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Noir...

Jeu de la mort et des destins.

Au coeur de l’Europe médiévale naquirent les Soldats, et au coeur de la société, ils s’imiscèrent jusqu’à la fusion. Il y a mille ans, des Soldats naquit Noir, deux femmes qui règnent sur la mort. Au XXIe siècle, à Paris, deux jeunes femmes restaurent ce nom funeste, et s’associent sous son égide.


Noir se décompose en 26 épisodes, et se signale avant toutes choses par un bande-son qui se classe parmi les plus remarquables de celles des animés japonais. Le premier épisode est une forme de clip, confus, où mouvements et rythme de l’intrigue sont accordés sur la musique. Le rythme des épisodes est lent et mélancolique, parfois jusqu’à la saturation, et son contenu ne s’absorbe que lentement, tant il est dense. Provoquant à la fois malaise, et impression de difficulté, qui tranche avec la fluidité habituelle de l’animation japonaise. (JPEG)

Un projet d’ambiances

Noir tire son inspiration d’un mélange entre le film noir français des années 30’, qui imprègne les ambiances, ainsi que par le film d’action hong-kongais qui se retrouve dans les mouvements, presque chorégraphiés des personnages lors des batailles.

La majeure partie de l’intrigue se déroule à Paris. Ensuite par une atmosphère pétrie de mystères, des us impitoyables du monde du crime et d’un permament malaise des âmes. La violence et la mort ont un statut particulier dans la série. Les cadavres s’ammoncellent sans une larme, presque sans bruit. Il n’y a pas d’agonie, ni de souffrance. Si l’émotion liée à la mort ou au regret est présente, ce n’est pas en lien avec les anonymes cachés sous le nom de Soldats qui tombent en nombre. D’ailleurs la mort elle-même n’est pas présentée comme quelque chose de négative, elle apparaît comme une délivrance d’un monde sans bonheur.

Ce sont des esprits tourmentés qui sont mis en scène. En particulier les deux héroïnes. Yumura Kirika, amnésique, ne sait d’elle que Noir et son talent inné pour tuer. Elle est à la recherche de ses origines et de qui elle est vraiment. Son pendant, Mireille Bouquet, assassin et enfant de la Corse, est elle tourmentée par son passé dont elle prétend faire table rase, mais qui ressurgit pour la tourmenter. (JPEG)Au croisement de ces deux trajectoires relatives au passé, on trouve une montre. Celle-ci est ornée de deux femmes armées d’épées, et joue une musique dès qu’on l’ouvre. Elle est le symbole de la rencontre de Kirika et de Mireille, le point d’achoppement qui, tel un leitmotiv, rythme la série. La musique à la fois lancinante et puissante qui accompagne son ouverture est le thème de cette mémoire, soit perdue, soit que l’on cherche à retrouver. Elle à la fois ce qui unit les deux héroïnes, et les sépare par leur radicale opposition dans la recherche de ce qu’elles sont. Mireille Bouquet, dans un éclair de lucidité prémonitoire, annonce elle-même ce qui se révèlera comme prémonitoire : "Une fois que nous aurons tout découvert, je te tuerai". Et cette improbable opposition qui se dessine au fil des épisodes ne peut se résoudre que par la destruction de la montre, amorce d’un dénouement qui défie le destin lui-même.

Décors

Noir est dominée par les atmosphères particulières. Les dessins sont caractérisés par des couleurs riches, même dans les ambiances graves ou mélancoliques. La palette chromatique s’étalle depuis le gai jusqu’au ténébreux, et joue sur les contrastes souvent jusqu’à l’excès. La ville illuminée de la nuit devient le lieu de toutes les perversions, alors que l’obscurité totale, le noir, est celui de la rédemption.

Paris est une ville imaginaire, faite de décors rétro, typiques comme de vieux quartiers, mais propres et lumineux en même-temps. Dans cette ville lumière d’opérette, l’intrigue apparaît encore plus décalée et son univers terrible. C’est un Paris romantique, paisible et beau qui nous est servi, avec des couleurs magnifiques.

La musique Kajiura Yuki, magnifique, est une part non négligeable de l’atmosphère particulière de Noir. Elle souligne la lenteur mélancolique qui domine l’agencement des épisodes. C’est elle qui permet ces longs plans de visages, regardés de près, et les jeux de regards. Elle accompagne aussi les scènes de batailles, véritables chorégraphies, où l’élimination d’un adversaire n’est qu’une figure parmi d’autres. La mort devient vénielle, et seul compte l’accomplissement esthétique du mouvement. Les influences musicales sont variées. Les morceaux Salva Nos ou Canta per me intègrent des passages vocaux en latin, tandis que ceux qui accompagnent les derniers épisodes de la série intègrent parfois des rythmes celtiques. Mais il ressort de cette bande-son, à l’inverse de celle d’un Cowboy Bebop caractérisée par sa grande diversité, une très grande unité de style. Chaque thème est dominé par des passages de musique synthétique, avec l’inscription de rythmes rapides, saccadés ou rythmés, qui se font le soutient de l’action ou des sentiments.

