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Ali

Michael Mann, le réalisateur de films remarqués comme Le dernier des Mohicans, Heat ou Révelations, s’attaque à la vie du boxeur Muhammad Ali. Il en dresse un portrait fort et émouvant servi par l’interprétation tout simplement exceptionnelle de Will Smith qu’on avait jamais vu aussi bon jusqu’ici. Il habite le rôle d’une manière parfaitement sobre et crédible. Un grand acteur est né.


Le regard accroché sur une page de journal, la vie du jeune Cassius Clay bascule. Il découvre l’Amérique des années cinquante et les brutalités du sud raciste. Il sait que désormais il va devoir se battre pour s’imposer. Le ring sera son terrain de prédilection. Et le voilà, prêt à tout pour arriver au sommet. Il court, saute à la corde, frappe. La boxe lui permet de se retrouver seul face à lui-même. C’est son meilleur moyen d’expression. D’autres ont préféré la politique ou la musique. Lui sera champion du monde des poids lourds à seulement vingt-deux ans. Nous sommes en 1964, sa carrière ne fait que commencer.

Michael Mann ne s’intéresse pas seulement au boxeur. Ce qui compte avant tout, c’est l’homme. Celui qui cherche sa voie entre les femmes de sa vie, le ring, sa famille , ses proches ou sa religion. Il n’hésite pas ainsi à changer son nom pour Cassius X puis Muhammad Ali au grand regret de son père. Mann filme donc en parallèle ces dix années de la carrière du boxeur et des scènes plus intimes en familles, en couple ou avec ses proches sur fond d’une bande son omniprésente qui donne beaucoup d’intensité à Ali et rend un brillant hommage à la musique afro-américaine. Le boxeur est à la fois un témoin privilégié de son époque et le symbole d’une communauté noire à la recherche de nouvelles marques. Muhammad Ali cotoie les grandes icônes de son temps comme Malcolm X ou les Beatles. Il écoute avec respect la parole du leader spirituel Elijah Mohammed. Il regarde les émeutes raciales à la télé ou devant chez lui sans broncher et verse une larme seul dans sa voiture après la mort de son ancien ami Malcolm X. Car quelques soient ses convictions, son combat est avant tout personnel. Il ne plie ni devant ses proches ni devant la nation américaine exigeant qu’il se rende au Vietnam et qui lui retire son titre de champion. Ali est constamment seul face à un destin qui le dépasse un peu.

Garder la tête haute, voilà l’objectif que le champion s’est fixé. Il poursuit son parcours sans broncher. Il sait qu’il est le plus fort et qu’il n’a personne à craindre sur un ring ou en dehors. Son jeu de jambe est tout simplement inimitable. Il tombera bien une ou deux fois mais sans jamais se décourager. Ali n’est nullement un saint ou l’être parfait. Il lui arrive de commettre des erreurs, mais il ne s’arrête pas à celles-ci. Sa personnalité est complexe. Ali est expansif et provocateur avec les médias dont il a parfaitement compris l’importance mais beaucoup plus réservé voire renfermé avec ses proches. Il apprend petit à petit à pardonner et à s’ouvrir aux autres quand il en a besoin. Les deux personnes qui l’aideront le plus dans son parcours sont ainsi celles qu’il a appris à respecter malgré les différences qui pouvaient les séparer, un Juif noir et un reporter sportif blanc. Il reste aussi lucide sur le fait qu’il est utilisé par Nation of Islam ou Mobutu pour sa notoriété. Son chemin est tout tracé. Seuls comptent les résultats pour lui et sa communauté. Il sera le champion du peuple.

Cette capacité à se reinventer en permanence dans les moments les plus difficiles et cette confiance en soi inébranlable font la force de cet homme qui dix ans après son premier sacre repart en Afrique affronter le nouveau jeune champion invaincu George Foreman à Kinshasa au Zaïre. Ce combat peut-être le plus connu de toute l’histoire de la boxe est l’apogée de la carrière d’Ali. Michael Mann le traite d’ailleurs dans cette optique. Il s’attarde un long moment sur l’avant et l’après combat. Ali découvre avec une certaine surprise que son parcours n’a pas été vain. Il a gagné le respect de tout un peuple, celui de ses racines, chantant en coeur "Ali, Bumayé". Le combat sera difficile mais il n’aura pas attendu toutes ces années pour rien. Nous sommes alors avec la caméra sur le ring avec lui, à le coller à tous ses déplacements, à regarder tous les coups qui le touchent. Les choses ont enfin changé. Ali n’est plus tout seul. Il peut lever le poing bien haut au ciel. Il entre dans la légende. Il restera à jamais dans l’histoire comme un des plus grands boxeurs de tous les temps.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 8 octobre 2004 (réédition)
Publication originale 1er mars 2002

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