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Metal, heavy metal et anti-Orphée : la quête des extrêmes

La quête des extrêmes comme moteur de développement historique du metal

On a souvent évoqué plusieurs hypothèses sur ce qui a fait évoluer le metal historiquement et artistiquement, depuis sa création jusqu’à nos jours. Les ouvrages parlent d’alternance Europe/États-Unis, de complexification du style puis de retour à une forme plus dépouillée. Nous entendons, ici, développer une tout autre thèse qui, cependant, englobe ces deux idées pour tenter de mieux les dépasser.


Au début des années 70, la critique musicale employait déjà un champ lexical violent, extrême, voire apocalyptique afin de décrire le phénomène heavy metal et hard rock. La presse qualifiait déjà les voix de hurlées, les guitares de torturées et inaudibles, faisait état de batteries en rafales proche du son d’un marteau-piqueur et de déluge de décibels. La révolution heavy metal/hard rock choquait, déclenchait passions ou rancœurs et le vocabulaire extrême de la presse ne laissait personne indifférent. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, le chercheur et le critique, se fixant pour but de décrire le metal d’aujourd’hui, se retrouvent bel et bien dans une impasse lexicale, à moins qu’ils ne rejettent le vocabulaire critique ou descriptif des périodes antérieures. S’ils ne s’adonnent pas à cet acte salutaire pour leur fonction, ils se paralysent à jamais, car il semblerait que le metal ait atteint aujourd’hui le degré d’intensité que les mots d’hier voulaient exprimer. Le moteur de développement du metal serait-il le fruit de l’alternance Europe/Etats-Unis ? Ou encore d’un constant retour à d’hypothétiques sources épurées, après que le style ne s’est compromis par trop de fioritures et d’exubérances inutiles, jugées commerciales ? Certes, ces raisons sont loin d’être infondées. Cependant, pour ce qui est de la première, elle n’explique pas fondamentalement pourquoi le metal revêt l’aspect qu’il a aujourd’hui. Il est vrai que tout genre musical est constitué d’influences étrangères mais il n’y a rien d’unique à cela. Les autres styles musicaux sont soumis aux mêmes lois, depuis la commercialisation de masse, et n’ont cependant pas connu le même développement. Le critère de développement de ce style ne peut donc être résumé au balancement Europe/Etats-Unis, à la seule géographie du metal.

Tentons de déceler, au travers d’éléments que nous trouvons particulièrement significatifs, la tendance ou les tendances que revêt le metal à travers l’histoire, ce qui nous permettra, par la même occasion, de voyager à travers les différents styles de ce genre.

La voix

A ses débuts, Ozzy Osbourne chantait. Les voix n’étaient en aucun cas "hurlées" comme on pouvait le lire. Simplement, parce qu’il était un mauvais garçon, désabusé et moqueur, Ozzy tirait souvent sur ses cordes vocales. Il en ressortait un ton aigre, un peu poussé par rapport aux autres styles de musique. Par la suite, Rob Halford, de Judas Priest, va être influencé par Robert Plant, le chanteur de Led Zeppelin connu pour sa voix aiguë. Après la sortie du premier album de Judas Priest en 1977 [1], Rob Halford a déjà poussé le chant aigu dans ses retranchements. On parle de "suraigu" pour qualifier son chant glacial. Impossible de faire plus haut, même pour un Bruce Dickinson (Iron Maiden). La révolution et la solution au problème d’innovation en chant vont venir de Motörhead. Cultivant le look loubard, motard machiste et mauvais garçon en blouson noir, le chanteur Lemmy va opter pour un chant rauque, une voix enrouée, qui pourrait presque faire penser à celle d’un ivrogne lyrique. L’impression de débauche et de hargne est encore plus forte et réussie que chez Rob ou Ozzy. Avec Motörhead, la voix n’est plus tout à fait chantée. Elle est saccadée, tout comme les guitares, et devient plus rythmique que mélodique. Motörhead sera la plus grande source d’inspiration pour les nouveaux styles de voix des années 80.

