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Le Robert : poète des noms peu communs

Portrait d’un auteur/rêveur, issu du slam mais poète avant tout

Il ne passe pas chez Pivot, ni à Bercy, il passe à l’Entrepot, un peu par là et par ici. Qui est Le Robert ? Un mutant homme-dictionnaire ou un agent secret militant du Rêve, qui traque vos oreilles et vos sentiments où qu’ils soient ?


Comment expliquer le Robert ? Voilà un bestiau qui n’a pas d’entrée dans un dictionnaire pourtant éponyme.

À ceux qui cherchent l’étiquette « poète devant l’éternel », nous répondrons que le Robert veut bien l’être si on lui trouve une tour d’ivoire pas trop chère, sans squatteurs mégalomanes dépressifs (style Arthur et Paul) et avec ascenseur (parce qu’habiter au rez-de-chaussée d’une tour d’ivoire, c’est toujours embarrassant et il y a de plus grands risques de cambriolage). À ceux qui veulent voir l’étiquette « poète populaire », il répondra que ça ne veut rien dire populaire, sinon la volonté démagogique de se conformer au moule créé par les foules. Non, le Robert poète, et poète comme il le sent, sans se soucier des modes, et c’est la raison pour laquelle son public vient de tous milieux et de tous âges. Il écrit sur les fêtes foraines, sur le voyage halluciné aux confins de l’infini, sur l’amour, le sexe, sur l’amitié, sur le fait d’avoir 50 ans... (JPEG)

La science-fiction, dit-il, est un moyen de recul fantastique sur notre époque. C’est un regard pur, dénué des conventions que peuvent avoir d’autres styles, sur notre temps, notre société, un voyage de dépaysement total qui permet de revenir à l’essentiel. Le Robert aime aborder les sujets avec humour et ironie, peut-être un moyen de conjurer « toute l’angoisse des matières en attente », comme il le dit dans l’un de ses textes phares Le Petit Prince. Dans ce texte, le poète nous emmène dans un voyage halluciné, un space opera digne des plus grands auteurs du genre. Tout commence avec ce petit prince, adolescent rebelle, qui se tatoue un dessin de mouton sur le cœur. Avec le voyage, le petit prince va grandir, mais ne va plus être prince du tout. Il sera « arpenteur de la galaxie », ouvrier « dans les mines d’une planète sèche », contrebandier puis « banque d’organe vivante ». Il sera l’amant d’une guerrière et « mendiant aux marchés d’Andromède ». Le petit prince est devenu un grand misérable, si grand que les marins content ses faits, s’en disant les héros « pour plaire aux yeux des filles »...Après avoir parcouru l’univers à la recherche de sa planète, de son monde, le petit prince, ayant atteint l’âge mûr, se rend compte que, par son voyage et par l’expérience qu’il en a retiré, la planète qu’il recherchait n’est autre que lui-même. Il était devenu sa propre planète.

Et lui, Le Robert, comment se présente-t-il ? Fiche technique :

"Le robert : 50 ans. Profession : faiseurs de mots. Scolarité moyenne. Bon à rien, bon en rien.Sauf quand on lui laisse le champ libre dans sa tête. Dans cette vacuité s’engouffrent des histoires. A arrêté d’écrire vers l’âge de 25 ans. Lis beaucoup de science fiction, de polars. Aime le cinéma fête foraine plus que le cinéma « responsable » Déteste Breaking the wave pour des raisons idéologiques Aime le cadre de la photo. Travaillait dans les laboratoires photo. À 47 ans, se retrouve sur le carreau. La révolution numérique et « pour la cohésion de nos équipes, nous aimerions quelqu’un de plus jeune... » ! Plus de boulot. Et bientôt plus du tout envie d’en retrouver. Régime pâte et riz. Régime huissiers procès pour loyer impayé. Collocation difficile. Perd du regard les humains. RMI. En mars 2002, participe pour la première fois à une scène ouverte, dite scène slam au café « les lucioles » animés par pilote le hot (MC prétentieux) avec un texte de dix lignes. Sueurs, tremblements, applaudissements. Il s’accroche, continue, écrit un texte nouveau pour chaque scène. Sueurs, tremblements, applaudissements. Retrouve l’écriture et le regard des autres humains. Fréquente les slameurs, rentre dans une histoire. Ecoute beaucoup... On dit qu’il a des univers et des aspérités. Apprivoise la peur, essaye de donner et de prendre du plaisir. Devient un « kador » du slam Il dit qu’il est plutôt un cabot mais ça lui fait quand même plaisir. Trouve les oppositions de genre entre hip hop et « littéraire » complètement stupide. L’essentiel est dans l’émotion des trois minutes. Yann Thomas, MC réputé (et humain d’excellence, c’est le robert qui le dit) le connecte avec des musiciens free jazzant.

« Je ne sais pas chanter »,
« J’y arriverais pas »,
« C’est des petits jeunes ! »

ça le fait quand même, aux voutes , en avril 2004 sur son texte LE PETIT PRINCE. Sueurs, tremblements, applaudissements. Découvre de nouvelles sensations. Rencontre de Jérome Bonnin, musicien pianiste qui lui compose un sur mesure pour le texte « Mon peuple ». En écoutant, le robert a la larme à l’œil. L’émotion des trois minutes. Shakiamuni, MC réputé (et tagueur du mot AMOUR sur les trottoirs de la ville) lui propose un set de trois quart d’heure à l’Entrepôt début mars 2005. Réunit Jérome (Piano et guitare), Gilles (basse) et Julien (piano). Bons ingrédients font de la bonne cuisine. Sueurs, tremblements, applaudissements. Ça le fait. Salle comble. Public heureux. Le Robert a trouvé son truc !"

Le Robert est donc devenu un poète de scène, de l’Entrepot au Barbizon, en passant par le Playlounge le 21 janvier 2006, toujours vers d’autres scènes, tel un conteur suivant un itinéraire imaginaire. On pourrait de ce fait entrevoir l’âme du poète populaire. Le conteur a besoins d’oreilles et non d’yeux, comme en ont seulement besoin les poètes de papiers. Mais ne serait-ce pas avant tout la générosité, le désir de partager qui pousseraient notre Robert à arpenter les scènes, tout comme son petit prince arpente la galaxie ? Son texte Je t’échange, où il propose un troc mercantile mais farfelu, ne se termine-t-il pas par un don, lorsqu’il s’exclame : "Et si tu n’as rien à échanger, je te donne...tout !" ?

par Jérôme Bonnin
Article mis en ligne le 25 avril 2005

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