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La Maison des Wendel (1704 2004), trois siècles d’industriels en Lorraine

Exposition au Musée d’Orsay à Paris du 16 novembre 2004 au 13 février 2005.

Dans la lignée des expositions consacrées aux grandes dynasties, comme les architectes Vaudoyer en 1991, les Schneider en 1995 et les artistes Halévy en 1999, le Musée d’Orsay se propose de retracer l’histoire industrielle, économique et sociale de la Lorraine à travers celle de la Maison Wendel, qui célèbre cette année son tricentenaire et qui fit des forges du XVIIIème siècle le fleuron de la sidérurgie française, et même européenne. Elle a marqué la vie de la Lorraine et continue encore aujourd’hui de jouer un rôle dans l’économie française.


L’épopée des Wendel.

François de Wendel (1778-1825) - 6.8 ko
François de Wendel (1778-1825)

L’épopée commence en 1704 quand Jean-Martin Wendel, anobli en 1727 et dont la famille, originaire de Bruges, s’est installée depuis peu en Lorraine, devient directeur des forges d’Ottange puis achète une forge à demi ruinée à Hayange, dans la vallée de la Fensch. Ce pionnier développe le système, et ses fils héritent alors de cinq forges en pleine activité. Son petit-fils, Ignace de Wendel est l’un des fondateurs de la fonderie royale du Creusot. Ingénieur féru d’innovations techniques, écrivain et philosophe, ami de Goethe, alors ministre en charge des mines et des forges, il s’exile en Allemagne pendant la Révolution française. Une femme, Marguerite d’Hausen, dite la Dame de Hayange, veuve depuis 1784 de Charles de Wendel, le fils de Jean-Martin, choisit de rester en Lorraine pour veiller sur le patrimoine familial. Mais les forges sont confisquées et elle est emprisonnée à Sarreguemines.

La famille rachète les forges en 1803 et en profite pour entamer la modernisation. François de Wendel (1774-1825) s’occupe des forges de Hayange, achète celles de Moyeuvre et de Jamailles. Il entre en politique et est élu député et Président du Conseil général de la Moselle. Son fils Charles (1809-1870) fonde la ville et les forges de Stiring-Wendel avec son beau-frère le baron Théodore de Gargan. Avec l’acquisition des houillères de la Petite-Rosselle, mises en marche en 1853, ils disposent de la matière première nécessaire à l’alimentation des hauts-fourneaux, cumulant ainsi mines de fer, de charbon et forges. Touché par les idées paternalistes des grands patrons du XIXème, il initie une politique sociale en créant une ville ouvrière, hiérarchisée par la présence de la direction et des usines, inaugurée en 1857 par Napoléon III. Il bâtit des hôpitaux, des églises, des écoles, des centres d’apprentissage, des dortoirs-cantines pour les célibataires. Il crée des économats de ravitaillement, puis des coopératives pour fournir de la nourriture à bas pris à ses ouvriers. Il élabore des plans d’aide et dès 1836 les secours gratuits sont organisés pour les malades et les blessés. En 1866 est institué un régime d’indemnité de maladie et d’assistance aux familles en cas d’accident. Des pensions, retraites et récompenses pour l’ancienneté sont mis en place. Ce système reste un modèle jusqu’en 1930. Comprenant l’importance du chemin de fer, il relie les usines entre elles et les raccorde au réseau de la compagnie des chemins de fer de l’Est. À ce moment, la Maison de Wendel produit 134 500 tonnes de fonte par an et est la première entreprise sidérurgique française.

La Moselle est annexée par l’Allemagne en 1870 et une partie de la famille s’exile. Madame François de Wendel, veuve depuis 1825, se trouve confrontée à l’annexion. Son fils Charles est mort en 1870. Elle crée alors la Société des Petits-Fils de François de Wendel, ce qui lui permet de conserver la propriété et la gérance des usines. Henri de Wendel (1844-1906) et Robert, fils de Charles, prennent la direction des usines. Henri reste à Hayange tandis que Robert vit en territoire français. Les usines passent à l’âge de l’acier quand Henri achète le procédé permettant de fabriquer de l’acier mis au point par les ingénieurs britanniques Percy Thomas et Sydney Gilchrist. Les établissements Wendel comptent alors parmi les plus puissants d’Europe. Pour pallier le manque de main d’œuvre, ils font appel à des étrangers, notamment des Italiens et des Polonais, ce qui contribuera à donner à la population du bassin houiller un nouveau visage : on dénombrera dans le deuxième tiers du XXème siècle plus d’une centaine de nationalités. Désireux de posséder une usine en France, les Wendel, associés aux Schneider et à la banque Seillière, mettent le feu à l’usine de Joeuf en 1882, afin de pouvoir ensuite reconstruire de l’autre côté de la frontière. Ils bâtissent des résidences : Henri fait édifier le château de Joeuf, à proximité de la frontière, pour permettre à ses enfants de venir le voir et son fils Maurice construit dans le parc le château de Brouchetière en 1905. Il achète en 1913 un hôtel particulier à Paris, avenue de New York et y reconstitue le décor de l’hôtel Besenval, conçu en 1782 par Clodion et conservé au Louvre. Il commande au peintre catalan José-Maria Sert (1876-1945) un décor consacré à la reine de Saba, et qui est conservé au musée Carnavalet.