Deux chemins vont apparaître alors. Le premier va durcir encore le ton par rapport aux anciens, en s’appuyant sur l’aspect rythmique et violent. C’est le cas de James Hetfield (Metallica) et de Tom Araya (JPEG)(Slayer). Le second va exacerber l’aspect dépravé et débauché du chant de Lemmy, son côté rauque et enroué étant poussé à la limite de la caricature. C’est le cas des groupes Venom et Bathory. La course à la violence et au malsain est donc lancée. Le speed metal et le thrash metal vont pousser dans ses derniers retranchements le rythme saccadé du chant, le black metal et le death metal la perversion et la laideur esthétisée. Les groupes de black metal vont tous rivaliser d’imagination, et modifier un maximum leur voix, soit par leur technique de chant, soit par le biais de la technologie musicale afin d’atteindre la plus grande perversion possible. Le groupe Craddle Of Filth en est un bon exemple. Le chanteur va constament jouer sur différents types de voix, aigre, rauque, suraiguë, murmurée afin de créer une sensation extrême de corruption. La démarche est également illustrée par les chanteurs du groupe Death, qui auraient voulu, d’après leurs dires, imiter le timbre de certaines voix démoniaques présentes dans les films d’horreur et les films gore du moment.

Dans le cas du black metal et du death metal, on arrive bel et bien, au bout du compte, au chant hurlé que décrivaient les critiques des années 70. A l’époque, dans la deuxième moitié des années 80, on pensait qu’il serait impossible de faire un chant plus violent ou plus malsain. Et pourtant, les chanteurs des premiers groupes de black metal ou death metal semblent bien démodés de nos jours. Avec Craddle Of Filth ou Emperor, la voix black a franchi un nouveau seuil de violence. Le chant death a pris ses distances par rapport au black metal pour devenir plus sourd et caverneux, plus grave, et incarner l’archétype du chant extrême. Les paroles sont indiscernables au travers des beuglements ou des grognements, et le profane, lors de sa première écoute, reste profondément choqué. La voix death la plus réussie, la plus "esthétique" et impressionnante, est sans nul doute celle de Mikael Akerfeld du groupe Opeth. Face à elle, nous nous retrouvons dans la même situation que les commentateurs des époques précédentes, et nous nous demandons s’il est concevable de pouvoir être plus caverneux, plus grave, plus death...

La rapidité d’exécution

En 1977, la vague punk balaie la scène musicale mondiale. De nombreux groupes perdent de leur influence, certains disparaissent même. Motörhead va tenir tête à cette vague en incorporant les rythmiques binaires primaires du punk dans le heavy metal. La conséquence en sera l’accélération considérable du tempo, par rapport à leurs aînés de Black Sabbath ou Judas Priest. Avec leur chanson "Ace of Spades", on arrive à 138 battements par minute. Le rythme est entraînant, un peu à la manière des rythmiques d’Iron Maiden. Avec le speed metal et le thrash metal, on ne pourra plus qualifier le rythme d’entraînant. Le premier, comme son nom l’indique, se fonde sur un tempo très élevé, des notes saccadées en rafale à la guitare rythmique, des exécutions de solos se voulant plus rapides que tout ce qui avait été fait jusqu’ici. Le second continuera à radicaliser l’accélération du tempo. La chanson "Angel of Death" nous amènera à 200 battements par minutes, soit l’un des tout derniers tempos indiqués sur un métronome classique.

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La poursuite de la surenchère s’effectuera au sein du "metal extrême", dénomination quelque peu effrayante au regard de ce qu’était déjà le metal avant cela. Ceux qui prédisaient qu’il était impossible de faire plus rapide n’avaient pas prévu l’arrivée de groupes dont la logique jusqu’au-boutiste était leur seule raison d’être. Le death metal n’accélère pas considérablement le tempo, le black metal de l’époque non plus. C’est avec l’arrivée du "brutal death metal", du grindcore et du "brutal black metal", qui forment les courants principaux du "metal extrême", à l’aube des années 90, qu’une nouvelle limite est franchi. Il s’agit alors pour le batteur de frapper le plus rapidement possible, au guitariste d’effectuer des tremolos tous plus hystériques les uns que les autres. Ces excès rythmiques ont une dénomination :blast beat ou rythme explosif. Les spécialistes en sont, entre autres, Cannibal Corpse, Suffocation, Vader pour la tendance death, Napalm Death et Carcass pour le grindcore, Marduk, Emperor ou encore Cradle Of Filth pour la tendance black metal. Il semble que, rationnellement, l’extrémité soit atteinte dans ce domaine. Le blast beat ne laisse plus aucune place aux silences. Chaque micro-espace de la partition est exploité, tout est réduit à l’unité rythmique musicale la plus petite afin de pouvoir passer le maximum de battements possible. Les roulements de double-caisses sont incessants, la caisse claire est littéralement martelée. Là encore, pour le profane, le choc est profond. Il peut se traduire en abasourdissement autant qu’en éclats de rire. Le tempo est tellement élevé qu’il en perdrait presque de son côté entraînant, le rythme n’étant pratiquement plus perçu comme un mouvement, tout comme l’est un ensemble d’électrons dont le déplacement si rapide apparaît immobile à l’œil humain. Il ne faut pas perdre de vue, cependant, que des groupes comme Emperor utilisent le tempo ultra rapide ou blast beat dans un but musical, jouant sur le contraste créé par une soudaine élévation du tempo à l’extrême. L’intensité qui s’en dégage, si le passage est réussi, est saisissante.

