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Macbett, d’Eugène Ionesco

C’est un Macbeth transformé et renouvelé qui sévit aujourd’hui au Théâtre 13 avec la complicité de la compagnie des Dramaticules : si l’œuvre de Ionesco, dont le titre Macbett a bien valeur de programme, évolue avec adresse entre respect et innovation de la pièce élisabethaine, la mise en scène qu’en a faite Jérémie Le Louët sait elle aussi combiner fidélité au texte, moderne cette fois, et détachement.


La répétition des scènes identiques à elles-mêmes, la représentation parodique d’une Fatalité omniprésente, incarnée avec dérision par un super-héros en cape né d’une gazelle et revenu de ses hautes études de commerce, la vanité et le vide des grandes réflexions philosophiques telles que le discours creux et stéréotypé du perdant qui cherche encore ses mots pour satisfaire un public avide d’aphorismes dénués de sens, ou encore l’incommunicabilité des relations humaines représentée à travers une scène de dépit amoureux où s’affrontent deux voix niant chacune l’existence de l’autre dans un échange plus monologique que dialogal... tous ces « détails » et effets de sens participent d’une même ligne directrice que constitue le théâtre de l’Absurde cher à Ionesco : absurdité du monde par son non-sens, absurdité des relations qui lient les hommes entre eux, absurdité de l’existence même, qui peut s’effacer et disparaître en un bref instant.

Mais Jérémie Le Louët a dépassé ce constat désabusé en dotant sa pièce d’une forte dimension brechtienne : les acteurs se changent sur scène dans des coulisses apparentes qui encadrent l’espace scénique, comme l’avait fait Brecht lui-même dans des pièces telles que Antigone. Ce jeu de « Distanciation », renforcé par un décor de plastique où on se met en joue avec des pistolets laser et où les rois coiffent des couronnes-lampions, touche à son paroxysme dans la dernière partie du spectacle, lors de la scène du banquet. En effet, les personnages secondaires (les invités, présents dans le texte) disparaissent en laissant place aux véritables acteurs de l’Histoire : les spectateurs. Ces derniers sont directement apostrophés par Macbett (Julien Buchy), les mettant ainsi face à leur indolence et dénonçant leur silence et leur implication directe dans le cycle infernal des dictatures. C’est alors toute une réflexion sur l’Histoire qui clôt cette brillante mise en scène en rejoignant le théâtre militant du Berliner Ensemble : l’Histoire des sociétés ne peut être faite que par les hommes, qui doivent sortir de leur léthargie pour agir, et non par une quelconque Fatalité dite « tragique » et extérieure au pouvoir humain.

Cette inflexion donnée à l’œuvre de Ionesco parvient alors à se déployer grâce à une mise en scène réfléchie et parfaitement orchestrée, mise en scène qui tient en majeure partie à la performance des acteurs, de tous les acteurs, qui brillent autant par la maîtrise d’un texte difficile que par des jeux de scène et une gestuelle réglés comme une mécanique de précision. C’est bien à un travail d’orfèvrerie auquel assiste le public, donnant ainsi un souffle nouveau et une dynamique importante à une œuvre déjà puissante en elle-même. Un vrai coup de maître !


Macbett, d’Eugène Ionesco

A l’affiche du 10 mai au 12 juin 2005. Théâtre 13, 103A, Boulevard Auguste Blanqui 75 013 Paris

La compagnie des Dramaticules. Mise en scène : Jérémie Le Louët

Scénographie : Virginie Destiné. Costumes : Sophie Volcker. Accessoires : Wolfgang Canal. Lumières : Jérémie Le Louët et Laurent Papot. Régie : Yann Boutigny-Lizerand (régisseur général) et Thomas Chrétien (régisseur)

Avec : Julien Buchy (Macbett), Florencia Cano-Lanza (La suivante), Anthony Courret (Glamiss), Hugo Dillon (Candor), Noémie Guedj (Lady Macbett), Jérémie Le Louët (Duncan), Laurent Papot (Banco)

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par Justine Marti
Article mis en ligne le 6 juin 2005

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