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Le sang des innocents, de Dario Argento

Dario Argento, réalisateur aujourd’hui culte dans le genre de l’horreur pour ses classiques comme Suspiria ou Ténèbres , revient à son genre de prédilection avec le sang des innocents , le giallo, thriller baroque et horrifique italien. Le réalisateur signe ici un film de genre très réussie servi par une magnifique mise en scène.


La peur, la peur sur les visages. Non pas ceux des victimes qui ont à peine le temps de réagir et de comprendre ce qui leur arrive mais ceux des temoins impuissants de cette folie meurtrière. Personnage ou spectateur, personne ne sera épargné par l’efficacité de la mise en scène de Dario Argento qui revient ici à ses racines. L’histoire se déroule en deux temps. La première scène se déroule à Turin en 1983. Une femme est sauvagement assassinée sous les yeux de son fils. Un inspecteur (Max Von sydow, acteur bergmanien et de l’exorciste, qui signe son retour à l’horreur)lui promet de résoudre l’enquête quitte à y passer sa vie. Cette scène courte reviendra par la suite hanté le personnage principal, Giacomo Gallo. Comme dans Suspiria, elle cache un mystère qui nous sera révelé qu’à la fin. Toute la suite du film reprend nos deux personnages, dix-sept années plus tard, après la découverte de nouveaux meurtres attribués au nain tueur qui imiterait les livres fantastiques qu’il écrit alors que celui-ci est censé être mort assassiné depuis toutes ces années. Fausse disparition, oeuvre d’un copycat ? L’enquête peut recommencer.

Tout le film est construit comme un jeu de piste. La construction narrative du sang des innocents nous invite à faire ce parallèle. Après la première scène, on commence par suivre une victime, puis les nouveaux policiers sur l’enquête pour enfin en revenir à nos deux personnages principaux. Le film oscille constamment entre le classicisme des les concerts de harpe et des belles architectures turinoise et la modernité des boites de nuit. Ce jeu trouble les phénomènes d’identification. Les personnages changent d’attitudes, sont inconstants. On ne sait jamais comment se positionner vis-à-vis d’eux. Ce choix est poussé beaucoup plus loin au niveau du meurtrier. Il reste constamment hors-champ. Nous ne connaissons absolument rien de lui, ni nom ni taille. C’est une masse informe, inquiètante. Dario Argento dépose alors des indices semant le doute sur certains des personnages. Certains émettent des jugements étranges, d’autres ne sont pas là où il devrait être. Le mystère est bien maintenu jusqu’au bout. Ce jeu de piste augmente notre inquiètude et donne au film une petite touche ludique qui est particulièrement appropriée ici. Tout tourne autour de jeux.

Le sang des innocents est, en effet, avant tout un film sur l’enfance. Le titre original, "je n’ai pas sommeil", fait référence à la phrase que les petits disent quand ils refusent d’aller se coucher et veulent qu’on leur raconte une histoire. Le tueur choisit ici justement ses victimes d’après les paroles d’une obscure comptine (écrites par la fille même du réalisateur, asia Argento). Cet âge est présenté comme une matrice qui détermine largement ce que les adultes deviennent par la suite. Giacomo Gallo reste traumatisé par ce qu’il a vu. L’enfant est aussi moins marqué par les normes sociales et agit donc d’une manière plus proche de son essence. Il est à la fois innocent, doux mais aussi soumis à des pulsions déjà très violentes. Giacomo et ses amis évoquent ainsi le temps où ils torturés chats et chiens par pur plaisir. L’enfance est aussi le temps où on aime bien se faire peur, éprouver des sensations fortes. C’est donc à cette part de nous même que Dario Argento fait appel dans le film, notre capacité à croire encore aux histoires, à des personnages, à jouer avec tout ça sans se prendre trop au sérieux.

Pour nous accrocher, il faut noter pour finir qu’Argento ne compte pas sur notre seule crédulité. Il a aussi toute une mise en scène parfaitement travaillée qui rend le tout parfitement réussi. La musique de Goblins est d’une efficacité redoutable. Les mouvements de caméra arrivent à créer de forts effets de tension. Celle-ci court, harcèle les personnages, leur tourne autour comme dans l’extraordinaire scène du train, la plus réussie du film pour fouiller leurs entrailles, réveler leurs secrets. Argento joue beaucoup sur le hors-champ comme pour cacher l’identité du meurtrier. Les crimes sanglants arrivent de manière brutale et sèche. Le spectateur n’a pas le temps de s’y habituer. Il est constamment secoué, pris à parti par le film. Au final, Argento n’a pas perdu sa maîtrise pour mettre en image nos cauchemars. Et même si le final est un peu sec, le sang des innocents est un film de genre très réussi.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 12 octobre 2004 (réédition)
Publication originale 17 mars 2002

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