Le solo de guitare

L’exécution virtuose n’est pas l’apanage du seul metal. Mais c’est lui qui va pousser, encore une fois, la virtuosité guitaristique à l’extrême. Le courant des widdlers ou shredders [2] apparaît avec celui que l’on a appelé le "maître suédois" : Yngwie Malmsteen. En 1984, Malmsteen choque le monde de la guitare avec son album Rising Force. Incorporant des harmonies de la période baroque au heavy metal, se prenant pour le Paganini de la guitare électrique, le guitariste recherchait la démonstration, l’exubérance, l’excellence classique et virtuose. Cela se traduisait par des gammes mineures mélodiques descendantes jouées à la vitesse de l’éclair, des enchainements d’arpèges fulgurants. Personne n’avait jamais joué aussi vite, ni dans une optique uniquement virtuose. Il est vrai que la démarche semblait artificielle, mais la maîtrise était bien là.

(JPEG) Le but des prochains widdlers va être, bien évidemment, de faire plus virtuose, plus rapide, tout en restant crédible. C’est alors qu’arrive un jeune homme formé à la guitare classique, élevé dans une famille de musiciens, et qui, à l’âge de seize ans, connaissait déjà par cœur les morceaux du maître suédois. Jason Becker fut le deuxième traumatisme profond du monde de la guitare metal, en raison de sa précocité, mais aussi de l’extrême qu’il avait atteint en virtuosité guitaristique. Malmsteen effectuait ses arpèges sur quatre cordes ou sur trois la plupart du temps, Jason Becker les effectuaient sur tout le manche de la guitare, reprenait l’arpège deux octaves plus hauts sans temps d’interruption pour redescendre en gamme sur trois octaves. Avec le morceau "Speed Metal Symphony", le duo Becker/Friedman jetait les bases d’une nouvelle virtuosité hystérique, faite de lignes mélodiques dont le roborisme [3] devenait quasi inaudible.

A la suite de Becker, les widdlers vont tous rechercher de nouvelles techniques guitaristiques afin de repousser toujours plus loin les limites . Des guitaristes comme Michael Angelo tenteront l’aventure sans grande réussite. Angelo allait tomber dans le grand piège du metal, qui s’applique à tout style confondu du genre. La règle latente était de paraître extrême, et encore plus extrême, tout en restant toujours crédible artistiquement. Mais Angelo avait échoué en voulant jouer le plus rapidement possible sur une guitare à deux manches, puis sur une guitare à quatre manches, ce qui ne changeait pas grand chose à l’oreille. Misant uniquement sur le choc de l’aspect visuel, il apparaît encore, de nos jours, plus comme un phénomène de foire que comme un musicien. Aujourd’hui, avec le très insipide Rusty Cooley, l’extrémité semble atteinte, tout du moins dans le sens où il ne serait pas souhaitable d’aller plus loin. Rusty enchaîne arpège sur arpège pendant d’interminables solos souvent peu inspirés, développe des techniques d’une virtuosité indicible plus au service de la guitare que de la musique, si bien qu’une lassitude s’instaure très vite lors de l’écoute. Les grands musiciens du genre restent Yngwie Malmsteen, Jason Becker et Marty Friedman [4], ainsi que John Petrucci (Dream Theater). Ces musiciens ont, certes, recherché l’extrême mais ont toujours su rester crédibles, leur virtuosité étant au service de la musique avant tout.

La mort et le morbide

Au début de l’histoire du heavy metal, Black Sabbath traitait encore de thèmes de société. Son langage cru l’amenait à parler des morts qu’engendre la violence des sociétés occidentales et la guerre du Vietnam. Dans "Hand of Doom", Ozzy s’exclamait : "Holes are in your skin...now you’re going to die". La menace nucléaire donnait également à certains l’impression d’une mort imminente, une mort sale et totale de l’humanité. Toujours d’une verve insolente et sans détours, dans "Electric Funeral", Ozzy prédisait : "Reflections in the sky warn you, you’re gonna die, storm is coming, you better hide from the atomic tide... radiation, mind’s decay...". Les groupes suivants vont reprendre l’imagerie de Black Sabbath en laissant généralement de côté la revendication ciblée et explicite. Le mouvement metal s’autonomisant toujours plus, il lui était difficile d’aborder des évènements précis sans prendre le risque d’établir un dialogue direct avec le monde extérieur. La rage de ces musiciens, à l’encontre de ce monde dans lequel ils vivaient tout de même, s’exprimait donc par des références à la mort, à la souffrance, sans trouver de sources précises et clairement identifiées. En refusant le dialogue direct avec l’extérieur, il fallait obligatoirement que le mouvement intérieur s’amplifie s’il ne voulait pas stagner. C’est ainsi que les références à la mort et au morbide vont se faire de plus en plus extrêmes. Metallica montre un cimetière sur la pochette de Master of Puppets, leur album précédent ayant pour couverture une chaise électrique.

