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Bernard Buffet à la Galerie Maurice Garnier

Exposition à la galerie Maurice Garnier à Paris du 5 février au 31 mars 2004

Si vous passez sur l’avenue Matignon, près des Champs-Élysées, et que vous disposez de cinq à trente minutes, poussez la porte de la Galerie d’Art Maurice Garnier pour jeter un coup d’oeil à la quinzaine de toiles de Bernard Buffet (1928-1999) exposées.


Maurice Garnier, fervent admirateur du peintre et surtout fidèle marchand d’art de celui-ci depuis 1958, décide en 2001 d’organiser une gigantesque rétrospective Bernard Buffet : c’est le quatrième volet de cette rétrospective que le visiteur peut observer. Dans l’atmosphère feutrée de la Galerie, une sélection d’huiles sur toile, peintes entre 1960 et 1964 alors que le peintre aborde la trentaine, est présentée. Ces années sont charnières dans l’art de Buffet, qui peu à peu va s’éloigner de ses angoisses existentialistes pour se tourner vers un art du portrait apaisé et vers un art du paysage, refusant l’abstraction, ce qui contribuera à sa mise au ban par la critique.

Annabelle Buffet - 6.1 ko
Annabelle Buffet

Peintre de l’après-Seconde Guerre Mondiale, Bernard Buffet sera un artiste essentiellement figuratif, facilement reconnaissable par le grand public grâce à son trait aigu, mais boudé par la critique depuis le début des années 1960, alors même que le peintre a connu très jeune un fulgurant succès. Les adeptes de la taxinomie le classent dans le courant "expressionniste misérabiliste", aux côtés de Gruber et de François Rouault. Son trait, fait de lignes noires allongées, est sec, tranchant, acéré. Le monde qui se crée sous son pinceau est souvent dit misérabiliste, la palette est faite de gris, d’ocre, de noir, de brun, couleurs qui laissent transparaître l’angoisse existentialiste du peintre.

Le visiteur peut déambuler à son gré dans deux salles.

(JPEG) Dans la première pièce de la Galerie, occupée par trois bureaux, dans laquelle on croise le marchand d’art Maurice Garnier, le visiteur est entouré d’œuvres quelque peu éloignées du misérabilisme traditionnel à l’époque de Bernard Buffet, œuvres qui connotent la vie, où la couleur prend ses aises. Le vivant est illustré par deux personnages, une jeune femme au grand chapeau, marchant sur une promenade face à la mer, qui n’est autre qu’Annabel Buffet, et un homme à la cape irisée, ainsi que par deux huiles sur toile d’animaux, un crapaud et un insecte. Etrangement, cette vie omniprésente dérange, perturbe. Le visiteur se sent coincé entre ces tableaux et ces bureaux.

L’apaisement arrive en pénétrant dans la seconde pièce de la galerie. Dans la première moitié de la seconde salle, quatre œuvres aux tons froids sont exposées, dont deux paravents. Les visages sont anonymes, les corps décharnés, longilignes, filiformes. Cette atmosphère glacée contraste avec ce qui est représenté : une femme vêtue de porte-jarretelles (toujours Annabel Buffet), un homme pénétrant une femme, et une femme qui est un "nu couché". Ici, le sexe est déshumanisé et se désolidarise de la sensualité : ce sont des corps anatomiques et fixes qui s’offrent au visiteur. L’austérité de ces toiles s’oppose avec l’apparente chaleur des œuvres exposées dans la seconde moitié de la salle. Ce sont cinq têtes allongées et rouges, sur un fond jaune orangé qui accueillent le visiteur. Ces "têtes" dites d’"écorchés" sont de dimensions imposantes et fixent le visiteur, les yeux hagards, injectés de sang, dans lesquels se lit la violence et l’horreur du monde contemporain. Des lignes de force partent en rayon depuis les yeux et le menton, accentuant l’air menaçant de ces figures, aux apparences squelettiques. Le visiteur se sent scruté, accusé. Ces têtes, travaillées par empâtement, datent de 1964, quelques vingt années après la Seconde Guerre Mondiale et immédiatement après les accords d’Evian de 1962, et semblent par leur souffrance et leur regard fixe, renvoyer l’humanité à sa responsabilité d’écorcheur.

En sortant de cette petite rétrospective, le visiteur regrette que Bernard Buffet ne soit pas plus à l’honneur. Il a souvent été reproché au peintre son absence de renouvellement, son utilisation récurrente d’un type anguleux, aigu, tranchant et son refus de l’abstraction. Pourtant, c’est précisément ce qui démarque Bernard Buffet de l’ensemble des autres artistes de la même période et cette technique récurrente n’est aucunement utilisée comme une verroterie qui amadouerait le visiteur. Bernard Buffet n’a cessé tout au long de sa vie de produire des œuvres diverses et saisissantes, portraits ou paysages, inlassablement passées au prisme de son œil-scalpel. Après les années soixante, voirev soixante-dix, l’œuvre de Bernard Buffet se fait moins violente, moins porteuse des souvenirs d’après-guerre, et ce en concordance avec l’ensemble de la société française.

par Aurore Rubio
Article mis en ligne le 1er mars 2007 (réédition)
Publication originale 18 mars 2004

Informations pratiques :
 artiste : Bernard Buffet
 dates : du 5 février 2004 au 31 mars 2004
 lieu : Galerie Maurice Garnier, 6 avenue Matignon, 75008 PARIS
 horaires : de 10h à 13h et de 14h30 à 18h30, le samedi de 10h à 13h et de 14h30 à 18h00
 tarif : entrée libre
 renseignements : tél : 01 42 25 61 65

* l’ensemble des images est tiré de l’excellent site de F. Lombard

*Pour connaître l’actualité de Bernard Buffet, cliquer ici

*Du 3 février au 29 avril 2005, la Galerie Maurice Garnier expose de nouveau une sélection de toiles de l’artiste. Tableaux pour un musée, 1965-1969

Actualité :

Exposition Maurice Buffet à la Galerie Garnier, février-mars 2007

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