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Niea_7

Lassé des récits de sempiternelles apocalypses, ou de ces héros pugnaces, petits et bruns, aux ressources morales inépuisables ? Voilà un anime à taille humaine, qui procède par petites touches, et qui relate le quotidien d’une étudiante sans le sou, et de sa colocataire alien, le tout sur fond de Japon moderne légèrement décalé. Touchant !


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NieA_7 [1] est un anime inclassable, étrange, dont on ne sait trop dans quelle case le ranger. On pourrait avoir la tentation de passer à côté, car il manque de bruit et de fureur. Ce serait manquer un "anime d’auteur", au rythme lent qui invite à la contemplation, drôle, et plein d’espoir. Oeuvre de Abe Yoshotoshi, qui nous avait déjà régalé de Serial Experiment Lain - déjà assez déconcertant dans son genre - NiaA_7 nous raconte l’été de Mayuko Chigasaki, jeune étudiante fauchée, dont le logement est squaté par NieA, une alien feignante qui passe son temps à bouffer, à partir du moment où quelque chose s’offre à dévorer. Sinon, elle detruit le toit avec des soucoupes volantes faites en materiaux recyclés.

Cette série est courte, 13 épisodes, et se passe donc au cours d’un été particulierement chaud. Mayuko travaille dur pour payer ses études : elle livre des journaux avant les cours, et des plat cuisinés après, se lève aux aurores et dort souvent affalée sur ses livres et cahiers. Complexée, elle éprouve des difficultés dans ses rapports avec les autres, ce qui se manifeste en particulier au cours de ses rencontres avec ses condisciples insouciantes. Ces moments sont pour Mauko de véritables épreuves sociales. Elle loge aux bains publics d’Enohana. Elle y travaille également. Cet établissement peine à trouver sa place dans le Japon moderne.

La vie de Mayuko n’est donc guère réjouissante. Elle serait plutôt glauque, en fait, s’il n’y avait cette NieA. Celle-ci est une alien. Elle fait partie d’un peuple arrivé sur terre quelques temps auparavant, qui s’est intégré dans l’indifférence générale de la population. Son rang est ce "under 7" accolé à son nom, quoi que cela puisse vouloir dire. Elle passe ses journées à faire de la récup’, ou à quémander de la nourriture auprès de Mayuko. Aussi irresponsable qu’insouciante, elle multiplie les facéties qui ont le don d’énerver sa colocataire. On n’est donc pas en présence d’un scénario avec force magie et gadgets technologiques, comme la présence d’aliens aurait pu éventuellement le laisser croire. NieA_7 est la rencontre avec une histoire à la dynamique simple, dont les ambitions ne dépassent pas le quotidien des vies humaines, et bourrée d’humour.

(JPEG)C’est naturellement à NieA que l’on doit principalement le comique de la série, et de dynamiser l’appel vers une spirale mélodramatique que pourrait inviter la situation de départ de Mayuko, qui n’est guère réjouissante.

NieA_7 est l’occasion d’aborder un certain nombre de thèmes récurents dans les manga et anime, comme la complexité des relations sociales. Ou encore l’importance de la difficulté à trouver les moyens de faire cohabiter tradition et occidentalisation dans le Japon moderne. Il s’en dégage, du coup, un parfum certain de nostalgie inquiète. L’établissement des bains publics de Enohana cristallise ce point partculier. Institution traditionnelle du Japon, ils peinent, malgré les efforts résolus de leur gérante, l’énergique Kotomi. Mayuko, au sein de ses semblables, est aussi confronté au défi de cette adaptation à un mode moderne où elle ne se retrouve pas.

Il découle de cela des angoisses existentielles, autre thème classique que l’on retrouve souvent dans les manga et anime. C’est la difficulté de trouver une raison valable pour faire des choix qui conduit à cet état, et de l’insouciance de NieA, au sens des responsabilité de Kotomi, Mayuko cherche sa propore voie. D’autant qu’elle doit aussi gérer le cas de Gendô, son ami d’enfance, qui la poursuit de ses timides assiduités.

Ce NieA_7 est donc empreint d’une touche Teen Angst, à la Neo Genesis Evangelion, mais dans des proportions plus raisonnables, toujours à échelle humaine. L’identification aux angoisses de Mayuko est bien plus aisée que s’il s’agissait de se reconnaître dans Ikari Ginji, l’ado névrotique qui pilote l’EVA.

(JPEG)Le dernier voile à lever sur NieA_7 est celui du mystère de l’alien. Qui est donc cette NieA ? Pourquoi est-elle chez Mayuko ? D’où lui vient cette insouciance énervante ? et enfin que signifie ce grade "under seven" accolé à son nom ? On peut aussi se demander d’où sont originaires les aliens, et quelle est la raison de leur vaisseau-mère ridicule. Mais à toutes ces questions, il y a peu de réponses distillées, car ce n’est sans doute pas vraiment là l’essentiel de la série. L’enjeu majeur n’est pas de sauver le monde, ou de résoudre une quelconque quête initiatique, mais plus de savoir ce que les héroïnes vont mettre dans leur assiette le soir-même.

La série peut se rapprocher de certains films de Kitano Takeshi, on pense en particulier à A scene at the sea. Elle est lente et esthétique, on s’imprègne des personnages et des lieux en longueur, et on apprend à considérer un scénario qui ne croule pas sous les rebondissements multiples pour laisser au final une saveur d’inachevé, ou pour introduire une tripotée de personnages ésotériques déjà vus.

Et puis il fait tellement chaud dans la petite ville d’Enohana de toute façon...

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par Anatole C.
Article mis en ligne le 21 mars 2005 (réédition)
Publication originale 11 février 2004

[1] se prononce NieA "Under" Seven

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