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L’univers d’Edgar P. Jacobs : Blake et Mortimer

 

L’univers d’Edgar P. Jacobs : Blake et Mortimer

Un charme vieilli toujours jeune ?

Célébrons la BD, la vieille de la vieille ; une bonne vieille belge comme en n’en fait plus, mais qui reste toujours une valeur sûre. Empreinte d’un charme désuet, l’oeuvre d’Edgar Peter Jacobs dégage une atmosphère à nulle autre pareille.


Rebondissantes aventures, les pérégrinations de Francis Blake et Philip Mortimer, amis de toujours, sont entrées au panthéon des légendes de la Bande-Dessinée. Artelio se propose un retour sur les principaux piliers de cette oeuvre monumentales que sont le mythique Secret de l’Espadon, l’envoûtant Mystère de la Grande Pyramide et la dérangeante Marque Jaune.

Rapide panorama de l’oeuvre d’Edgar Pierre Jacobs

De l’auteur Né en 1904, Edgar Pierre Jacobs est artiste lyrique d’Opéra et illustrateur. Il doit interrompre sa carrière lorsque survient le second conflit mondial. A partir de 1942, il se consacre à la bande-dessinée. Il est en particulier remarqué pour son sens de la couleur.Il travaille sur Flash Gordon, ce qui débouchera sur un opus à part dans son oeuvre, le rayon U, dont les héros et thèmes préfigurent déjà ce qui sera son immense création Blake et Mortimer.

(JPEG)Il est remarqué par Hergé pour ses talents de coloriste par Hergé, qui lui confie le remaniement de sept albums de Tintin. Puis, en 1946, il crée pour le journal de Tintin la série Blake et Mortimer. Huit épisodes verront le jour, lLe secret de l’Espadon, Le mystère de la Grande Pyramide, La marque jaune, L’énigme de l’Atlantide, S.O.S. météores, Le piège diabolique, L’affaire du collier et Les trois formules du professeur Sato. A partir de 1947, il interrompt sa collaboration avec Hergé pour se consacrer uniquement à ses héros. Il s’est éteint en 1987. Après sa mort, les aventures de ses héros furent poursuivies par de nouveaux albums.

Son dessin se caractérise par une très grande précision, et un sens poussé du détail. Passionné d’histoire, il cherche par tous les moyens à se rendre sur les lieux qui serviront de théâtre à ses intrigues. Ainsi, il reproduit fidèlement des détails aussi anodins qu’un horraire du bus du Caire ! Il aime à préparer longuement et avec minutie chacun de ses albums, ce qui explique la maigreur de sa production.

Ses principaux personnages sont tirés de son quotidien. Ainsi, il donna à Olrik ses traits, geste non dénué d’une certaine ironie piquante. Mortimer n’est autre que le premier rédacteur en chef du journal de Tintin, Jacques Van Melkebeke. Quant à Blake, il est le dessinateur Jacques Laudy.

Le style de Blake et Mortimer est la ligne claire. Style initié par Hergé, qui défend la réduction du dessin à son expression la plus essentielle et la plus précise. La main doit être ferme, et le trait de crayon rigoureux. Ce sont les applats de couleurs, souvent vives, qui donnent à cet univers sa vie. Hergé, qui l’imposa à ses dessinateurs le définit ainsi "Eliminer tout ce qui est graphiquement accessoire, styliser le plus possible, choisir la ligne qui soit la plus éclairante. Le trait noir, toujours bien fermé et net, enserre des aplats de couleurs."

De son univers Il est structuré par le duo de héros. Philip Mortimer, scientifique d’origine écossaise, diplômé par un brillant curus honorum, est la figure centrale accompagnée du fidèle et courageux gallois blond, Francis Blake, membre de l’Intelligent Service britannique. Ce pôle du "bien" est contrebalancé par le trucculent colonel Olrik, dévoré par l’ambition, et prêt à toutes les compromissions pour parvenir à ses fins. Cette manichéenne opposition sous-tend le systèmes de valeurs propres à l’univers de Jacobs.

(JPEG)

D’une part se trouve Mortimer, non seulement intellectuellement brillant, mais encore humaniste et poussé par sa curiosité intellectuelle à aller à la rencontre de toutes découvertes et mystères. Il est en outre bon vivant, amateur du noble art de la boxe et de bon whisky. Il incarne le pôle de la raison et du bon sens. A ses côtés, Blake est le militaire dévoué à sa mission, inventif et courageux, caractérisé par sa ténacité raisonnée. Il est l’héritier d’une longue tradition de formation d’officiers britanniques. Il incarne la tradition. D’ailleurs, la raison de Mortimer et la tradition de Blake ne sont pas appanage unique de l’un des deux, elles se mélangent dans ces deux figures du "bien". C’est ce qui leur confère cette touche so british qui les caractérise. Raison et tradition sont les garants de l’ordre universel et souhaitable : l’équilibre raisonné et confortable de la bonne société britannique. Le cosmos s’incarne dans le club où fument ces gentelmen, tandis que ce bon Nasir leur présente la presse ou un verre de Brandy. Teinté de colonialisme positif, qui glorifie la coopération entre les peuples - sans jamais oublier qui sont les héros de Nasir le dévoué, ou de ses "maîtres".

A l’inverse, Olrik est bien plus humain, aventurier passionné, il est inventif et fourbe, bien éloigné des deux figures hiératiques qui lui font obstacle. Il ose la compromission avec les scientifiques fous, ou les dictateurs en puissance, à la seule fin de satisfaire son ambition. Grandiloquent pantin, il allie le sublime et le pathétique dans sa seule personne, ce qui fait de lui le personnage véritablement attachant de l’univers. Il incarne les forces du chaos que sont le progrès technologique dévié (La marque jaune), la volonté de domination (Le secret de l’Espadon) ou les forces occultes (le mystère de la Grande Pyramide ou Le secret de l’Atlantide) qui viennent contester le cosmos calfeutré que défendent les héros. D’ailleurs, Jacobs qui avait confié ses traits à son "méchant" préssentait peut-être qu’Olrik incarnait le mouvement et l’histoire en marche, contre la logique de son propre univers, qui constitue un rempart contre l’inéluctable déferlement de l’histoire.


Des ressources internet

Golden rocket : site précieux, tant en information sur la série que sur l’auteur lui-même et ses techniques de dessin.

Le site officiel

Pour la reconnaissance d’Olrik, un site dédié au magnifique colonel !


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par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 9 mars 2005

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