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CTI : "Le" label de la fusion ?

Ca a commencé comme ça. Dans un rayon. Et tout à coup le choc. Un gentil monsieur à la longue barbe, look taliban me faisait face. Son nom ? Muhammad. Il n’était pas boxeur. Mais son album Power of soul ne manquait pas de punch. Il n’en fallut pas plus pour acheter l’opus et découvrir à la fois un batteur de génie, et un label prometteur : CTI [1].


CTI : pour Creed Taylor Inc. Tout un programme. Rapidement, je fis quelques recherches rapides sur Internet. Taylor avait bossé auparavant chez Verve, un grand label du jazz. Et puis, à force de produire de produire des Jobim, de se sentir quelque peu retenu et engoncé dans ses fonctions, il se décida et lança un nouveau label dont le mot d’ordre était simple. Fusionner les genres, les influences, les instruments. En bref, les talents et les cultures.

A l’époque, à la fin des années 60, la bossa déferlait. Getz, Jobim et les Gilberto donnaient le "la" de la bossa et de la samba. Taylor sut les réunir, les faire travailler et enregistrer ensemble.

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Résultat ? Le tube "Wave" qui donna son nom à l’un des albums de Jobim - il enregistrera également Tide pour CTI - et un audacieux travail entre Turrentine et Astrud Gilberto.

Ce mélange des influences se retrouvera autrement. Et de manière beaucoup plus originale. Un flûtiste de génie, Hubert Laws, travailla grandement à donner une autre dimension au label de Taylor. Non seulement Laws contribua à fusionner certaines influences afros - Afro Classic - mais il travailla également à mélanger certains thèmes de musique classique avec le jazz.

Cet effort fut surtout déployé dans le Concert at Carnegie Hall, ainsi que dans son interprétation de la troisième gymnopédie de Satie - In the Beginning et trouve un certain écho par exemple dans des albums récents tels que Hymne au soleil des frères Belmondo. Mieux, entendre un flûtiste était chose vraiment inédite. Et CTI ne se contenta pas de produire uniquement Laws, mais enfonça le clou avec Jeremy Steig et son album Firefly.

Cette politique du label lui valut aussitôt un certain succès, et nombre d’arrangeurs de génie se précipitèrent dans le giron de Taylor. Du fait de l’influence brésilienne mentionnée plus haut, un certain Eumir Déodato fit son apparition.

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Arrangeur de génie, pianiste, il composa l’une des locomotives du label en reprenant le thème straussien d’Also sprach Zarathoustra. L’album Déodato fut un tube. Son successeur, Déodato 2 rencontra un écho moindre, alors que toutes les CTI all-stars y avaient pourtant contribué.

Car, c’est là l’un des aspects les plus "terribles" du label. Non seulement on mêlait les influences, mais surtout, on s’efforçait de regrouper les meilleurs instrumentistes. Ainsi, il n’était pas rare de voir Laws, Deodato, Turrentine, Benson et Carter jouer ensemble. Et être présent sur les albums des uns des autres. Période d’intense création par exemple pour Benson avec Bad Benson et Beyond the blue horizon que beaucoup d’amateurs du célèbre guitariste considèrent comme des albums les plus importants dans la carrière du guitariste.

CTI, c’est donc surtout une ambiance vivante. Et là... les concerts sont de réelles tueries. Malheureusement, il est difficile de se les procurer. Entre réédition au compte -goutte au Japon - Concert at San Francisco - vieille édition disponible par le biais de site américain - California Concert - concert live des thèmes de Deodato - Live at the felt forum, les occasions ne manquent pas pour démontrer l’efficace de la dynamique de groupe gravitant autour de Taylor.

Si d’aucuns reprochent parfois à CTI le caractère "commercial" et "facile" de certains de ses albums - songeons par exemple à certains album de Bob James, BJ4 par exemple, force est pourtant de constater que même Quincy Jones participa à l’épopée CTI avec Walking in space, album primé aux Grammy Awards [2].

Alors, si effectivement certains albums peuvent passer pour être moins originaux, moins novateurs et plus orientés "production", encore faut-il rendre justice à ce label qui propose, outre un univers musical réellement nouveau et remuant, une certaine esthétique. Pour en revenir à mes propos introductifs, outre le barbu Muhammad, l’hélico rappelant Apocalypse Now de la jacquette God bless the child la femme en burka de Black Widow, les champs de pétrole de Beyond the blue horizon, CTI sut prendre une position politique par le truchement de ses pochettes, d’un point de vue sémiologique.

par Hermes
Article mis en ligne le 13 mars 2005

[1] Pour des raisons de temps et de commodité, je vais restreindre le propos aux albums des 70’s. En effet, certains albums furent produits ensuite sous le label, mais ils n’eurent jamais la profondeur de ceux enregistré alors que Taylor pilotait son label. Je songe surtout à des albums assez pauvres comme celui de Jim Beard, Songs of the sun.

[2] D’autres albums furent primés : notamment certains de Jobim, de Getz... Toute la liste est consultable ici

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