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Blade II

Quelques mois seulement après une petite réussite du film fantastique à l’européenne l’échine du diable, Guillermo del Toro (Cronos, Mimic) revient sur nos écrans avec un bon gros blockbuster américain, Blade II. Et là, surprise. Le résultat est encore plus réussi. Blade II s’impose tranquillement comme un classique du genre. Très réjouissant.


(JPEG) Le début pouvait nous faire espérer le pire. Blade II s’ouvre comme un traditionnel film de vampire un peu gore. Beaucoup d’actions, d’explosions et une bande son rock à réveiller des morts. Tout ce que proposait la bande annonce du film en quelque sorte. Pourtant, le résultat final est très loin de cette optique manièriste, second degré purement jubilatoire que de nombreux cinéastes ont déjà exploré, de Carpenter aux récentes productions de Dickerson (Bones) ou Kitamura (Versus l’ultime guerrier) avec plus ou moins de réussite. Blade II est à l’opposé de ce cinéma là. C’est un film noir, très violent qui prend son spectateur aux tripes pour ne plus le lâcher. Le premier épisode de ce justicier mi-humain mi-vampire se concentrait sur sa lutte avec la nation secrète des vampires qui avait tué sa mère et l’avait contaminé. Si l’affrontement se poursuit ici quelques minutes le récit bascule brusquement. Les ennemis traditionnels de Blade (Wesley Snipes) viennent lui proposer une alliance inédite : les rejoindre dans leur lutte contre un nouveau type de vampires pathogènes assoiffés de sang. Epaulé par son mentor Whistler (Kris Kristofferson) et le jeune technicien Scud, il accepte la proposition au nom de la défense de l’humanité en danger et avec un petit groupe de tueurs déterminés se lance dans une chasse aux "mauvais" vampires.

(JPEG) La réussite de Blade II tient pour beaucoup à l’intelligence de son scénario. Ce dernier présente les relations très complexes qui unissent les différents groupes de vampires tout en nous cachant leurs motivations profondes. Chacun défend ses interêts. Les divers personnages sont tous l’objet de nombreuses suspicions appuyées par la réalisation sans que l’on sache à aucun moment à quoi sans tenir. Le spectateur est amené à imaginer de nombreuses possibiltés de trahisons sans que celles-ci prennent corps dans le récit. Le positionnement du public envers les personnages est donc très ambigu. Le film évite ainsi tout manichéisme simplificateur. Les personnages sont tous très développés. Guillermo del Toro parvient à faire monter la tension avec une très grande efficacité en organisant de longues plages de pauses entre les diverses scènes d’action pure. Ces dernières sont aussi plutôt bien filmées même si les combats dérivent par moment vers de simples mouvements de catchs et une stylisation à outrance qui va un peu à l’encontre de l’esprit général du film (cf. le jet des lunettes de soleil). Cet intérêt de l’histoire pour la trajectoire des personnages et la réussite visuelle des scènes d’action confèrent au film une vraie violence psychologique qui participe à la noirceur du film.

(JPEG) L’univers de Blade II est hanté par le sang et la mort. Le film développe une esthétique gore efficace et très troublante. La nouvelle race de vampire, les reapers, a quelque chose de parfaitement effrayant visuellement. Cet horreur s’inscrit dans leur nombre, leurs actions mais surtout directement dans leur physique. Les effets spéciaux à ce niveau là sont une parfaite réussite tant ils s’intègrent parfaitement aux images. Toute la violence passe ici par la chair, l’incarnation comme dans cette magnifique scène de dissection d’un reaper digne d’un Cronenberg. Pour mourir, les vampires s’embrasent avant d’exploser en mille morceaux.

(JPEG) Cet univers sanguignolant et ultra-violent n’a rien de froid. Blade II est aussi un film touchant plein de sentiments et de poésie. L’avant dernière scène du film est à ce sujet là tout simplement magnifique. Ce qui touche, c’est le dilemne des personnages coincés entre leurs affinités et le fardeau de leurs races qui leur impose certains comportements. Ils sont pris au piège de ce qu’ils sont, de leur histoire. Blade, mi-humain, mi-vampire est au centre de ce déchirement. Il n’a jamais accepté sa contamination et réprime sa soif de sang par de multiples injections. Il s’est fixé pour but d’éliminer ceux qui souffrent des mêmes maux que lui sans chercher forcément à les comprendre. Tous sont ainsi ambigus, tiraillés par de nombreuses contradictions. Ces dernières sont aussi celles d’un film qui à plusieurs moments comme dans la dernière scène reprend sa logique de simple blockbuster. Pour toutes ces raisons, Blade II est une grande réussite du genre, très bien servie par Wesley Snipes et sa performance physique pleine de classe ainsi que d’excellents seconds rôles. On attend maintenant avec impatience la suite de la carrière de Guillermo del Toro qui s’annonce très prometteuse.


De Guillermo Del Toro, on pourra lire la critique de L’échine du diable.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 23 décembre 2004 (réédition)
Publication originale 22 juin 2002

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