Lorsque la Moselle redevient française, en 1918, les trois fils d’Henri, François II, régent de la Banque de France, homme politique et président du Comité des Forges, Humbert et Maurice se partagent la direction. L’entreprise est à son apogée et compte en 1925 environ 40 000 ouvriers, parmi lesquels de nombreux Polonais et Italiens. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, les usines sont confisquées par les Allemands et les Wendel sont expulsés. A l’issue du conflit, les mines doivent être reconstruites. Les mines de charbon sont nationalisées en 1946 et le dernier grand maître historique des Forges, François II meurt en 1949. La maison vit les grandes tourmentes qui touchent la sidérurgie, et en 1978 l’ensemble de l’empire Wendel est nationalisé sans indemnisation. La famille Wendel se reconvertit dans l’investissement, tandis que la sidérurgie lorraine décline.

L’exposition

L’exposition s’articule autour de trois thèmes principaux : l’histoire de la famille Wendel, de leur arrivée à Hayange jusqu’à la mort du dernier maître historique, François II, à travers une série de portraits, d’aquarelles, de photographies de leurs résidences, d’objets de la vie quotidienne et de souvenirs personnels ; les grandes avancées industrielles, techniques et sociales, avec la fondation du Creusot, des représentations de machines, des techniques d’exploitation ; la vie des Lorrains dans les mines et les usines, avec notamment le grand tableau d’André Rixens peint à Hayange, intitulé Laminage de l’acier : enfournement et défournement des lingots et qui obtint la médaille d’or de l’Exposition universelle de 1889, ou encore la représentation métaphorique de la Moselle annexée par Alphonse de Neuville. La plupart des objets de cette dernière section proviennent de collectionneurs lorrains et du musée des mines de fer de Neufchef.

Le choix de relater l’histoire complexe de la Lorraine et de l’industrie française par le biais de la dynastie Wendel est particulièrement judicieux, étant donné l’imbrication de son histoire avec celle de cette région, mais l’on regrette que la condition des ouvriers, leur vie quotidienne et le déclin de la Lorraine consécutif à la fermeture des industries sidérurgiques et des mines ne soient qu’évoqués à travers des plans de bâtiments ou de cités ouvrières, des photographies de groupes, des médailles ou des outils. On regrette également le manque d’explications et une présentation un peu trop traditionnelle : des objets brièvement étiquetés dans des vitrines ou suspendus aux murs, un panneau explicatif à l’entrée de chaque salle que l’on se doit de prendre le temps de lire si l’on veut comprendre le sens des objets présentés. La scénographie n’a rien d’originale et les objets sont exposés pour servir le discours, non pour leur qualité esthétique ou technique. Il s’agit d’une exposition sur l’histoire sociale, économique et industrielle de la Lorraine et la famille Wendel à travers un parcours scénarisé, où les éléments assemblés ont pour fonction d’illustrer le propos. À ce titre, on regrette d’ailleurs certaines ellipses dans le récit : il aurait été intéressant d’en savoir davantage sur le fonctionnement et la gestion du groupe à travers les époques, sur le réseau de relations des Wendel et leur vie parisienne... Malgré la présentation de quelques peintures de hauts-fourneaux, la thématique de l’industrie inspirant les arts est assez peu soulignée, alors qu’elle aurait méritée sans doute plus d’attention (notamment grâce à davantage d’œuvres contemporaines, toiles ou photographies, par exemple).

Le film réalisé par Jérôme Habans fournit un récit sur l’histoire de la famille de Wendel, de ses débuts en Lorraine jusqu’à Ernest-Antoine Seillière, l’actuel président du groupe Wendel et descendant de la famille, qui clôt le propos par un discours sur la vitalité des Wendel et leur capacité d’adaptation. Mais qu’en est-il de la Lorraine ? Si les Wendel ont réussi à se reconvertir en un groupe d’investissements, détaché de toute considération liée au sol, au territoire, la Lorraine, terre qu’ils exploitèrent et à laquelle ils doivent leur richesse, elle, ne s’en est toujours pas remise

par Sandrine
Article mis en ligne le 3 mars 2005

Informations pratiques :
 dates : du 16 novembre 2004 au 13 février 2005
 lieu : Musée d’Orsay, Entrée par le parvis, 1 rue de la Légion d’Honneur , 75007 Paris (Niveau médian, salles 67-69)
 horaires : tous les jours, sauf le lundi, de 10h-18h, 9h-18h le dimanche, 10h-21h45 le jeudi
 tarifs : 5-7€, tarif réduit le dimanche ; entrée libre pour les moins de 18 ans et 1er dimanche du mois
 renseignements : 01-40-49-48-14, www.musee-orsay.fr

 commissaire de l’exposition : Caroline Mathieu, conservateur en chef au musée d’Orsay, en collaboration avec Michaël Chkroun
 scénographie : Renaud Pérard
 présentation d’un film de 13 minutes réalisé par Jérôme Habans

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