virginité, au lieu de devenir le thème central qu’appelle le concept de la série, reste superficielle, pour ne pas dire accessoire.

Mais qui s’avère creuse à l’usage...

Une fois que l’oeil à fini de s’extasier sur les minois et les belles formes, il s’intéresse à l’histoire, ou aux protagonistes qui sont correctement vêtus. Et c’est là que blesse le bât.

Le dragon, autour de qui tourne toute la corruption de l’histoire, s’avère assez pitoyablement dessiné. Il n’a pas la trucculence ou la flamboyance qu’on serait en droit d’attendre d’un Ver capable de corrompre toute une région. Quant à sa pathétique mort sur un seul coup d’épée en une demi-page, elle est le summum de cette série qui tombe à l’eau.

(JPEG)De l’autre richesse, le principe de la viriginité qui protège de la corruption, tel un rempart entre le genre humain et le péché originel, il est mis à mal. La belle écuyère perd la sienne, et ce qui devrait être le drame de son existence et se manifester par des répercutions psychologiques et concrètes importantes compte-tenu des pré-supposés de cet univers, s’avère un simple aléa presque sans conséquence. De la manière dont elle perd celle-ci, dans l’alcool d’une nuit d’orgie, on pourrait aussi gloser tant cela manque de soin et de mise en scène.

Ces deux exemples sont à l’image de toute l’histoire : il y a matière à tisser et à monter des ambiances et des situations riches, mais tout tombe rapidement à plat, faute de savoir donner épaisseur à autre chose aux poitrines des femmes. L’esthétique agréable de l’histoire n’est finalement qu’un leurre pour détourner de l’indigence absolue du fond de celle-ci.

(JPEG)A la décharge des auteurs, on peut souligner que le format retenu, celui du one-shot, ne permet pas de donner aux situation tout l’espace qu’elles mériteraient. C’est à nouveau une question de gestion du scénario : quel besoin d’entrer dans certains espaces à rallonge, comme le fort au milieu de la pestilence, alors que les moments clefs de l’histoire comme l’apparition du dragon attendent ?

Et le tome 2 vient de sortir...

Sa lecture révèle un graphisme toujours élégant, quoi que moins léché que celui d’Alberto Varanda. L’humour graveleux sur la virginité des chevaliers reste de mise, dès la première planche. On peut relever l’alitération, d’un volume à l’autre, d’incipits où le chevalier se fait taquiner par un rustaud en manque, qu’elle remet en place. La violence en moins dans le second volume.

Il s’agit à nouveau d’un one-shot, qui déploie un scénario de nouveau trop à l’étroit. D’autant plus qu’une place importante est sacrifiée au combat contre le dragon, assez peu remarquable par ailleurs.

Les planches du tome 3 annoncées en bonus à la fin de cette première édition augurent d’une continuité dans le format one-shot. Chaque opus associera Ange, le scénariste, à un nouveau dessinateur, et présentera l’histoire d’une chevalier-dragon. Les limites du format retenu ayant été assez dénoncée, on peut en conclure qu’il y a peu à attendre de cette série.

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 10 mai 2004


- Scénariste : Ange
- Dessinateur : Alberto Varanda
- Bande dessinée en couleur
- Editeurs : Vent d’ouest et à présent Soleil
- Année de publication : 1998
- Genre : héroïc-fantasy
- Style : reste assez uniforme malgré le changement de dessinateur entre les deux volumes.
- La série compte deux tomes et est toujours en cours, puisque le troisième est déjà annoncé.
- Le site de l’éditeur Soleil

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