200 ans de Code Civil, des lois qui nous rassemblent

Exposition à l’Assemblée Nationale du 12 mars au 15 mai 2004

Chambre législative, l’Assemblée Nationale ouvre régulièrement ses portes au public. Elle devient salle de manifestations ponctuelles (la journée du livre politique), salle d’exposition (exposition sur la caricature en politique) et lieu de visite. Cette fois-ci, il est question de suivre le fil de l’histoire pour remonter 200 ans de Code Civil, puisque le mois de mars 2004 sonne le bicentenaire du Code Napoléon, code promulgué en 1804. L’occasion était belle donc, de réaliser une exposition-phare sur ce fameux code civil.

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« Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires ; ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code Civil ». Voilà ce qu’affirmait Napoléon Bonaparte. Œuvre brillante au style concis, le Code Napoléon est l’œuvre maîtresse du 19ème siècle, tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue littéraire. Pourtant, face à un si riche objet d’exposition, l’Assemblée Nationale a gâché une belle occasion de toucher le visiteur.

Le parcours de la visite se fait sur deux salles, et en quatre temps. Le visiteur apprend successivement la genèse du Code Civil, l’élaboration du Code Civil, son rayonnement et ses évolutions. L’exposition a le mérite d’être pédagogique et le visiteur saisit les différentes étapes par lesquelles le Code est passé. Parti d’un rêve de juristes et de philosophes du 18ème siècle, sur l’unification du droit français, le Code Civil a

finalement été publié et promulgué en mars 1804, sous l’impulsion de Napoléon Bonaparte et grâce aux travaux de quatre savants juristes (Tronchet, Portalis, Bigot de Préameneu et Maleville). Loin d’être relégué dans un coin poussiéreux, le Code Civil a immédiatement été mis en avant, et a fortement été associé au culte de Napoléon. Ce code n’est pas une œuvre d’un autre temps, puisqu’il constitue la base de notre Code Civil actuel et puisqu’il fait l’objet de nombreuses mises à jour.

Les documents exposés en appui des textes sont intéressants : quelques croustillants cahiers de doléances, des Codes étrangers, les projets de Code fournis par Cambacérès, quelques outils de propagande, des documents sur le Code Civil et l’esclavage. On peut toutefois regretter d’avoir assez peu de documents , pour une exposition qui commémore 200 ans de Code Civil, et on regrette surtout que ceux qui sont présents soient finalement assez peu exploités. Ils sont là parce qu’ils correspondent à une phrase du texte mais on en sait peu sur le document lui-même, si ce n’est les informations primordiales (date et auteur) et on ne sait pas exactement pourquoi ce document, plus qu’un autre, a été choisi. L’ensemble des informations théoriques est livré assez froidement, avec essentiellement un souci de synthétisme, de clarté et d’illustration par un ou deux documents.

Voulant prendre par la main le visiteur, l’exposition lui explique en des mots simples ce qu’il s’est passé, de façon chronologique. Et c’est tout. On regrette le manque de distance après 200 ans de Code, sur ce Code Civil et ce pourquoi certains articles furent rédigés, sur ce qu’il apporta de nouveau par rapport à l’Ancien Droit et ce en quoi le Code Civil était différent de ce qu’il est aujourd’hui (la position toute puissante du père de famille), sur les situations juridiques parfois iniques et profondément ancrées dans les mœurs (la situation des femmes) qu’il instaura. Au lieu de cela, l’exposition reste très lisse et finalement, assez peu intéressante. Si l’on est juriste, l’exposition est forcément attrayante, non pas pour ses explications mais pour les documents présentés. Si l’on n’est pas juriste, l’exposition doit être intéressante mais non captivante car trop factuelle. On s’ennuie dans cette exposition trop balisée, on aurait aimé plus de recul, d’analyse et moins de sérieux. Le parti pris extrêmement neutre de l’exposition semble ne pas vouloir briser certains mythes sur le Code Civil et on en ressort avec la détestable impression que le Code de 1804 était réellement « tout beau, tout neuf », qu’il ne présentait aucun défaut.

La deuxième partie de l’exposition tente de prendre ce recul mais elle le fait de façon très succincte. On comprend que Napoléon et le Code Civil ont formé les éléments indissociables d’un mythe et que pour nourrir ce mythe, on a entretenu par une certaine propagande la vague illusion que le rédacteur du Code Civil était Napoléon en personne.

Enfin, il faut souligner les conditions de visite qui m’ont semblé fort désagréables. Ayant visité l’exposition le 25 mars, soit 12 jours après son ouverture, j’ai pu constater que tous les panneaux de la seconde partie de l’exposition consacrée à l’élaboration du Code Civil, n’étaient pas collés sur leur support de bois ! Étonnant de voir une exposition en chantier. Par ailleurs, dans chacune des deux salles, des documents vidéos sont diffusés en permanence sur des écrans de télévision de dimensions impressionnantes. Malheureusement, la sonorisation est très forte et le visiteur a énormément de mal à lire les explications qui lui sont fournies ailleurs dans la salle. Le son empêche donc de se concentrer ! On ressort de l’Assemblée Nationale avec deux phrases en tête : l’article 1134 du Code Civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et l’artice 1382 « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer  ». Autant dire que l’on sort de l’exposition heureux d’être enfin arrivé à la fin.