(JPEG)

Destinées...

La bande-annonce de la série, ainsi que les premiers épisodes, signalent clairement que ce sont Yumura Kirika et Mireille Bouquet les deux piliers de l’intrigue. La première, jeune japonaise, a un graphisme insipiré de Ayanami Rei de Neon Genesis Evangelion lequel est une intertextualité graphique référant aux personnages troublés sur leurs origines et le sens de leur existence.

Mireille Bouquet, grande blonde gracile, a un graphisme qui mélange apparence assurée et sexy, et fragilité du visage. Elle apparaît rapidement comme le pilier principal de l’intrigue, et éclipse sa partenaire Kirika. Cette dernière, murée dans son amnésie, existe dans les longs silences mélancoliques, les plans sur les visages, ou dans les massacres au revolver. Mireille apparaît comme un être humain, en comparaison avec sa partenaire. Elle n’est pas aussi implacable, et au cours de leurs missions, sa vie est plusieurs sauvée. Cette faiblesse dans l’action est le reflet de sa faiblesse psychologique ; elle traumatisée par l’assassinat de ses parents alors qu’elle n’était une gamine.

Cependant, dans les derniers épisodes, Kirika qui a renoué avec son passé, prend enfin sa vie en main. Les émotions, qu’elle contenait, comme pressenties, jusqu’à ce point, apparaissent enfin. Et ce sont elles qui lui permettent d’agir de son propre chef, et de rompre avec sa destinée de tueuse programmée.

Le jeu subtil autour des destins se poursuit avec l’apparition d’un grand nombre de destinées secondaires tout au long de la série. Ce sont celles des victimes de Noir, terroriste, ancien apparachik, général nazi en retraite, assassin de Taiwan, etc... sont décrites au fil des épisodes, avant que l’intrigue ne se resserre vers le Soldat et Noir.

La destinée du Soldat est évoquée, décrite, jamais véritablement explicitée. Il existe en contre-poids de Noir, mais également comme son origine et son soutient. Ses dissensions internes sont à l’origine de plusieurs rebondissement. Mais sa silhouette d’organisation tentaculaire et planétaire est comme une ombre inquiétante qui gouverne les destinées. Les Soldats sont plus un décors que des acteurs de l’intrigue, leurs actions ne sont que réaction, et sa spectaculaire puissance n’est rien en comparaison avec celle de Noir.

(JPEG)Noir, ce sont deux jeunes femmes qui règnent sur la mort. Mireille et Kirika s’associent sous ce nom de légende. Mais à solliciter les mythes, on attire les regards, et de prédatrices, elles se transforment en proies. Apparaît alors Chloe, énigmatique tueuse, dont le talent égal celui de Kirika. Présentée comme Véritable Noir elle s’annonce comme l’alter-ego de Kirika au sein de ce funeste duo. Et telle doit être la destinée de Noir. Veillant sur cette issue, Artena, maîtresse du sanctuaire où Noir doit être odronné, et l’une des chef du Soldat, a sa destinée liée à Noir. Depuis sa retraite, elle organise la renaissance du funeste duo, chérit Chloe, puis Kirika. Mais ne se laisse pas démonter par des évènements qui bouleversent l’ordre prévu des choses. Seul Noir compte.

A l’arrivée, c’est sur le plan des destinées, et du choix de son existance que se résoud l’énigme intérieure soulevée par la série. Noir est une sortie de l’obscurité intérieure des héroïnes, tissée par les ombres des passés (historique, personnel, collectif) qui fait obstacle à l’émergence de la volonté, condition de l’affirmation du choix personnel contre la fatalité du destin de Noir.

par Pierre Raphaël
Article mis en ligne le 10 mai 2004

Producteur : studio Bee Train

Réalisation : Mashita Koichi

Character design : Kikuchi Yoko

Musique : Kajiura Yuki

Année de diffusion : 2001

Editeur français : Dynamic

Diffusion en France en DVD commencée en 2004

Genre : action/policier/fantastique

Format : 26 OAV

3 DVD sont déjà sortis en France, soit à peu près la moitié de la série.

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