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Miro : "La Naissance du Monde" (1917-1934)

Exposition au Centre Pompidou à Paris du 3 mars au 28 juin 2004

L’exposition qui se tient actuellement au centre Georges Pompidou est la première consacrée à cette période, celle de l’invention du langage pictural du peintre catalan, qui vécut de 1893 à 1983.


Des natures mortes, paysages et portraits de ses débuts, en 1917-1918, jusqu’aux trois Bleus finaux, c’est toute l’affirmation de "sa" peinture qui nous est présentée, tant au niveau des compositions, que des matériaux et des couleurs utilisés : on assiste en fait véritablement à l’ éclosion d’un artiste original. Par une organisation qui délimite nettement les étapes majeures de cette maturation, l’exposition nous accompagne jusqu’à son aboutissement ; la découverte d’un langage formel personnel, poétique, dont les signaux appartiennent à la réalité toute personnelle de l’auteur .

Ce sont d’abord des paysages, dont les couleurs rappellent le fauvisme, puis des toiles où les détails s’accumulent avec une précision toute particulière, qui correspondent à la première période de Miro : le soin apporté dans la composition et la représentation d’objets quotidiens est frappant. En 1923, pendant un séjour à Paris, Miro plonge dans l’univers poétique des invités de son voisin, Masson, rue Blomet, qui comptent entre autres Robert Desnos, Paul Eluard, Raymond Queneau... son expression va s’en trouver métamorphosée : dès 1924, il rompt avec les traditions et fait de l’imaginaire son nouveau langage : taches de couleurs et lignes évoquent alors le potentiel poétique des objets : il veut ses tableaux comme des "étincelles", et marque le travail d’ascèse omniprésent dans chacune de ses oeuvres. Miro est détaché du réel sans toutefois abandonner la réflexion qui précède chacune de ses créations, et la rigueur, qui reste un élément majeur de leur composition : à cet égard, les carnets de croquis de l’artiste sont étonnants.

Plus tard encore, il pousse plus loin sa réflexion, et décide "d’assassiner la peinture" assemblages et collages de matériaux divers se mettant au service d’une "férocité" palpable, tant dans le choix des matériaux, comme le goudron, que dans les formes générales de ces montages. Le relief fait son apparition dans certains d’entre eux. C’est à l’aube de cette période que l’on peut admirer le Portrait d’une danseuse, qui, par la délicatesse de la plume paraissant caresser son support, nous rappelle les poétiques mouvements des danseurs. Enfin, Joan Miro revient à la peinture en 1930 : barbouillages et lignes maladroites témoignent de la violence avec laquelle il s’y investit à nouveau. Ce « retour à la peinture » est là pour nous rappeler les nombreuses remises en questions qui composent la vie de l’artiste. Les menaces déjà orageuses de guerre civile espagnole et de montée du nazisme concluent le parcours exposé dans une perspective sombre, qui aura une influence sur l’art de Miro.

On aurait tort de juger trop hâtivement cette exposition, comme c’est souvent fait par un public malheureusement fermé à toute pédagogie artistique : il nous est donné de voir la naissance d’un artiste, de l’originalité de ses moyens d’expression, d’une volonté de dépasser les carcans de la tradition pour trouver un langage personnel et juste. Qu’on ne se laisse pas abuser par l’impression de spontanéité de la plupart de ces toiles : les carnets de croquis sont là pour rappeler qu’elles sont toutes nées d’une véritable réflexion. Ce que Miro accompli ici, c’est ce que nous faisons tous, lorsque, hésitants et tâtonnants, nous cherchons notre signature. On aurait également tort, comme le font les vieilles aigries estampillées "je-ne-respecte-pas-les-convenances" niveau C’est mon choix, de rester sourd au message de ces œuvres et d’ignorer le dialogue possible avec l’artiste, et par la même la compréhension des motivations essentielles d’une large partie des acteurs de l’art contemporain.

par Antoine Soubrier
Article mis en ligne le 30 avril 2004

Légende des images, de haut en bas, logo inclus :
 première image : Autoportrait
 deuxième image : La Sieste, 1925, huile sur toile, 113 x 146 cm, Paris, Musée National d’Art Moderne/Centre Georges Pompidou

Informations pratiques :
 artiste : Joan Miro
 dates : du 3 mars 2004 au 28 juin 2004
 lieu : Centre Georges Pompidou, Rue Saint-Martin, Place Georges Pompidou, Paris 75004 métro : Rambuteau, Hôtel de Ville, Châtelet ; RER : Châtelet /Les Halles ; Autobus : 21, 29, 38, 47, 58, 69, 70, 72
 horaires : de 11h00 - 21h00 Nocturnes tous les jeudis jusqu’à 23h ; à partir du 5 avril, nocturnes tous les lundis et les jeudis jusqu’à 23h
 tarifs : 9 et 7 Euros
 renseignements : lien vers le Centre Pompidou

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