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Yohji Yamamoto, "Juste des vêtements"

Exposition au Musée de la Mode et du Textile à Paris du 13 avril au 28 août 2005

Après Kenzo Takada, Yssey Miyake et Comme des garçons, le musée de la mode et du textile poursuit ses expositions monographiques en donnant carte blanche au créateur japonais Yohji Yamamoto. Star au Japon depuis son show « Y’s » en 1977, le créateur a réalisé son premier défilé à Paris en 1981 et s’est rapidement taillé une place sur la scène de la mode grâce à sa sobriété, ses silhouettes noires déconstruites, taillées tout en volumes et asymétries. Il apporte de la profondeur aux couleurs sombres, comme le noir et le bleu marine qu’il n’hésite pas à associer, joue sur les matières et emprunte au monde ouvrier le bleu de travail.


L’exposition Comme des vêtements n’est pas une rétrospective, mais une présentation de la face cachée du travail du talentueux et discret créateur. Conçue par Masao Nihei, collaborateur de Yohji Yamamoto, qui a assuré la direction artistique, la scénographie permet au public d’entrer dans l’atelier du maître et de découvrir sa méthode et ses sources d’inspiration. L’exposition transpose un lieu de travail, presque à la manière du Musée des Arts et Traditions Populaires : des outils du quotidien et des bureaux avec leur contenu sont déposés derrière des vitrines, tels quels et sans idéalisation ; le fil du travail accompli, le processus de production, est reconstitué sous nos yeux, à partir de l’idée jusqu’au défilé. Cependant, l’originalité de la scénographie tient dans l’alliance entre la représentation quasi ethnologique et la mise en scène du travail de création : la part de l’imaginaire se trouve représentée à travers les éléments d’inspiration du couturier, les essais de vêtements et des costumes quelque peu déroutants.

C’est ainsi que le premier étage évoque l’atelier de Tokyo dans une impression de « work in process ». Le visiteur y pénètre par « l’entrée des fournisseurs » : une succession de gros rouleaux de tissus entassés sur des chariots, dont le choix précède la conception des vêtements et dans lesquels Yohji Yamamoto taille directement. Le ton est donné, le visiteur n’est plus spectateur mais invité du créateur, dont il découvre le bureau, tout encombré de croquis. S’y trouvent également des images de collection passées, des photographies, en particulier de spectacles de Pina Bausch pour qui il a réalisé des costumes. Les croquis se font plus rares, puisque le créateur dicte désormais directement à ses couturières ce qu’il recherche. Dans une vitrine, les « dotera » (manteaux travaillés comme du futon) qu’il a réalisé pour Dolls de Takeshi Kitano. Plus loin est reconstitué le bureau de la première d’atelier, tout en surabondance de papiers, de dossiers et d’échantillons. Dans une autre vitrine, des costumes du Musée de la Mode et du Textile montrent l’étendue des sources du créateur, des toiles de patronage, des essais de vêtements rejetés par le maître. Puis le visiteur parvient jusqu’au lieu du défilé, évoqué par des chaises et des catalogues ouverts. Yohji Yamamoto y accorde une importance particulière et il a fait appel à des photographes tels que Vick Knight, Max Vadukul, Craig MacDean ou David Slims. Des écrans de télévision diffusent simultanément l’intégralité de ses défilés, pour lesquels la Sorbonne, le Carrousel du Louvre ou le Moulin rouge ont servi de décors. Le film de Wim Wenders, grand admirateur de Yohji Yamamoto, Carnets de notes sur vêtements et villes, réalisé en 1989 est diffusé en boucle dans une petite salle, afin de laisser au visiteur qui le désire la possibilité de s’asseoir et de le visionner en entier.

Pour accéder à l’étage, on passe sous une immense crinoline de jersey, puis l’on découvre près de 80 modèles, robes, manteaux, accessoires, présentés sur des mannequins couturière remodelés et alignés. Leur couleur sombre se détache sur les murs blancs nimbés de lumière. Certains sont présentés hors des vitrines, parce que pour Yohji Yamamoto, ce sont « justes des vêtements », qui sont faits pour être portés et usés. L’exposition s’achève sur des modèles de Dior, Chanel, Elsa Schiaparelli, Madeleine Vionnet, et Balenciaga, à qui le créateur a rendu hommage. Car l’une des particularités de Yohji Yamamoto est d’avoir su mêler influences occidentale et asiatique.

La conception que Yohji Yamamoto a de ses vêtements, en acceptant leur usure, permet de les mettre en scène en les exposant aux mains des visiteurs sous un éclairage violent. L’un des intérêts de cette exposition est de rompre avec une présentation muséographique traditionnelle et d’offrir au visiteur la possibilité de découvrir l’envers du décors : le bureau du créateur, ses sources d’inspiration, les modèles rejetés. Le parcours suit l’évolution du travail et renforce l’impression d’entrer par les coulisses, d’observer le moment de la création pour ensuite découvrir l’œuvre achevée. On appréciera la liberté prise par la scénographie et la mise en scène du quotidien et de l’imaginaire. L’entrée par la « porte des fournisseurs » peut déstabiliser, tout comme cette impression de travail en construction, puisant dans des sources d’inspiration multiples. Et c’est justement là l’une des réussites de cette exposition : mettre en scène le quotidien d’un créateur tout en conservant sa place à l’imaginaire.

par Sandrine
Article mis en ligne le 21 juillet 2005

Informations pratiques :
- artiste : Yohji Yamamoto
- dates : du 13 avril au 28 août 2005
- lieu : Musée de la mode et du textile, Les Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris
- horaires : du mardi au vendredi de 11h à 18h et le week-end de 10h à 18h
- commissaire de l’exposition : Olivier Saillard
- scénographe : Masao Nihei
- chargée du projet : Nathalie Ours, assistée de Coralie Gautier

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