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Visages du réel

Eléments pour un panorama du genre documentaire aujourd’hui

Elles ont sauté, les traditionnelles barrières entre document amateur, reportage, documentaire, cinéma militant ou même fiction ! Pour le meilleur (l’hybridation créative) comme le pire (les pot-pourris bâclés d’opinions personnelles). Qui faut-il blâmer ? La démocratisation de l’accès aux supports de prise de vue ? L’argument est peu convaincant : l’éthique de l’image est identique, quel que soit le domaine d’intervention, fiction comme documentaire. Alors aujourd’hui, quel état des lieux est-il possible de dresser ?


A ceux qui s’étonnent ou s’offusquent parfois de l’irrépressible tendance à classifier les genres cinématographiques ou les "modes d’appréhension du réel" par les divers outils audiovisuels existants, il est possible de répondre que le public, dans la grande majorité des êtres qui le composent, est entré dans une phase non naïve de la perception. Que faut-il entendre par là ? Que les nouvelles générations de spectateurs, ayant grandi parallèlement à une explosion médiatique sans précédent, sont plus à même de juger de la validité, de la crédibilité ou des potentielles manipulations idéologiques inhérentes aux œuvres que leurs aînés. Qu’elles sont désormais conscientes des infinies possibilités de détournement des images et que, par conséquent, leur vigilance est plus que jamais nécessaire.

Déontologie du journaliste, absence d’interventionnisme, fascination pour le spectacle et soif de révélations se bousculent dans la tête du documentariste. L’objectivité est un leurre, il le sait : toute prise de vues est révélatrice d’une intention spécifique, tout montage d’images induit un sens, toute chaîne d’images constitue un discours. Certes. Mais quelle importance donner à l’intention d’un côté, au "libre et inattendu surgissement du réel" de l’autre ? La classification permet de savoir où l’on met les pieds : ne pas tomber dans les panneaux si fréquents du spectacle consistant à s’attribuer les mêmes moyens que ceux que l’on combat (dans le cas du cinéma militant par exemple), c’est un premier défi ; savoir quel "support d’images", de la fiction ou du documentaire, est plus à même de concrétiser les intentions de départ en est un autre ; savoir concilier rage de filmer et rage de savoir, enfin, est le plus évident. Et cette question de l’adéquation entre moyens esthétiques et ambitions éthiques est la plus évidemment problématique.

Car il s’agit bien de cinéma, avant tout. Malgré tout. Ne pas surestimer le pouvoir des images, de la même manière qu’il ne faut pas sous-estimer la portée d’un discours. Le documentaire est à la croisée des chemins : éloigné autant que possible, dans la tête des spectateurs, du matériau fictionnel, il bénéficie par avance d’une crédibilité certaine. Or jamais les personnes filmées par le documentariste ne sont dans un au-delà du jeu. Il n’y a qu’à voir Muhammad Ali se démener comme un beau diable devant les caméras venues filmer son retour sur le ring, ou Bob Dylan se complaire dans des poses de petit bonhomme mystérieux pour l’équipe de D.A. Pennebaker. Ou encore l’ancien président Giscard, cerné avec talent par l’œil de Raymond Depardon lors d’une campagne électorale. Personne n’est innocent, ni l’auteur, ni l’objet filmé, ni le spectateur.

La démocratisation de l’accès aux supports de prise de vues (notamment à travers la DV - Digital Video, vidéo numérique) a permis une plus grande confusion entre les diverses pratiques audiovisuelles fondées sur une "appréhension non truquée du réel". L’appellation de documentaire est devenue, la majeure partie du temps, un pare-vent journalistique au rabais destiné à camoufler une compréhension difficile des enjeux artistiques et politiques des œuvres : parmi toutes ces images, il est temps d’apprendre à faire le tri. Artelio se propose aujourd’hui de lancer quelques pistes pour ce parcours du combattant, à travers des chroniques déjà parues ou à paraître.


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par Guilhem Cottet
Article mis en ligne le 25 juin 2005

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