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El Paseo de Gracia, de Mario Soldati

Mario Soldati, en mourant à 93 ans en 1999, a laissé derrière lui une oeuvre considérable comme écrivain et cinéaste. S’il n’est pas très connu en France, éclipsé sans doute par Moravia et Pasollini, il est très populaire en Italie. A travers le cinéma et la littérature, il s’est toujours attaché à décrire les moeurs des Italiens, notamment des bourgeois, à dévoiler leur part d’ombre, à souligner souvent, non sans férocité, leurs travers.


Le roman El Paseo de Gracia, écrit en 1987, raconte l’histoire d’un scénariste et décorateur italien appelé Eugénio. C’est la fin des années 80, il travaille à Los Angeles et s’apprête à retourner à Rome pour des raisons professionnelles. Par hasard, il se remémore un moment de sa vie passée, une femme, Olga, amie de sa femme, avec laquelle il a eu une liaison quinze ans auparavant. Bien sûr Eugenio, trés épris de son épouse, ne la trompait pas sans scrupules. Mais Mario Soldati analyse avec beaucoup de finesses, non tant sa peur d’être découvert, que ses tourments érotiques. L’auteur décrit Olga comme une jolie femme parmi d’autres et montre en même temps ce qui dans son corps la rend exceptionnelle pour Eugenio. En outre, cet adultère n’est pas banal. Ce n’est ni une nouvelle version des amants diaboliques, ni un amour paisible habitué à la clandestinité. La relation entre Olga et Eugenio, en fait, ressemble un peu à la dialectique du maître et de l’esclave. Eugenio donne les ordres : il est l’employeur d’Olga et donc le seul à décider du moment des rencontres. Olga obéit : elle est amoureuse d’Eugenio et son bonheur au fond c’est de parvenir à le faire succomber de désirs.

Cette histoire troublante qui ne va pas sans créer un certain malaise, surtout dans l’atmosphère moite de Rome en plein été, nous plonge aussi dans les heures fastes de Cinecittà. Eugenio est alors considéré comme un véritable créateur et l’activité cinématographique ne connaît aucun temps mort. Quand Eugenio retourne à Rome, des années plus tard, le cinéma est aux mains des Américains et Rome n’est plus la même. Ce roman est loin d’être exempt de cette mélancolie qui devait être celle aussi de Soldati, comme de tous ses contemporains, merveilleux acteurs et créateurs du cinéma italien des années 1950 aux années 1970.

L’image d’Olga, qui vient bouleverser une dernière fois Eugenio, est liée aux souvenirs d’une époque heureuse mais révolue. Avec le temps, même les angoisses deviennent attachantes et douces.

par Ariane Charton
Article mis en ligne le 6 décembre 2004 (réédition)
Publication originale 20 février 2002

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