(JPEG) Le mot death est alors employé de plus en plus souvent par les groupes de metal. Slayer va pousser ce malaise jusqu’au bout, si bien qu’il va en changer la nature. La forme de contestation entamée par Black Sabbath se radicalisait et perdait tout sens de contre-culture, du fait qu’il ne recherchait plus réellement, en raison de son autonomisation, à dialoguer avec la culture principale. Le titre de Slayer "Raining Blood", sur l’album Reign in Blood, marque un grand tournant qui verra la véritable apparition du death metal. Dans ce genre, les références à la mort passent par des descriptions peu ragoûtantes et très explicites. Le death metal, dont l’un des premiers groupes se nomme tout simplement Death, est fasciné par la mort, le sang, et le morbide. Leurs pochettes d’album sont souvent répugnantes et très explicites. Avec des titres comme "Cause of Death" (Obituary), "Zombie ritual" (Death) ou des noms d’albums tels que Scream Bloody Gore (Death), le death metal est l’exacerbation de la pulsion de mort qui parcourt le metal depuis ses débuts. Mais cette exacerbation lui a fait perdre tout goût de la contestation, comme c’était encore le cas dans la période allant de Black Sabbath à Slayer. On ressentait encore une sincère amertume, une colère intense à l’évocation de la mort chez le heavy metal, le speed et le thrash [5]. Dans le death, (JPEG) c’est le plaisir malsain qui prévaut lors de l’évocation du sang et de la mort. Le mouvement ne s’est pas arrêté là. Il s’est radicalisé encore et a pris alors les noms si évocateurs de "death metal gore" et de "brutal death metal". Des groupes tels que Cannibal Corpse ou Exhumed en sont les meilleurs représentants. Ces groupes se veulent être, en quelque sorte, l’illustration musicale des films gore extrêmes, dans la lignée de Cannibal Holocaust paru en 1979. Avec des titres tels que "I Cum Blood", "Butchered at birth", "Shredded Humans" ou "Rancid Amputation", vous aurez compris que Cannibal Corpse n’est pas exactement le groupe qui animera vos goûters d’anniversaire du dimanche après-midi. Il semble donc que, dans le domaine du morbide, là encore, l’extrémité soit atteinte.

Face à l’impasse, l’ouverture

La liste des aspects poussés dans leurs derniers retranchements par le metal est trop longue pour que nous puissions la traiter, ici, de manière exhaustive. Il faut simplement retenir que tout adjectif qui vient en tête pour qualifier le metal a été radicalisé, exacerbé, dépassé. Le black metal se veut plus "malsain", plus "secret", plus "satanique" que ses prédécesseurs ; le death metal plus "gore", plus "pervers", plus "violent", plus "graphique"... bref, tous les adjectifs y passent. Les widdlers se veulent plus virtuoses, plus rapides, le doom metal plus lent, plus ténébreux, et ainsi de suite... Bref, le metal est réellement le genre de tous les extrêmes et c’est cela qui a été un moteur de développement durant toute son histoire. Comme nous l’avons vu, le mouvement s’autonomisant de la culture principale, et devenant un monde en soi et pour soi, devait repousser toujours les limites de ses propres règles afin de ne pas stagner ; la subtilité étant d’avancer sur cette voie tout en restant crédible, tout en restant musicien. Bon nombre de groupes ont, d’ailleurs, compris très vite que la voie de la fermeture sur soi menait à l’impasse des extrêmes. La quête des extrêmes a donc été complétée par une ouverture à d’autres influences, à d’autres styles et de cette approche sont apparus des démarches particulièrement intéressantes d’un point de vue artistique, témoignant ainsi de la richesse du metal et de sa capacité à incorporer des éléments a priori étrangers. C’est le cas de Dream Theater, qui a lancé le metal progressif, sous l’influence du Genesis des années 70, en incorporant des synthétiseurs très présents dans la formation. C’est le cas de Marty Friedman qui explique comment il a cherché son inspiration auprès de la musique japonaise, chinoise et indienne, étant conscient qu’il fallait apporter quelque chose de nouveau. Même le groupe Opeth, qui possède l’une des voix les plus extrêmes du metal, s’inscrit dans cette optique. L’alternance entre voix chantée et voix death gutturale, entre passages acoustiques très purs et passages violents témoigne d’une prise de conscience de l’impasse des extrêmes.

