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Metal et heavy metal : le mythe de l’anti-Orphée

Pour une approche explicative du heavy metal et du metal

Orphée, figure mythologique du poète et du musicien par excellence, comblé de dons par Apollon, partit du monde des vivants pour le monde infernal d’Hadès, à la recherche de sa bien-aimée. Par la beauté parfaite de sa voix et la douceur si émouvante de ses mélodies, il charma un à un les personnages les plus terribles de l’Enfer pour en atteindre le coeur, où se trouvait Hadès... Mouvement violent marginalisé, puis dans la pleine lumière des modes, le heavy metal a effectué le voyage inverse du poète Orphée. Né dans une esthétique infernale et dans les profondeurs des scènes de l’underground anglais, il s’est hissé à la lumière du monde par le truchement d’un pouvoir négatif, de mélodies dont la violence et la perversité ont fasciné les mortels de ce monde. Il est même allé jusqu’à s’inviter dans les productions grand public d’aujourd’hui, sous des formes édulcorées.


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La seule chose dont nous soyons certains concernant l’impact du heavy metal sur nos sociétés, c’est que ce genre musical a totalement rendu caduc l’adage "la musique adoucit les moeurs". Le genre a, en effet, catalysé tous les extrêmes de la production musicale des trentes dernières années, tant dans l’aspect visuel que sonore, tant dans les textes que dans la musique, tant par la violence et la perversité, que par la beauté et la virtuosité de certains morceaux.

(JPEG) Ce regroupement de tous les extrêmes en un seul genre artistique est sans précédent dans toute la production musicale et artistique connue jusqu’à nos jours. Cela s’explique partiellement par le fait qu’un artiste, aujourd’hui, doive s’entourer d’un visuel travaillé, sur ses pochettes de disques, dans des clips vidéo ou sur scène, lui permettant de pousser également à fond ce support. C’est, par exemple, ce que le romantisme, genre par excellence de l’excès sentimental en musique classique, au XIXème siècle, ne songeait évidemment pas à faire. Mais la réunion de tous ces extrêmes ne peut s’expliquer uniquement ainsi. Après tout, les autres courants musicaux d’aujourd’hui sont soumis aux mêmes lois et sont pourtant dans une tout autre logique. L’explication se situe sans doute dans le fait que le metal soit devenu, à partir du heavy metal, une figure esthétique du nihilisme. C’est une force négative [1] qui s’est autonomisée de la force positive qu’elle contrebalançait à ses débuts. Devenant un système à part entière et un système pour soi, le metal devait s’édifier uniquement avec les éléments qui l’ont fait naitre, et s’il voulait se développer pour être à la hauteur de son ambition, il lui fallait pousser ces éléments dans leurs derniers retranchements. De par les faits que nous venons de décrire, le metal est un mouvement musical qui a trouvé sa place dans l’Histoire. Une place marginale, cependant, bien que son impact dépasse les cercles marginaux dont il provient. Des groupes commerciaux en vogue tel Evanescence ne tentent-ils pas de sonner metal afin de peaufiner une image rebelle ? Ozzy Osbourne, père du heavy metal, n’a t-il pas un show ultra médiatique sur MTV, chaîne de télé se trouvant au cœur du mouvement de commercialisation musicale ?

(JPEG) Cela étant dit, la réflexion sur le heavy metal, et le metal en général, est souvent jonchée d’ombres, de fausses pistes, et souvent en proie à des confusions, voire des contradictions d’un ouvrage à l’autre. Le lecteur soucieux d’accroître ses connaissances musicales et musicologiques dans ce domaine ne peut qu’être frappé par l’imprécision des dictionnaires spécialisés dans leur définition de ce style. Hard rock ou heavy metal : la distinction est difficile, disent les uns (Michka Assayas, dir., Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2000.) ; le heavy metal est la seconde génération du hard rock, disent les autres (Jean-Marie Leduc, Jean-Noël Ogouz, dir., Le Rock de A à Z, Albin Michel, ed., Paris, 1999). Nous allons voir qu’il n’en est rien, et qu’au contraire, le heavy metal est un genre unique, se distinguant clairement du hard rock (bien que les deux soient cousins), et relativement aisé à définir dans le corpus des différents styles du rock. Le metal et le heavy metal sont des styles musicaux qui ne demandent qu’à s’expérimenter, à se jouer et à s’écouter ; et il faut bien sûr signaler que la majeure partie des travaux sur le metal sont l’œuvre d’amoureux du genre.

Cependant, nous reprochons à certains ouvrages leur vocabulaire souvent bien trop proche de la critique musicale. Si celui-ci se révèle très efficace pour la chronique et la description d’évènements, il s’avère inadéquat à la production d’idées sur le genre. Et c’est bien la production d’idées sur ces anti-Orphée que sont le heavy metal et le metal qui sera le fil directeur de ce dossier. Nous proposons donc ici de mettre en parallèle analyses socio-historiques et analyses musicologiques afin de parvenir à expliquer (en admettant que cela soit possible) quel est cet anti-Orphée dont la tête hideuse et torturée flotte désormais sur toutes les rivières de ce monde.


Bibliographie :

- Fabien Hein, Hard Rock, Heavy Metal, Metal, histoire, cultures et pratiquants, Mélanie Séteun, Nantes/Irma édition, Paris, 2003 (livre à ne manquer sous aucun prétexte, tant pour son exhaustivité que pour l’intelligence de sa présentation du metal)

- Philippe Paraire, 50 ans de musique Rock, Bordas S.A. Paris, 1990

- A. Benetollo, Y. Le Goff, Le Rock. Aspects esthétiques, culturels et sociaux, in Gourdon, dir., Histoire du Rock, CNRS éditions, Paris 1994

- The Guiness Who’s Who of Heavy Metal, Guiness Publishing, Middlesex, 1995

- G. Baddeley, Lucifer rising. Sin, devil worship & rock’n’roll, Plexus, Londres, 1999

Sites internet :

- The BNR Metal Pages
- Sons Of Northern Darkness
- The Americain Nihilist Underground Society
- Les Filles du Metal
- L’article de la Wikipédia consacré au Heavy Metal

par Jérôme Bonnin
Article mis en ligne le 26 mars 2006

[1] Le lecteur aura compris que négatif et positif ne renvoient pas, ici, à la notion de Bien et de Mal, mais bien plus à la classification de la nature des forces qui sont en jeu, un peu à la manière du yin et du yang taoïstes.

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