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Comme à son habitude, la Maison de l’Amérique Latine offre au visiteur parisien une exposition hors des sentiers battus qui étonne et fascine. Cette fois, c’est à la rencontre de l’art statuaire Haïtien que le visiteur est convié pour un voyage dans un monde totémique et onirique.
Le matériau de base de cet art statuaire est insolite : il s’agit de ferrailles issues de bidons métalliques hors d’usage, appelés « dwoum », mot dérivé de l’anglais « drum » . Le « drum » est le baril destiné au transport d’huile de moteur ou du gasoil. Il devient ici une matière travaillée par l’artiste haïtien.
Tout a commencé par une ballade de Dewitt Peters à la Croix-des-Bouquets en 1953, important site de culte vaudou de la plaine du Cul-de-Sac, à l’Est de Port-au-Prince. Ce professeur américain envoyé en Haïti découvre d’étranges croix dans le cimetière de la ville et fait connaissance avec Georges Liautaud (1899-1991), leur auteur, père des Bosmétal, qui travailleront dans l’art de la ferronnerie.
Ces artistes puisent leur inspiration dans l’art totémique et vaudou, l’onirisme et les métamorphoses. Le religieux, le spirituel et le symbolique se mêlent et chaque œuvre est porteuse d’une puissance évocatrice forte. Les figures représentées sont mi-humaines, mi-animales, et rares sont les scènes purement réalistes. La mer et son univers merveilleux sont omniprésents : sirènes, poissons, vagues s’enlacent étroitement. Puissances de l’au-delà et ressortissants du monde animal et végétal s’associent aux humains en train de s’animaliser. Pourquoi cette présence régulière d’humains en train de s’animaliser ? C’est parce que selon la tradition haïtienne, les hommes politiques auraient le pouvoir de se métamorphoser, pouvoir qui leur aurait été donné par les loas, divinités haïtiennes. Et c’est cette métamorphose qu’essaient de surprendre les artistes.
La Maison de l’Amérique Latine présente une sélection de pièces de métal découpé, attribuées essentiellement à Serge Jolimeau (1952), élève d’un apprenti de Georges Liautaud, et à John Sylvestre (1957). Le bosmétal, sur une plaque de baril aplatie, dessine à la craie son œuvre, qu’il découpe ensuite au marteau et au burin. Son œuvre ne sera terminée qu’une fois qu’il aura apporté par son martèlement détails et signes. Et le résultat est convaincant. Sans avoir recours au volume, l’artiste plonge le visiteur dans une succession de courbes qui s’emboîtent les unes dans les autres, sans cassure aucune. La plaque ainsi travaillée s’approche d’un pochoir métallique. Le seul artiste exposé qui s’aventure dans le volume est Lionel Saint Eloi (1950), visible au rez-de-chaussée de la Maison. Il élabore à partir d’un ensemble de pièces métalliques recyclées des sculptures tout en volume, effrayantes, aux cheveux « fil de fer » hirsutes, aux vêtements grisonnants et à l’air hagard.
En guise de conclusion, il faut rappeler les bonnes conditions d’exposition dont dispose la Maison de l’Amérique Latine en son sous-sol. Les pièces sont grandes, les murs blancs et surtout parfaitement éclairés. Les salles étant situées au sous-sol, le visiteur est agréablement surpris par l’absence de reflets sur les œuvres qui gêneraient leur observation. Pour tous les amoureux de l’art sud-américain, la Maison de l’Amérique Latine est un lieu incontournable
par Aurore Rubio
Article mis en ligne le 13 avril 2004
Informations pratiques :
artiste : Serge Jolimeau, John Sylvestre, Lionel Saint Eloi
dates : du 26 mars 2004 au 20 mai 2004
lieu : La Maison de l’Amérique Latine, 217 bd Saint Germain, 75007 PARIS
horaires : entrée libre, du lundi au vendredi de 11h à 19h.
renseignements : tél : 01 49 54 75 00
site web de la Maison de l’Amérique Latine
vers un centre d’Art Haïtien