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La Famille Tenenbaum, de Wes Anderson

Après Bottle Rocket et Rushmore, Wes Anderson continue d’explorer le genre de la comédie. Le réalisatuer poursuit sa collaboration avec les frères Wilson avec qui il avait déjà coécrit ses oeuvres précédentes. Avec l’aide d’un casting commercialement plus porteur (Gene Hackman, Gwyneth paltrow et Ben Stiller), espérons que Wes Anderson parvienne avec cette comédie très réussie à toucher un plus large public. Son humour s’impose en tout cas comme un des plus inventifs de ces dernières années.


Mais qu’a t’il bien pu arriver aux trois enfants Tenenbaum, Chas (Ben Stiller) le maître de la finance, Margot (Gyweneth Paltrow) la fille adoptive dramaturge à succès et Richie (Luke wilson), le champion de tennis ? Après avoir connu la réussite et la gloire avant même leur dixième printemps, les voilà vingt ans temps plus tard seuls, déprimés, oubliés. Heureusement, un homme a décidé de réagir. Non pas qu’il soit a priori plus attaché que ça à sa famille (faut pas trop lui en demander), mais bon, là il est totalement ruiné et mis à la porte de son hotel, alors les perspectives qui s’offrent à lui sont plutôt limitées. Cet homme "providentiel", c’est Royal Tenenbaum, le père de famille magnifiquement interprété par Gene Hackman. Parviendra t’il à recoller les morceaux ou s’enfoncera t’il complètement dans la débacle ? La réponse réside forcément dans l’entre-deux.

Parler du comique de La famille Tenenbaum, c’était tenter l’impossible : rendre justice à l’incroyable sens du détail que déploie Wes Anderson dans toutes ses scènes. Il n’y a pas ici à proprement parler de comique de performance, le jeu des acteurs étant pour l’essentiel terne et monolithique. Ce qui fonctionne, c’est une quantité de petites choses toujours très justes des tenues rouges des enfants de Chas à la relation hilarante entre Royal et l’aide Pagode, un verre de champagne placé à un endroit et pas un autre. Wes Anderson fait preuve d’un très bon sens du cadrage et sa mise en scène plutôt frontale est généralement très efficace.

Le réalisateur s’appuie quand même sur des bases très solides : des dialogues réussis et surtout une accumulation de scènes délirantes. Wes Anderson fait ici preuve d’une inventivité hors du commun. De la présentation des membres de la famille en ouverture au flashback sur la vie secrète de Margot un peu plus tard, le film est plein de fantaisies qui ne cessent de nous surprendre. C’est à un sens aigu de la scène plus qu’à une construction d’ensemble originale que l’on doit la réussite du film.

La famille Tenenbaum est en fait bien plus qu’une comédie. Derrière la façade comique de l’ensemble, le film revendique clairement une certaine gravité. Celle-ci passe déjà par les personnages, tous névrosés en puissance au regard perdu dans le vide. Le film joue beaucoup sur leur manque de vie, d’énergie. Ils sont déjà fatigués, dépassés par leurs échecs. Car l’un des thèmes principaux du film est justement de savoir comment réagir face au succès. Si ce dernier peut être grisant, il n’apporte pas forcèment toutes les satisfactions qu’un individu peut attendre de la vie et surtout il n’est pas forcément éternel. La famille Tenenbaum aborde des sujets aussi difficiles et divers que l’adoption, le divorce, la drogue ou le deuil. Les personnages sont tous devenus des excentriques marginaux qui cherchent constamment à se soustraire au regard des autres alors que c’est là qu’ils ont tout à gagner. La famille n’est pas présenté sous un jour idyllique et les personnages ont tous quelque chose à se reprocher. La musique très sixties et seventies ajoute bien souvent à cette mélancolie travaillée par le film.

La famille Tenenbaum marque finalement un renouveau de la screwball comedy des années trente, quarante et cinquante telle que l’a pratiquée un Howard Hawks. Le thème du mari voulant empêcher son ex-femme de se remarier est à ce titre un grand classique. Le film s’appuie avant tout sur des personages très travaillés, servis par d’excellents comédiens (dommage toutefois que Bill Murray et Ben Stiller soient largement sous-exploités). L’essentiel ici pour tous comme dans Monkey Business (Chérie, je me sens rajeunir) est de réapprendre à vivre normalement, et donc à retrouver son âme d’enfant.

Le film fait l’éloge de ceux qui savent s’amuser, vivre l’instant. Après tout Royal n’est pas si triste en compagnie de Pagode ou de ses petits-enfants. Margot et Richie de leur côté sont manifestement plus heureux ensemble que séparés. Les personnages arrivent peu à peu à se détacher de leur passé et de vieilles rancoeurs pour penser sereinement à l’avenir. La famille Tenenbaum a certainement encore beaucoup à nous apprendre. Leurs aventures sont en tout cas un pur régal.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 10 octobre 2004 (réédition)
Publication originale 14 mars 2002

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