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Audition, de Takashi Miike

Takashi Miike, cinéaste reconnu au Japon et primé dans plusieurs festivals comme à Rotterdam, nous arrive en France avec un film déjà culte Audition . Ce dernier propose au spectateur un peu curieux un jeu un peu spécial. Audition n’est pas un film aimable mais c’est un vrai choc cinématographique comme on a rarement l’habitude d’en voir. Insoutenable.


Audition est clairement structuré en deux parties. La première impose un faux rythme qui perd totalement le spectateur. La mise en scène est assez sobre avec de longs plans fixes. Le réalisateur s’attarde sur les relations d’un fils et son père. Ce dernier, veuf, décide d’organiser une audition pour trouver une nouvelle femme à l’aide d’un de ses amis producteur de cinéma. Naît alors lentement une histoire d’amour avec une jeune fille. Mais petit à petit le film vire vers le fantastique et l’horreur. Le doux rêve se transforme en cauchemar. La caméra panique à la manière d’un film de David Lynch. Les plans ne se raccordent plus. Takashi Miike brise toutes les règles traditionnelles comme celle des 180°. Le drame peut commencer.

Audition est un film hanté. La mort y est omniprésente de la première à la dernière scène. Audition s’ouvre sur celle d’une femme (la femme du protagoniste principal) et accumule petit à petit les cadavres. L’état reclus des personnages ou la monotonie de leur vie est une autre manière de signifier une mort cette fois-ci symbolique. Les traumas du passé ne s’oublient pas facilement. Miike parvient parfaitement à retranscrire le vide qui habite et entoure les personnages. Seuls le mal et la violence, les reveilleront à la vie, aux doutes, aux sensations. Le film distille les indices inquiétants au compte-goutte dans la première partie avant que la folie prenne forme.

Takashi Miike joue donc constamment avec les nerfs du spectateur. Il laisse traîner l’intrigue au maximum au départ puis quand on s’y attend le moins le prend par surprise et va très loin dans la représentation de la violence. Le réalisateur prend son temps, allonge les plans et les scènes d’horreur sans jouer toutefois d’effets gore. Il n’utilise pas le hors-champ mais s’assure de montrer l’horreur autant qu’il peut. C’est une sorte de Funny games , le film de Haneke, qui assumerait parfaitement le voyeurisme du spectateur et du genre. Tout est fait de tension et d’une angoisse diffuse, grandissante. La fin est très difficile à regarder, quasiment insoutenable par moments.

Le japon est décidément passé maître du genre fantastique. Takashi Miike maîtrise toute une imagerie qui a déjà fait ses preuves. Il s’appuie sur le personnage d’une femme inquiétante, belle et mystérieuse au passé trouble entourée d’autres figures tout aussi menaçantes. Les techniques utilisées pour créer ses effets visuellement rappellent beaucoup celles utilisées par David Lynch sur Twin Peaks ; Fire walk with me : perte d’unité et de cohérence narrative, intrusions d’images effrayantes extérieures à la narration ,jeu sur les rythmes ou les placements de caméra. Ici aussi c’est le désir mal assumé d’un personnage pour un autre qui ouvrira un abîme dans lequel le film ira se perdre. Audition part d’un traitement réaliste et sentimental et à la manière d’une nouvelle de Poe nous amène peu à peu vers un "ailleurs" plus noir et inquiètant.

Plus qu’à une peinture critique d’un japon contemporain profondément masochiste, c’est à un grand film de genre qu’on a affaire ici. Audition est une expérience extrême, déconcertante, qui devrait satisfaire les amateurs d’émotions fortes.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 4 octobre 2004 (réédition)
Publication originale 8 mars 2002

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