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Mission : Impossible, analyse de la bande-annonce

Les bandes-annonces sont en général peu considérées par la critique. Pourtant, elles jouent un rôle fondamental à deux niveaux. d’une part, ce sont souvent elles qui attisent notre désir de voir un film ou non. Une bande-annonce est importante pour faire connaître le film au grand public. D’autre part, elle nous donne des indices sur ce que va être le contenu du film, nous guide sur des pistes plus ou moins justes. Elle a donc un impact assez important sur la manière dont on va voir et interpréter le film par la suite.


La bande annonce de Mission : Impossible (telle qu’on la retrouve notamment sur le DVD zone 1) ne dure qu’une minute trente-quatre secondes. Pourtant, elle contient un nombre remarquables d’informations qui donnent largement à comprendre le film. On peut déjà noter la division simple en deux parties. La première assez courte est encore plutôt dans l’esprit de la série télé. Les plans sont assez longs et élégants. La bande-annonce s’ouvre sur Jim Phelps (J. Voigt) recevant son ordre de mission. Ce dernier n’est pas spécifié ici. On s’attarde surtout sur l’aspect le moins réjouissant de l’exercice à savoir si la mission venait à echouer, aucun des agissements de ces agents secrets ne serait reconnu par le gouvernement. Cette première partie de la bande annonce reste pourtant calme et positive. Plusieurs plans successifs nous montrent les principaux agents au travail ou en discussion que ce soit Kristin Scott Thomas, Jean Reno, Ving Rhames, le hacker et Tom Cruise. Tout est ici question d’une équipe soudée qui doit être prête à faire face à l’adversité. Le choix du fondu enchainé pour relier chacun des plans renforce cette idée de fort lien établi entre chacun des personnages.

Quelques plans sont toutefois assez suspects. Ce sont ceux de la brume nocturne de prague qui révèle un paysage plus inquiétant et surtout le dernier plan de Phelps, le regard noir fumant une cigarette. Ce plan supplémentaire, presque de trop le désigne déjà comme le méchant (la cigarette a de fortes connotations dans les grosses production américaines) qui cherche à tout maîtriser (il ouvre et ferme cette première partie).

Suit ensuite le célèbre plan de l’allumette mettant le feu à de la dynamite. La musique du générique de la série télé se fait entendre. On arrive maintenant à Mission : Impossible le film tel que nous le donne à voir Brian De Palma . Cette seconde partie est beaucoup plus longue et est composée de plans beaucoup plus courts qui font ressortir l’aspect pyrotechnique du film. Elle s’ouvre sur un plan de Tom Cruise chutant attaché à son fil. Il est le seul nom mis en avant, la seule star du film. On est très loin de l’esprit d’équipe du début. De plus, la mission est un échec complet. On voit les personnages courir dans tous les sens, se battre entre eux. Nos repères sont remis en cause. Phelps ordonne d’abandonner la mission. La série est déjà très loin. De nouveaux personnages apparaissent (Max) et déstabilisent l’ordre. Les relations entre les différents individus sont difficilement compréhensibles. Jean Reno se bat contre Tom Cruise et fait une tête énervée dans son hélicoptère. Le deuxième méchant est toutefois déjà désigné.

Cette deuxième partie où les plans sont désormais simplement juxtaposés voire séparés par des fondus au blanc révèlent les principales thématiques du films :

- Les corps en apesanteur : Cette partie s’ouvre avec la chute du corps de Cruise, auxquelles correspondent celles de Phelps ou l’élévation du hacker. Les voitures explosent, Cruise décolle au-dessus de l’eau qui le poursuit ou saute sur l’hélicoptère en plein vol. On voit même les plans décisifs de la dernière scène dans laquelle il rejoint le train. la modernité, les nouvelles technologies libèrent l’homme de la pesanteur de son corps. Il peut désormais voler sans filet.

- Pouvoir de l’illusion : "C’est pire que ce que vous pensez", "Toute cette mission n’était qu’un leurre". Les écrans télés, de surveillance et d’ordinateurs se multiplient. Cruise enlève son masque de fantôme. On le dit seul survivant et dans le plan suivant le voilà qui s’effondre. L’illusion et le mensonge sont là partout à menacer les personnages. Comment faire la part des choses, interpréter correctement cet afflux d’images incontrolables ? Nous ne sommes pas préparés à recevoir toutes les informations que la bande annonce recèle avant d’avoir vu le film comme le personage n’est pas près à comprendre la situation dans laquelle il se trouve avant d’avoir pris du recul.

- Lutte pour le contrôle : "Vous ne m’avez jamais vu vraiment énervé." Tom Cruise garde son sang froid et, malgré sa première réaction de panique, reprend le contrôle. Il fait exploser l’aquarium et maîtrise son corps d’une façon exceptionnelle. La bande annonce se termine avec le plan de la lame de l’hélicoptère s’arrêtant à quelques centimètres de son cou. Il est déjà le grand gagnant annoncé. La fin nous est dévoilé. Si la première partie s’ouvrait et se fermait sur deux plans de Phelps, c’est Tom Cruise qui domine totalement la seconde. La chute est arrêtée. Le chassé est devenu le chasseur. Le grand défaut de cette bande-annonce est ici de trop nous en montrer. Les trois grandes scènes d’action (aquarium, vol à Langley et le final en train) sont largement dévoilées. L’enjeu du film est peut être alors à chercher ailleurs.

- Une histoire d’amour : C’est là que la bande annonce de Mission : Impossible devient passionnante. Elle met clairement en avant le personnage d’Emmanuelle Béart et son aspect mystérieux, menaçant. Elle était déjà présente dans la première partie mais d’une manière cachée. C’est elle qui injecte le liquide dans le verre à partir d’un stylo. On ne voit que sa main mais elle est bien là. C’est d’ailleurs la seule membre importante de l’équipe qui n’est pas directement dévoilée. Dans la seconde partie, elle est clairement présentée comme l’enjeu du film. Tom Cruise et elle sont montrés en de multiples et rapides champ-contrechamps qui sont en totale rupture avec le reste de la bande annonce. Une voix s’elève et demande : "Je ne veux pas savoir comment mais pourquoi il l’a fait ?" Béart apparaît alors derrière le rideau de l’appartement londonien. Un peu plus loin, l’agent du gouvernement explique qu’il suffit de trouver son point faible et de le laisser venir. A nouveau, c’est elle qui apparâit à l’ecran cette fois-ci embrassant Tom Cruise. Ces mots auraient aussi bien pu être ceux de Phelps qui utilise la même technique dans le film pour piéger Hunt. Cette scène de baiser est d’autant plus importante qu’elle a été coupée du montage de Mission : Impossible. La bande-annonce est ici terriblement importante car elle dévoile la grande scène fantasmée du film, elle nous révèle les intentions cachées de Cruise qui ne sont que tardivement mis à nu dans le long métrage. Mission Impossible est en définitive l’histoire d’un individu qui va devoir tester la loyauté de celle qu’il aime.

La bande-annonce de Mission : Impossible par une parfaite adéquation de l’image et du son, résume donc parfaitement tous les tenants et les aboutissants du film. Elle est le complément indispensable à une bonne vision du long métrage de Brian De Palma et la preuve que ce type de présentation peut parfois avoir une importance capitale.

A lire : Visions fantastiques. Mission : Impossible de Brian De Palma par Luc Lagier.

par Boris Bastide
Article mis en ligne le 14 octobre 2004 (réédition)
Publication originale 19 mars 2002

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