(JPEG) Il semble donc que la quête des extrêmes soit la phase première du développement historique et artistique du metal, et que la seconde soit l’ouverture à d’autres influences afin de contourner un cul-de-sac musical que la première phase laissait entrevoir aisément. Beaucoup de nouveaux styles de metal sont nés de cette tendance. Le melodic death metal opte pour des harmonies issues sans doute du hard FM (de groupes comme Bon Jovi ou Europe), en tout cas plus mélodieuses que les effrayantes harmonies du death pur. L’industrial metal et l’electro-metal mélangent musique électronique, sonorités sales et metal. Le power metal s’inspire soit du folklore (Blind Guardian), soit du gothique symphonique (Nightwish), soit de la musique symphonique (Rhapsody). Il faut bien garder en tête, cependant, qu’une fois cette ouverture effectuée et les nouveaux genres créés, il va falloir, au sein de chacune de ces sous-branches, sonner plus "puissant", être encore plus "symphonique", plus "grandiose", plus "étrange", selon les styles respectifs. Ce n’est pas un phénomène systématique, bien entendu, mais il est largement visible. La démarche de la surenchère en metal pourrait s’expliquer aussi, en partie, par la logique commerciale qui demande aux groupes de se distinguer, de choquer davantage pour être plus visible sur le marché. Elle pourrait s’expliquer également par l’accoutumance de l’homme à l’égard de la violence en art, qu’il digère à merveille depuis bien des années. Mais il semble, en définitive, que la quête des extrêmes soit surtout indissociable de la nature même du courant metal. En dernier mot, nous dirons que le metal est un genre musical régi par ses propres lois, mais qui demeure soumis, comme les autres genres, au fonctionnement universel de la musique. C’est ainsi que les plus grands groupes de metal sont ceux qui, comme Black Sabbath, Metallica, Opeth et bien d’autres, ont su s’extirper des règles et des cadres pour participer directement au grand mystère du génie musical.


Discographie

L’écoute du morceau "Ace of Spades" de Motörhead est indispensable. Il est intéressant de la faire suivre de l’écoute de "Black Metal" de Venom, de "Bestial Lust" de Bathory, et de l’album Kill’em All de Metallica, afin de comprendre comment la radicalisation s’opère au début des années 80, à partir de Motörhead. On trouve ces morceaux respectivement dans les albums suivant :

- Ace of Spades, Motörhead (1980)
- Black Metal, Venom (1982)
- The Return..., Bathory (1985)

Pour avoir une idée de l’évolution de la virtuosité guitaristique pendant les années 80 :

- Rising Force, Yngwie Malsteen (1984)
- Perpetual Burn, Jason Becker (1988)

Pour saisir en un clin d’œil l’accélération du tempo à travers les décennies, les albums suivants :

- Paranoid, Black Sabbath (1971)
- Reign in Blood, Slayer (1986)

A vos risques et périls :

- Eaten Back To Live, Cannibal Corpse (1990)

Pour se convaincre de la sortie de la logique des extrêmes :

- Blackwater Park, Opeth (2001), un album comportant des morceaux accoustiques d’une grande beauté.
- Damnation, Opeth (2002), unique album d’Opeth ne contenant aucune distortion de guitare.
- Perspective, Jason Becker (1995), où les morceaux s’apparentent à de douces rêveries poétiques, un chef-d’œuvre d’humanité et de douceur
- Scenes, Marty Friedman (1992), un album axé sur la beauté de l’Orient, avec des émulations très réussies d’intruments chinois et de mélodies japonaises, effectué en collaboration avec Kitaro.

par Jérôme Bonnin
Article mis en ligne le 5 mai 2005

[1] Sin After Sin.

[2] De l’anglais to widdle : bouger les doigts rapidement, et de shredder : destructeur, to shred : mettre en lambeau.

[3] Se dit d’une ligne mélodique qui rebondit sans cesse et ne semble vouloir retourner sur ses bases, donnant l’impression d’être interminable. Le roborisme était en vogue à l’époque baroque.

[4] Plus pour leurs albums solos que pour leur duo Cacophony.

[5] C’est particulièrement frappant dans l’album Ride The Lightning de Metallica qui fait allusion à la peine de mort par chaise électrique.

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